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Santé: SIDA, les nouvelles armes de l’Afrique dès 2019.


Marche pour la science à Durban, en Afrique du Sud, le 14 avril 2018. RAJESH JANTILAL/AFP


Présentation de notre série Sida, les nouvelles armes de l’Afrique

Une promesse se fait jour. Celle de voir, d’ici à quelques années, les personnes séropositives soignées par une injection tous les deux à trois mois, par un patch, un implant ou une gélule à libération progressive. Celle de pouvoir protéger les personnes séronégatives d’une contamination grâce à la prise d’une capsule toutes deux semaines. L’espoir d’en finir avec la contrainte d’une prise quotidienne de médicaments, qui reste un frein puissant au contrôle de la maladie et peut mener à l’échec thérapeutique. En Afrique comme ailleurs dans le monde.
« De tels scénarios pourraient se réaliser dans la prochaine décennie », estiment Lelio Marmora, directeur d’Unitaid et coauteur d’un article publié dans la revue scientifique The Lancet, le 24 octobre. D’autant plus que l’on dispose déjà, dans les pays développés, de traitements longue durée d’action pour plusieurs maladies comme la schizophrénie, l’asthme sévère ou les addictions aux opioïdes qui donnent de meilleurs résultats que les traitements conventionnels. « Contre le VIH, les médicaments injectables à action prolongée sont les plus avancés », résume l’article.

« Des injections dès 2019 » ?
Qu’il s’agisse de traitement ou de prévention, plusieurs essais sont en cours. Le 18 septembre, le laboratoire ViiV Healthcare annonçait ainsi les premiers résultats d’une étude clinique, jugés « très satisfaisants » par le professeur Jean-Michel Molina, du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Saint-Louis, à Paris. Cet essai nommé « Atlas » a été conduit chez 618 adultes vivant avec le VIH dans différents pays : Afrique du Sud, Argentine, Canada, France, Etats-Unis, etc. Tous étaient sous traitement et avaient une charge virale indétectable depuis plus de six mois. L’essai a comparé deux traitements : l’injection mensuelle d’une bithérapie à une trithérapie standard prise par voie orale. Après quarante-huit semaines, l’injection mensuelle a fait aussi bien, en termes de contrôle du VIH, que la trithérapie en prise quotidienne. « Ce traitement injectable pourrait être commercialisé dès 2019 », indique Carmen Pérez Casas, coauteure de l’article du Lancet et responsable stratégie pour le VIH chez Unitaid.

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Du côté de la prévention, une prophylaxie pré-exposition (PrEP) à base d’une seule molécule administrée sous forme d’injections tous les un à trois mois est en cours d’évaluation. Deux grands essais cliniques comparent cette stratégie à l’administration orale quotidienne d’antirétroviraux habituellement donnés pour se protéger lors de relations sexuelles à risque. Le premier est conduit chez environ 4 500 hommes homosexuels dans 43 sites à travers le monde, dont l’Afrique du Sud. Le second, chez 3 200 femmes travailleuses du sexe dans 20 sites d’Afrique sub-saharienne (Botswana, Kenya, Malawi, Afrique du Sud, Swaziland, Ouganda, Zimbabwe).

Défis africains
Ces traitements seront-ils adaptés au continent africain ? C’est la grande question. « Il faut rester prudent. Ces produits injectables de longue durée d’action peuvent être intéressants en Afrique. Mais ils se heurtent à de nouveaux défis. Les injections, en particulier, imposent un matériel stérile », relève Jean-Michel Molina. Autre difficulté : la chaîne du froid, qui doit impérativement être respectée pour l’une des molécules, la rilpivirine. Par ailleurs, l’organisme des patients met du temps à éliminer ces médicaments : cela risque de favoriser des problèmes de résistance, mais aussi de créer des interactions néfastes avec d’autres médicaments.
Sur le continent, cependant, les solutions les mieux adaptées pourraient venir de l’implant inséré dans le bras, de l’anneau vaginal à visée préventive, du patch transdermique ou encore de gélules à libération lente sur une semaine. Ces dispositifs n’imposent ni chaîne du froid, ni matériel d’injection stérile. « En Afrique, les implants et autres formulations à longue durée d’action ont déjà radicalement changé la donne en matière de contraception, souligne Carmen Pérez Casas. Il faut continuer à explorer des solutions mieux adaptées au continent. »

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Mais il faudra quelques années encore avant que ces dispositifs anti-VIH ne soient disponibles. Car, aux défis technologiques et médicaux, s’ajoute un autre challenge : raccourcir le délai d’accès des pays africains à ces révolutions biomédicales. Un travail rendu complexe par le partage des brevets entre trois types d’entités : celles qui développent les molécules contre le VIH, celles qui développent les supports qui contiendront le médicament et celles qui développent les procédés de reformulation de ces médicaments. Un défi d’un autre ordre, mais pas moins crucial.

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