Le portrait économique de la semaine est celui de l’Ivoirien Stanislas Zézé. À 53 ans, ce financier de haut vol est à la tête de la première agence de notation financière à avoir vu le jour en Afrique de l’Ouest, Bloomfield Investment Corporation, née en 2007. D’une certaine façon, rien ne prédestinait Stanislas Zézé à la finance.
Avec un père militaire – et fondateur des services secrets de Côte d’Ivoire – Stanislas Zézé est né sous le signe de Mars, (le dieu de la guerre et des armes) plutôt que sous celui de Mercure. (le dieu du commerce, chez les Romains). Cet élève brillant part en France pour y passer son bac et décrocher un diplôme de droit. Il s’envole ensuite pour les États-Unis pour y apprendre la gestion des administrations et la finance. Pourtant, l’image de son père, décédé quelques années plus tôt, le hante. Et entre Mars et Mercure, Stanislas Zézé décide dans un premier temps de ne pas choisir.
« Mon père disait : “Un homme doit faire l’armée, un homme qui ne fait pas l’armée, ce n’est pas un vrai homme”. Évidemment, j’ai grandi avec ça, et je me disais : “Il faut que je me débarrasse de ça” ! J’étais aux États-Unis, et j’ai décidé de m’engager sous le drapeau américain. Je suis rentré dans l’armée, c’était une très belle expérience, j’y suis resté un an. Et cela m’a appris énormément de choses en termes de rigueur, de discipline et de résilience. »
Un an sous les drapeaux. Puis il bifurque vers la finance, de la banque privée à la Banque mondiale, puis la Banque africaine de développement.
Et en 200, il crée Bloomfield Investment, la première agence de notation financière en Afrique de l’Ouest
Avec pour idée de rectifier le biais qu’ont selon lui les agences de notation américaines lorsqu’elles travaillent sur la dette des pays africains.
« Dans mes différents voyages en Afrique, je me suis rendu compte que l’évaluation du risque sur le continent par les agences de notation internationales était plutôt biaisée. On notait les pays africains sur une base universelle. Alors que la notation financière, c’est évaluer votre capacité à faire face à vos obligations dans une monnaie précise. Donc si cette monnaie n’est pas votre monnaie d’opération et si vous avez peu de devises dans cette monnaie, forcément vous aurez des notes très faibles malgré votre performance. Donc, je pensais qu’il fallait trouver un outil pour rectifier cela. »
Il n’y a pas que la finance ou l’armée qui intéressent cet homme
En effet, ce catholique pratiquant confesse une fascination pour les cardinaux de la Curie romaine. Au point d’en avoir copié une habitude vestimentaire.
« Vous savez, je considère que les (hommes NDLR) les plus puissants de l’église, ce sont les cardinaux. J’ai fait un tour au Vatican, j’ai visité la cathédrale Saint-Pierre, ensuite je suis allé m’asseoir dans un café, j’ai vu deux cardinaux arriver dans leur grande soutane sombre, ils se sont assis en face de moi et comme dans un geste théâtral, tous les deux ont croisé les jambes et j’ai vu des chaussettes rouges. Pam ! ça m’a ébloui ! Et cela m’a renforcé dans cette pensée qu’ils étaient des gens très puissants. Mais une puissance maitrisée, cachée et discrète. Et ça, ça m’a séduit, je suis tout de suite allé acheter une paire de chaussettes rouges. J’ai demandé au vendeur : “Est-ce que je peux avoir une paire de chaussettes rouges ?”, il m’a dit : “Ah, vous voulez des cardinales !” J’en ai pris cinq et depuis ce jour ne me suis plus séparé de ces chaussettes. Je ne porte que des chaussettes rouges. »
On le voit, Stanislas Zézé intègre dans son parcours les trois grandes formes de pouvoir de la société. L’armée, l’argent et la religion. Mais il n’en est jamais dupe, et c’est ce qui rend cet homme très intéressant. Ainsi, il n’a pas choisi la notation financière par hasard. Car si l’on y réfléchit, la notation financière est un instrument de contrôle de l’argent et de ses effets néfastes, et donc, c’est une forme de distanciation qu’il juge lui-même nécessaire.
Melv