Les bureaux de vote ont ouvert ce dimanche à 8h heure locale (3h TU) et fermeront à 20h (15h TU), selon la Commission électorale ouzbèke. Les 20 millions d’électeurs ouzbeks vont officiellement voter pour un texte amendant 65% de la Constitution actuelle et faisant de leur pays un endroit où « l’être humain, sa vie, sa liberté, son honneur et sa dignité sont les valeurs suprêmes ».
Mais dans le même temps, le mandat du président passe de cinq à sept ans, renouvelable deux fois avec une petite astuce : les compteurs de Chavkat Mirzioïev, 65 ans, sont remis à zéro. L’actuel dirigeant ouzbèke va pouvoir se représenter en 2026 et 2033, ce qui le maintient virtuellement sur le trône jusqu’en 2040.
Des réformes, mais un pouvoir toujours autoritaire
Troublant de la part d’un homme qui a déverrouillé l’Ouzbékistan, pays le plus peuplé d’Asie centrale avec 35 millions d’habitants, depuis sa prise de fonction en 2016, même si le pays est loin d’être dans une société ouverte. Il arrive au pouvoir après la dictature brutale entre 1991 et 2016, sous le règne d’Islam Karimov, dont il était le Premier ministre.
Il a d’abord fait de grandes réformes économiques avec la fin du travail forcé, la convertibilité de la monnaie, des privatisations, la réduction des droits de douane ou encore les investissements étrangers. Il y a aussi eu un rebond des libertés civiles avec la libération de prisonniers politiques. Sur la scène internationale, le président a repris du dialogue avec ses voisins d’Asie centrale. Toutefois, la presse y reste muselée, la société civile vit toujours dans la peur.
Mais, peut-être en partie pour faire passer cette mesure sur les mandats du président, d’autres dispositions sont introduites dans cette réforme, explique notre correspondant régional, Régis Genté. Le pouvoir souligne qu’il s’agit de s’éloigner de la dictature, en renforçant notamment les droits des personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes. D’autres dispositions introduisent, théoriquement du moins, plus de justice, en matière d’expulsion de son lieu d’habitation, de protections du droit des femmes ou au sujet des personnes handicapées. L’interdiction de la peine de mort, abolie dans le pays en 2008, et le respect des droits humains doivent aussi être constitutionnalisées dans ce « Nouvel Ouzbékistan » plus juste que vante Chavkat Mirzioïev.
Des SMS et des hashtags pour aller voter
Quant à la campagne pour ce référendum, elle a été très orchestrée par le pouvoir, et toute organisée pour que le « oui » l’emporte massivement. La consultation de ce dimanche ressemble plus à un plébiscite qu’à un vrai référendum. D’abord parce que le scrutin n’a été approuvé, et donc annoncé, que le 10 mars dernier. Il n’y a que sept semaines. Ensuite, le pouvoir en a fait une campagne très active et de nature à empêcher tout débat. Des célébrités, des athlètes, des politiciens, mais aussi les enfants, ont été largement mobilisés pour que chacun vote « oui ».
Les médias traditionnels et les médias sociaux sont saturés par la campagne, autour du hashtag #befarqemasman, qui signifie en ouzbek « Je ne suis pas indifférent ». Des concerts sont organisés à travers tout le pays. Chacun reçoit des SMS sur son portable, avec des messages du genre « Ne manquez pas le référendum ! » Le tout autour d’un slogan : « La Constitution : c’est la mienne, la vôtre, la nôtre ! »
On comprend bien que c’est surtout le pouvoir qui a besoin de ce texte, et qu’il doit en rajouter sur le soutien populaire dont il bénéficie. Il n’y a eu aucune consultation populaire préalable pour élaborer les amendements à la loi suprême ouzbèke. Cette insistance sur le caractère populaire vient aussi de l’échec patent, et pour tout dire tragique, d’une première tentative de modification de la constitution en juin 2022.
Cela avait mal tourné puisque le pouvoir en avait profité pour tenter d’amender des articles concernant l’autonomie, pourtant toute relative, d’une région, le Karakalpakstan. Cela avait provoqué des manifestations sur place, réprimées dans le sang par le pouvoir. Il y avait eu 21 morts. Les amendements concernant le Karakalpakstan ne figurent plus dans la version de la Constitution soumise à référendum ce dimanche.