« Les conditions pour opérer depuis le Salvador ne sont plus réunies », explique El Faro (« le phare » en français) dans un éditorial daté du 13 avril intitulé « El Faro déménage ». Le média justifie ainsi le déplacement de son siège au Costa Rica, un pays où s’exerce « la séparation des pouvoirs et le respect de l’état de droit ».
« Le démantèlement de notre démocratie, le manque de contrôle de l’exercice du pouvoir par un petit groupe, les atteintes à la liberté de la presse et la disparition de tous les mécanismes de transparence et de responsabilité au Salvador menacent gravement le droit des citoyens à être informés, au-delà des ressources publiques considérables qui sont désormais utilisées pour diffuser de la propagande et de fausses nouvelles », dénonce le média d’information.
Selon Oscar Martinez, directeur de la rédaction du site El Faro, le jeune et très populaire président, qui a mis plus de 65 000 membres présumés de gangs en prison, n’aurait pas apprécié les révélations du journal sur une affaire de corruption présumée mais aussi sur des négociations secrètes qui auraient eu lieu entre le gouvernement et les gangs.
« Le président Nayib Bukele, sans aucune preuve, nous a accusés lors d’une allocution télévisée de blanchir de l’argent, rapporte-t-il, joint par Justine Fontaine du service International de RFI. C’est là que le harcèlement systématique a commencé de la part du ministère des Finances, qui a mené toute une série d’audits du journal. Ils essayaient de détruire notre média, de prendre le contrôle de nos comptes et de tout ce dont on avait besoin pour continuer à travailler. Pendant 17 mois, nous avons aussi été espionnés avec le logiciel Pegasus. Et je n’ai aucun doute : nos enquêtes sont la raison pour laquelle El Faro est harcelé. Pas seulement nos révélations sur le pacte passé par le gouvernement avec les gangs mais aussi toute l’enquête que menait précédemment le parquet contre ce gouvernement dans une affaire qui concernait des dizaines de contrats publics irréguliers. Alors nous avons pris cette mesure pour protéger la structure qui nous permet de faire du journalisme. Mais pour l’instant la rédaction reste présente au Salvador, nous continuons à couvrir l’actualité de ce pays. »
Dès février 2021, la Commission interaméricaine des droits de l’homme avait décidé d’accorder des mesures de précaution à 34 membres d’El Faro.
L’éditorial dénonce aussi « la criminalisation du journalisme » en Amérique centrale de plus en plus utilisée pour faire taire les voix dissidentes : « Les autocrates ne tolèrent pas d’autres récits »