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Benin : le gouvernement du président Patrice Talon poursuit sa lutte contre la corruption

Le gouvernement du président Patrice Talon ne trouve toujours pas sa marque dans sa volonté de lutter contre la corruption. Comme un aveu d’échec, le gouvernement a, au cours du conseil des ministres hier mercredi 19 Janvier 2022, décidé de la centralisation des alertes. Ainsi, la présidence abritera désormais une cellule d’analyse et de traitement des plaintes et dénonciations.

La fermeté du discours du chef de l’Etat, la création de la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) pour dissuader les tentations n’ont pas permis au régime de la rupture de venir à bout de la corruption et de la mauvaise gouvernance dans les sociétés et offices d’Etat.

Face à la situation, le gouvernement a pris de nouvelles décisions au cours du conseil des ministres du mercredi 19 Janvier 2022. Selon le compte rendu des travaux de ce conseil, « le gouvernement a marqué son accord pour la mise en place, à la présidence de la République, d’un dispositif central de recueil de plaintes ou de dénonciations à l’encontre de tout agent public, quel que soit son niveau de responsabilité« .

Un tel dispositif, permet également de renforcer la participation citoyenne au contrôle de la gestion des affaires publiques, précise le compte rendu du conseil des ministres. Si la nouvelle mesure dénote de la volonté affichée du pouvoir en place d’en découdre avec les élans de corruption des cadres béninois, la pertinence de la mesure reste discutable.


Le gouvernement du président Patrice Talon n’a pas encore la bonne formule pour lutter efficacement contre la corruption. La mesure issue du conseil des ministres du mercredi 18 Janvier 2022 est de loin, la formule pour faire face à ce serpent qui fait courber l’échine à tous les régimes.

Loin d’être à la hauteur de la mission qui lui est assignée, la cellule d’analyse et de traitement des plaintes et des dénonciations installée à la présidence de la République ne fera que nourrir la polémique. L’opposition actuellement en hibernation, lorsqu’elle se réveillera de son sommeil hypnotique, criera à tue tête qu’il s’agira d’une volonté d’étouffer les gros dossiers à scandales.

Eloignons-nous d’ailleurs de cette opposition pour dire que l’initiative de l’installation d’une cellule d’analyse et de traitements des plaintes et dénonciations relatives à la corruption reste juste un bis repetita qui ne donnera que des résultats similaires. Qu’il vous souvienne que le 24 Août 2016, le gouvernement a décidé au cours de son conseil des ministres de la création d’une nouvelle structure au sein de la Présidence de la République. Il s’agit de la Cellule d’analyse et d’enregistrement des projets d’arrêtés ministériels et préfectoraux.

Cette nouvelle cellule, à en croire le ministre d’Etat, Secrétaire général à la Présidence de la République, Pascal Irénée Koupaki, devra veiller à ce que les actes réglementaires pris dans les ministères et les préfectures soient en harmonie avec la politique de la nation dans tous les secteurs pour lesquels ces actes sont pris. Aussi, le travail de la cellule devra également permettre à ce que les actes ministériels et préfectoraux soient en harmonie avec les plans, les programmes et les projets de développement approuvés par le gouvernement. La nouvelle structure étatique aura également à charge de « renforcer la cohésion gouvernementale à toute épreuve » et ce, à travers le suivi des actes administratifs.

L’existence de cette cellule à la présidence de la république n’a pas empêché la prise parfois des arrêtés cacophoniques. Le dernier en date est celui pris par le préfet du département du Littoral qui a contraint son ministre de tutelle de lui retirer momentanément une partie de ses responsabilités.

En tout cas, il est difficile pour ceux qui observent de loin la politique gouvernementale de défendre l’efficacité de cette cellule dite d’analyse et d’enregistrement des projets d’arrêtés ministériels et préfectoraux. La cellule d’analyse et de traitement des plaintes et dénonciation, de notre point de vue, ne donnera pas de résultat meilleur.
En matière de lutte contre la corruption, il y a trois paramètres pour ne pas dire quatre dont il faut tenir compte quand on n’a la volonté ardente de rétrécir le champ du phénomène, car corruption zéro n’est qu’un mirage. Le premier paramètre, c’est la mise en place des dispositions légales appropriées. Le second est le renforcement de l’indépendance de la justice et des structures en charges de la lutte contre la corruption, la spécialisation et le renforcement de la capacité de certains juges. Et enfin le troisième paramètre, une farouche volonté politique. L’on pourrait subsidiairement évoquer un quatrième paramètre, celui de la justice sociale. (S’il y a une catégorie de citoyens, les politiques en l’occurrence qui se taille la part du lion dans la cagnotte commune, ils inciteront les autres à la corruption pour rétablir la justice).

