Les maquis, restaurants, bars climatisés, glaciers, salons de coiffure, boutiques de vêtements, caves…
qui longeaient la rue «Des Princes», dans la commune de Yopougon, n’existent plus. Ces lieux où des centaines de personnes s’adonnaient à des activités commerciales, ont été démolis, dans la matinée du mardi 23 juin 2015, par plusieurs bulldozers de la mairie de Yopougon. Ce sont plus de 200 espaces de loisir, de vente, de beauté, qui ont été rasés. L’impact des deux « monstres mécaniques » qui ont procédé à la démolition du site, était encore visible, à notre passage, le mercredi 24 juin 2015, aux environs de 11 h, à cet endroit mythique de la commune la plus grande de Côte d’ivoire. La rue qui d’ordinaire grouillait de monde, est méconnaissable. De part et d’autre de la voie, jonchent des tonnes de gravats et des tôles froissées sur lesquels discutent des badauds pour y extraire du fer. Certains munis de marteaux, de pinces et de pied de biche, n’hésitent pas à s’attaquer aux pans des murs qui ne sont pas tombés sous les coups portés par la mâchoire à béton des bulldozers. Un drame a été évité de justesse, quand un pan d’un bar climatisé a cédé et est tombé dans le vide, sous la force des marteaux. Un adolescent de 15 ans a eu tout suite le temps de sauter, pour ne pas se faire écraser. Un acte qui a rendu plus mélancolique Joachim, le propriétaire d’un bar climatisé rénové pour les vacances. « Regardez ces enfants, ce sont les barres de fer qui les intéressent, alors que nous venons de perdre des centaines de millions de F Cfa avec la démolition de nos lieux de commerce. Ce sont plusieurs années de durs labeurs qui ont été rendues en poussière », fait-il savoir en sanglotant. Non loin de là, Yao Laurence, propriétaire d’un maquis et d’une cave, assise au milieu des gravats, n’en croit pas ses yeux. Désarçonnée par la destruction de son commerce, elle trouve difficilement les mots pour expliquer ce qui lui arrive. Sa fille aînée qui, aidée de ses jeunes frères, veille sur le matériel du maquis pour éviter qu’il soit volé, lui vient de temps en temps en aide. « La vieille a investi plus de 5 millions de F Cfa dans la réhabilitation du maquis et de la cave. C’est l’argent de ces deux commerces qui lui permet de s’occuper de ses sept enfants dont quatre sont encore sur les bancs », explique-t-elle. « Qu’est-ce que nous allons devenir ?», s’interroge Mme Yao tout en expliquant que célibataire, elle est le seul pilier de sa famille. La destruction des commerces implantés sur la rue « Des Princes » a emporté de célèbres maquis et bars climatisés tels que « Le Monde Arabe » et le « Wifi ». Ces deux endroits sont la propriété d’un jeune ivoirien, qui, après être allé « se chercher » en Europe, est revenu investir dans son pays.
Les raisons de la démolition
Anicet Oboué adossé à sa voiture était sans voix. Il ne croit pas à ce qui lui arrive et pense avoir fait un mauvais rêve. Mais après avoir frotté les yeux, il se rend compte qu’il s’agit de faits réels. « J’ai investi 45 millions de F Cfa dans mes établissements. J’ai une cinquantaine d’employés. Comment vais-je faire ? », s’interroge-t-il devant son personnel abasourdi, dont certains assis à même le sol, ont le regard perdu. D’autres, plus affectés, ont du mal à retenir leurs émotions. « Ce que je n’arrive pas à comprendre, c’est que la mairie ne nous a pas laissé le temps d’enlever notre matériel de travail. Pourtant, après une rencontre avec le cabinet du maire, en présence des riverains, la mairie a décidé de surseoir à la démolition des commerces », explique médusé, Georges qui comptabilise à lui seul, cinq (5) magasins dans cette rue. ”Faux”, rétorque un responsable du côté de la mairie. ”La mairie a pris toutes les dispositions”, affirme-t-il. Selon lui, c’est depuis le mois d’avril 2015, que tous ceux qui exercent dans cette rue, ont été informés de la démolition du site. Mieux, chacun a reçu des mises en demeure. Mais le problème, au dire de ce responsable, ne se situe pas à ce niveau. Pour lui, les espaces de commerce de la rue « Des Princes » ont été rasés pour nuisance sonore et barrages des voies. En effet, comme il l’a fait savoir, des riverains, fatigués des bruits sonores émis par les puissantes baffes des maquis et autres bars climatisés, ont, a plusieurs reprises, saisi le maire Koné Kafana. Dans un souci de cohésion, celui-ci avait organisé des réunions au cours desquelles les gérants des maquis et bars climatisés avaient été invités à réduire le volume de leurs appareils. Mais cette mesure n’a pas été respectée et la mairie est revenue à la charge, en mettant en fourrière des baffes. Chaque fois, explique le responsable, elles étaient remplacées. C’est donc fatiguée des attitudes des gérants et surtout des plaintes des riverains que la mairie a pris la décision de détruire tous les commerces situés le long de la rue « Des Princes ». La mesure a été mise à exécution. Depuis donc le mardi 23 juin 2015, on ne parle de cette rue qu’au passé.
Elysée YAO
SoIR INFO