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Gouvernance en Afrique: Voici les Bons et mauvais dictateurs africains selon les occidentaux

Bons et mauvais dictateurs africains selon les Occidentaux
Récemment, plusieurs dirigeants africains ont été réinvestis présidents à la tête de régimes « démocratiques » (Idriss Deby Itno, Dénis Sassou Ngesso, Pierre Nkurunziza, Yoweri Museveni). Leur point commun est d’avoir tous fait plus de deux mandats et continuent de contrôler le pouvoir, ce qui est contraire à l’esprit démocratique. La « communauté internationale » a eu des réactions à géométrie variable suite à leur investiture. Comment expliquer que l’exigence du respect de l’esprit démocratique s’adresse à certains et pas à d’autres?

La culture des hommes forts

Depuis les années 90, on remarque de la part de la communauté internationale une certaine hiérarchie entre les dirigeants africains. En effet, elle soutient certains et les aide à rester au pouvoir en contrepartie de bons et loyaux services. C’est ainsi que Blaise Compaoré après plus de vingt ans de présidence était devenu le médiateur par excellence de toutes les crises politiques des pays francophones de l’Afrique de l’Ouest ; Kadhafi ancien leader du Sahel aujourd’hui remplacé par le « Gendarme du Sahel » en la personne de Idriss Deby Itno ; Paul Kagamé dans la région des grands Lacs, Denis Sassou Ngesso et Paul Biya dans l’Afrique Centrale…

Cette connivence des chancelleries occidentales a abouti à l’émergence de ce qu’on appelle les « hommes forts », c’est-à-dire des dirigeants qui surplombent et écrasent littéralement les institutions démocratiques, notamment le parlement et le pouvoir judicaire.Le point commun de ces dirigeants est leur longévité au pouvoir grâce, entre autres, au tripatouillage des constitutions. Cela a conduit à une concentration des pouvoirs entre les mains de ces « hommes forts » et à une forte personnalisation du pouvoir présidentiel, ce qui a écrasé tout contrepouvoir susceptible de contester leur autorité.

Il y a des « hommes forts » fréquentables

Certains dirigeants africains, dans la catégorie des « hommes forts » entretiennent de bons rapports avec les chancelleries occidentales pour des raisons stratégiques bien précises. A titre d’illustration, le président tchadien est toléré pour des raisons sécuritaires, alors que celui du Cameroun l’est pour des raisons économiques.

Arrivé à la tête du Tchad le 4 décembre 1990 avec l’aide du service des renseignements français, Idriss Deby Itno qui a chassé son vieil ami Habré n’a eu de cesse de renouveler les mandats. Au fil des ans, il est devenu l’un des plus anciens dirigeants de la région du Sahel et logiquement celui qui devait succéder à Kadhafi en tant que leader de cette région grâce à une armée super équipée de 70 000 hommes. Mais également gros client des puissances occidentales qui lui vendent divers types d’armes pour son armée, il bénéficie d’un certain soutien. Malgré les diverses plaintes des opposants, les atteintes aux libertés individuelles signalées, celui que les médias français surnomment le« gendarme du Sahel » a gagné la confiance des occidentaux qui occultent facilement tous les excès.

Concernant Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, avec à son actif plusieurs révisons constitutionnelles, il a été aussi soutenu par la France, entre autres, principalement parce qu’il facilitait un accès privilégié aux ressources du pays, mais surtout aux marchés, au profit des multinationales françaises. Bolloré, comme dans beaucoup de pays d’Afrique Francophone contrôle les chemins de fer et le port de Douala qui est l’un des poumons de l’économie du pays. Le groupe Rougier a une véritable main mise sur l’exploitation du bois camerounais. Bouygues s’occupe des mines et minerais exportés pour être transformés, etc. Ces transactions ne respectent pas toujours les règles de la transparence et encore moins de l’égalité des chances. Cela laisse présumer, sans tomber dans la théorie de complot, de l’existence d’un deal: soutien politique en échange des marchés. Ce capitalisme de copinage n’est certes pas l’apanage de la France. Il est malheureusement monnaie courante dans les relations internationales.

Mais il y a les mauvais dictateurs…

A côté de cela, d’autres dictateurs entretiennent des relations tendues avec ces mêmes chancelleries occidentales. A tire d’exemple, le Burundi est sous le coup de plusieurs sanctions économiques de la part de la communauté internationale à cause du refus de son président élu de renoncer à un troisième mandat. Joseph Kabila a quant à lui été mis en garde plusieurs fois par le secrétaire d’Etat américain.

Leur mauvaise fortune peut s’expliquer en partie par le fait que ces deux dirigeants n’entrent pas dans les « hommes forts » du réseau utile. Ils doivent donc faire face à de farouches oppositions parfois armées chez eux et éprouvent beaucoup de difficultés à contrôler le jeu politique chez eux. Par ailleurs, ces dirigeants ont un discours hostile envers les puissances occidentales. Après l’annonce de l’Union Européenne, le 14 mars 2016, de la suppression de son aide qui constitue près d’un tiers du budget national Burundais, Pierre Nkurunziza a répliqué en annonçant vouloir développer désormais son pays sans cette aide qui n’encourage qu’à la dépendance. Déclaration qui n’est pas de nature à améliorer les relations orageuses qu’il entretient actuellement avec les occidentaux.

Quant à Joseph Kabila, il avait fait le choix de se tourner vers la Chine qui est le partenaire économique le plus important de la RDC au détriment des grandes entreprises occidentales. Quand on connait les ressources minières et hydrauliques énormes de ce pays, la mise à l’écart des pays occidentaux ne doit pas être bien accueillie. Il urge alors de faire partir Kabila qui bien qu’en fin de mandat constitutionnel tarde à organiser les élections. Face aux insoumis, les occidentaux brandissent le bâton.

Deux poids, deux mesures

Les exemples précédents illustrent deux catégories de dirigeants africains aux fortunes diverses, il apparaît clairement que l’exigence de démocratie adressée à certains présidents africains et pas à d’autres n’est en fait qu’un moyen d’entretenir une diplomatie pernicieuse. Un agissement que dénoncent d’ailleurs Robert Bourgi avocat de Omar Bongo et de Laurent Gbagbo, et Loïk le Floch-Prigent, ancien PDG de Elf, tous deux anciens acteurs majeurs de cette nébuleuse appelée « Françafrique » dans un documentaire de Patrick Benquet intitulé « Françafrique, l’argent roi ». Cela ne dédouane aucunement les dirigeants africains de leurs propres responsabilités, mais il est primordial de comprendre le caractère partagé de la responsabilité entre ces dictateurs et certaines chancelleries occidentales pour pouvoir mieux agir.

Dès lors, il est légitime d’exiger des chancelleries occidentales plus de cohérence et de sincérité dans la défense des valeurs démocratiques, notamment en cessant de considérer les bons coopérants comme des « hommes forts » et les mauvais coopérants comme des dictateurs.

AHOUANGANSI Mauriac, étudiant-chercheur, Bénin. Le 16 septembre 2016.

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