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Crise au Burkina: Blaise et Chantal Compaoré: Retour à la case Ivoire

couple compaoré

Pour les époux Compaoré, le choix de la Côte d’Ivoire comme terre d’asile et d’exil relevait de l’évidence. Alassane Ouattara, le président de la patrie des Eléphants, entretient des relations plus que cordiales avec le ci-devant « Beau Blaise », lequel passe à juste titre pour le parrain de la rébellion nordiste fatale à l’usure à Laurent Gbagbo. Quant à Dominique, First Lady ivoirienne, elle n’a jamais renié l’amitié qui la lie à son ex-homologue de Ouagadougou Chantal, native de Dabou, cité lagunaire nichée à l’ouest d’Abidjan. Abidjan où résidait sa maman Simone, décédée en mai 2011 et  inhumée alors dans le cimetière de Williamsville.

Rien d’insolite dès lors à voir le long cortège du chef d’Etat déchu parvenir le 31 octobre, à la nuit tombée, à Yamoussoukro, jadis village natal du défunt patriarche ivoirien Félix Houphouët-Boigny, aujourd’hui capitale administrative du pays. L’ancien putschiste et Madame séjournent depuis lors dans l’imposante Villa des Hôtes, coiffée d’un dôme doré, ceinte d’une verte pelouse et surnommée « le Giscardium » pour avoir eu comme premier locataire, dans les années 1970, un certain VGE.

Reste que cette complicité -familiale, conjugale et politique- plonge profondément ses racines dans l’histoire coloniale et la chronique postcoloniale. C’est ce que l’auteur de ce blog découvrit quand il explora voilà peu la trajectoire de la métisse Chantal Compaoré, née Terrasson de Fougères, petite-fille d’un illustre gouverneur du Soudan français, l’une des dix héroïnes d’un essai paru au printemps chez Perrin et intitulé « Reines d’Afrique, Le roman vrai des premières Dames ». Charité bien ordonnée…

Soyons clairs : l’union entre Blaise, le Mossi taiseux, et la pétulante Chantou, autrefois majorette émérite et handballeuse de talent, doit au moins autant aux lois de la géopolitique matrimoniale qu’aux flèches de Cupidon. Et leurs épousailles, scellées en juin 1985, auront enrichi la foisonnante collection des mariages arrangés. Avec dans le rôle de la courtière, Houphouët soi-même. Exaspéré par les harangues insolentes du boutefeu tiers-mondiste Thomas Sankara, le Bélier de Yamoussoukro misa sur son discret second. Et fit en sorte dit-on que la route du jeune Compaoré croisa celle de la très accorte et très convoitée Terrasson. S’agissant des circonstances exactes de leur rencontre, deux ou trois versions circulent. Selon la plus répandue, Blaise, ministre d’Etat chargé de la Justice en ce temps-là, « flasha » sur sa future lors d’un banquet donné en l’honneur de sa délégation à l’Hôtel Ivoire, palace abidjanais. Il se murmure même que Chantal avait été infiltrée au sein de la cohorte des hôtesses. Et que le visiteur, conquis, lui aurait fait porter une lettre assortie de sa carte de visite. A en croire une variante, c’est à Bobo-Dioulasso, deuxième ville du pays des Hommes intègres que retentit le coup de foudre, au détour d’une fête familiale donnée chez les Vicens, la famille maternelle de la promise.

Un signe : lorsque, pour l’ouvrage mentionné plus haut, fut sollicité en mai 2013 un entretien avec la Première Dame du Faso, son entourage réserva à ma requête un accueil bienveillant. Restait à trouver une date, qu’on ne trouva jamais. Puis ce fut le silence radio, mes courriels de relance demeurant sans réponse. Il est vrai qu’entretemps, j’avais envoyé, à la demande du cabinet de l’intéressée, le canevas de l’interview. Il y a fort à parier que trois de la vingtaine de questions transmises auront plombé le rendez-vous : « Dans quelles circonstances avez-vous rencontré votre époux ? », « Est-il exact que Félix Houphouët-Boigny a joué un rôle dans cette rencontre ? », « Est-il vrai que vous entreteniez des relations amicales avec la femme de Thomas Sankara ? » Celle-ci, prénommée Mariam, imputera l’assassinat du légendaire Capitaine à son ex-compagnon d’arme, aiguillonné selon elle par les ambitions de Chantal. A la relecture, une autre interrogation a pu heurter : « Un jour viendra où votre mari quittera le pouvoir. Comment concevez-vous l’ « après » pour ce qui vous concerne ? » L’après, c’est maintenant.

Une certitude : c’est à bord de l’avion personnel d’Houphouët-Boigny que les fiancés furent acheminés jusqu’au théâtre de l’échange des alliances. Où ça ? A Pô, ville de garnison et siège d’un fameux centre d’entraînement de commandos parachutistes. Certes, on a vu plus glamour pour une noce. Mais Blaise était pour le moins familier de ce décor martial, rampe de lancement deux ans plus tôt de l’insurrection sankariste. Après sa démission, près de trois décennies plus tard, le cortège des fuyards mit d’ailleurs semble-t-il le cap sur Pô, avant de contourner l’ex-fief devenu hostile.

Un autre couple d’exilés, certes moins illustre et hébergé dans un premier temps au Bénin, mérite le détour. Celui que forment François Compaoré, alias « Petit Président », frère cadet et hier encore influent conseiller de Blaise, et la fille d’Alizeta Ouedraogo, présidente de la Chambre de commerce et d’industrie de Ouaga ; laquelle Alizeta doit à cette parenté son sobriquet de « Belle-mère nationale » et l’essentiel d’un empire économique allant de ma maroquinerie au BTP, via l’immobilier. Une pensée au passage pour le journaliste Norbert Zongo, assassiné en 1998 alors qu’il enquêtait sur le meurtre du chauffeur de François. Pour les siens, l’heure de la vérité a peut-être enfin sonné. Et pour Blaise et Chantal, la vérité de l’heure a pour nom bannissement. Même doré, l’exil est une réclusion.

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