Pour bien comprendre cette affaire, il faut d’abord savoir que le Tchad, producteur et exportateur de pétrole, en est devenu très dépendant, avec des bénéfices tirés des hydrocarbures qui représentaient près de 11 % de son PIB en 2020, selon la Banque mondiale.
Récemment, le pays a décidé de nationaliser tous les actifs d’Esso Tchad, une ex-filiale du géant américain des hydrocarbures ExxonMobil, dont N’Djamena conteste la vente à une compagnie britannique, Savannah Energy.
Savannah Energy à l’origine de la crise
Et c’est la signature d’un accord d’achat entre le Cameroun et cette même société, Savannah Energy, qui est à l’origine du problème entre N’Djamena et Yaoundé.
“Pour gérer le pipeline, il y a deux sociétés qui ont été créées. Totco (Tchad oil transportation company) côté tchadien et Cotco (Cameroon oil transportation company) côté camerounais. Le Tchad a des actifs au sein de ces deux compagnies. Donc lorsque le rachat des actifs de Esso par Savannah côté tchadien a été remis en cause par le Tchad, Savannah est plutôt allé prendre position dans la société Cotco du côté camerounais et donc a fait comme si de rien n’était côté tchadien. Donc en contrôlant le brut à la sortie à travers Cotco, cela pose un problème fondamental pour le Tchad”, explique à la DW Gilbert Maoundonodji, qui a été coordonnateur du Groupe de recherches alternatives et de monitoring du projet pétrole Tchad-Cameroun.
Le brut tchadien provenant de l’exploitation des champs pétroliers de Doba est en effet transporté par oléoduc à travers le Cameroun, jusqu’au port de Kribi, avant d’être exporté sur les marchés internationaux.
Un règlement à l’amiable
Selon Gilbert Maoundonodji, si dans cette affaire c’est la souveraineté et la sécurité énergétique du Tchad qui est en jeu, aucun des deux pays n’a toutefois intérêt à ce que les relations se détériorent.
Un avis que partage l’éditorialiste camerounais Magloire Pépin Haman Mana qui pense que c’est certes une relation complexe mais si elle venait à se détériorer “les deux pays y perdraient énormément”.
“Le Cameroun tire des royalties du transport du pétrole tchadien, ainsi que du transport de marchandises du territoire camerounais à destination du Tchad”, rappelle pour sa part Philippe Nsoa, également éditorialiste camerounais. Il estime par ailleurs que “cela devrait être une crise de courte durée”.
Selon Philippe Nsoa, des tractations devraient sans doute déjà être en cours pour un règlement à l’amiable de la crise car, en réagissant avec véhémence, les autorités tchadiennes ont sans doute voulu faire réagir au plus haut niveau le pouvoir camerounais.