En terme de dispositions légales, si le régime précédent, celui de Boni Yayi, avait pris des lois importantes contre la corruption, notamment celle n°2011-20 du 12 octobre 2012 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes, les griefs successifs que beaucoup de Béninois ont nourri contre la loi n°2018-16 du 28 Décembre 2018 portant code pénal en République du Bénin, prouvent à suffisance que le Bénin dans son désir de lutter contre la corruption fait un pas en avant puis dix en arrière.

En effet, s’il est vrai que cette loi a maintenu les peines d’emprisonnement, pour ce qui est des sanctions, le montant de l’amende minimale est désormais de 200 000 FCFA contre 1.000.000 FCFA dans la loi n°2011-20 du 12 octobre 2012 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes. Par ailleurs, la loi de 2018 punit désormais l’enrichissement illicite d’un an à 5 ans de prison contre 5 à 10 ans auparavant. Il en est de même pour l’emprisonnement pour le blanchiment de capitaux qui était de 10 à 20 ans mais ramené dans la fourchette de 3 à 7 ans.

En outre, ce qui entre temps était considéré comme une avancée majeure n’a pas été pris en compte par le nouveau code pénal. Il s’agit de l’imprescriptibilité des crimes économiques disposée par l’article 21 de la loi portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes.

Avec la détermination affichée par le président de la République pour lutter contre la corruption, une réforme devait aller dans le sens du durcissement des sanctions notamment des sanctions pécuniaires qui ont été malheureusement revues à la baisse. Ainsi, ce que le gouvernement devait faire, c’est renforcer les dispositions légales et non les ramollir.

Si la loi n°2018-16 du 28 Décembre- 2018 portant code pénal en République du Bénin a atténué certains effets la loi n°2011-20 du 12 octobre 2012 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes, le gouvernement de la rupture a quand même eu le mérite d’instituer une juridiction spécialiser pour connaître les crimes financiers.

Mais ce qui aurait dû être fait par le gouvernement, est de travailler à une réelle indépendance de cette juridiction spécialisée qu’est la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme. Accusé à tort ou à raison d’être un instrument de répression du pouvoir, le gouvernement aurait mieux faire de revoir à travers une relecture des textes l’instituant le mode de désignation des juges qui l’animent.

L’autre chose que le gouvernement aurait dû faire pour rassurer ses adversaires de sa réelle volonté de lutter contre la corruption, c’est de renforcer les pouvoirs de l’autorité nationale de lutte contre la corruption, dont la moralité du président, Jean-Baptiste Elias fait l’unanimité dans le pays.

Malheureusement, le pouvoir a plutôt fait l’option de la dissolution de cette autorité pour instituer en lieu et place, un Haut commissariat à la prévention de la corruption, un organe qui sera d’ailleurs conduit par un politique.

Toutes ces actions n’ont pas permis au chef de l’Etat de faire de la visibilité sur sa réelle intention de lutter de façon impartiale contre la corruption. C’est d’ailleurs ce qui fait que la cellule d’analyse et de traitement des plaintes et dénonciations sera sans doute les jours à venir objet de polémique d’autant plus que dans la conscience collective, quand on parle de corruption ou de mauvaise gouvernance, la première personne à qui l’on pense, c’est l’acteur politique.

En somme, l’efficacité de la lutte contre la corruption relève de la compétence de deux institutions. Une juridiction spécialisée formée pour la cause et indépendante et une autorité de lutte contre la corruption dotée de pouvoir plus élargi pour la prévention. Le rôle de l’autorité politique est de permettre à ces deux structures d’être efficace en mettant à leur dispositions les moyens nécessaires et en respectant leur indépendance.

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