C’est un procès fleuve qui s’est ouvert lundi à Dakar. Celui de l’imam de Kaolack, Alioune Ndao, et de 29 autres personnes.
« Ce procès est le premier de ce type au Sénégal, par le nombre de prévenus, pointe Jeune Afrique. Ajourné à trois reprises depuis son ouverture le 27 décembre, il devrait durer plusieurs jours. Selon l’ordonnance de renvoi lue pendant près de deux heures, les prévenus sont accusés d’avoir voulu créer ‘une sorte de base’ du groupe État islamique dans le sud du pays avant d’étendre leur projet ‘entre le Sénégal, la Gambie, la Guinée et la Guinée-Bissau. Un projet qui avait pour cibles’, précise Jeune Afrique, ‘les Français, les confréries, les bâtiments publics’ et comme méthodes notamment les ‘attentats suicide’, selon l’accusation. La tête de pont de ce groupe, toujours selon l’accusation, serait Mokhtar Diokhané, alias Abou Anwar, un des prévenus, ancien élève de l’imam Ndao ayant fréquenté au Nigeria le groupe djihadiste Boko Haram puis arrêté au Niger et expulsé au Sénégal. »
Pour le site d’information sénégalais Dakar 92, « l’imam Alioune Ndao devra sortir de solides arguments pour convaincre les juges. Car voici les objets trouvés chez lui : des vidéos et textes de propagande extrémistes de l’Etat islamique, un pistolet de calibre 22 et des cartouches. Compromettant… », estime le site.
Le quotidien Walfadjri nous rappelle l’origine de l’affaire : « juillet 2015, un message publié sur Facebook attire l’attention des autorités. Un certain Abu Hamza menace le président de la République Macky Sall. Des menaces appuyées par des images de Sénégalais morts au combat dans les bastions de l’EI en Libye. Après enquête, on trouve des ressemblances entre le numéro de passeport d’Abu Hamza et celui de Matar Diokhané, retenu prisonnier au Niger avec des combattants sénégalais ayant prêté allégeance à Boko Haram. Les enquêtes qui suivront conduiront à l’imam Ndao. »
Prendre la pieuvre par les tentacules…
C’est donc tout un réseau qui a été démantelé, dont l’imam Ndao serait le guide spirituel.
« Il faut dire, relève L’Observateur Paalga à Ouagadougou, que l’imam est un habitué du prétoire puisqu’il a déjà été condamné pour apologie du terrorisme en raison de ses prêches virulents dans les mosquées de Kaolack. Il y a quelque trois semaines, c’est en véritable star qu’il était arrivé à l’audience, accueilli par un millier de dévots surchauffés dont certains ont même refusé de se lever, comme le veut l’usage, à l’entrée du juge Samba Kane et de ses collègues du tribunal. Dans un pays comme le Sénégal, où l’islam confrérique est érigé presque au rang de religion d’Etat, un tel procès ne peut pas laisser indifférent, pointe encore L’Observateur. C’est donc avec grand intérêt que le déroulement de ce dossier sera suivi tant ses répercussions sur la société sénégalaise peuvent être grandes. (…) Quoi qu’il en soit, ce procès montre combien le président Macky Sall est décidé à prendre le taureau par les cornes, pour ne pas dire la pieuvre par ses multiples tentacules. »
La justice sénégalaise intransigeante
Preuve de la fermeté de la justice sénégalaise, précise le site d’information Dakar Actu, un Franco-Sénégalais a été condamné hier à 15 ans de travaux forcés pour association de malfaiteurs et apologie du terrorisme. Ibrahima Ly, c’est son nom, « avait supplié le juge Samba Kane de ne pas le sacrifier, relate le site. Mais, les carottes étaient cuites pour lui, dès lors que son séjour en Syrie auprès de Daech a pu être prouvé. (…) Interpellé sur sa présence dans une vidéo de l’Etat Islamique dans laquelle il se félicitait des attentats de Charlie Hebdo, non sans menacer ceux qui seraient tentés de caricaturer le prophète, l’accusé a fourni des explications qui n’ont convaincu que lui-même. » Ou encore, « photographié en treillis, Kalachnikov en bandoulière, Ibrahima Ly a argué avoir voulu combattre le froid et rassurer sa famille. (…) Des arguments battus en brèche, donc, par le parquet, pointe encore Dakar Actu, qui a su prouver qu’Ibrahima Ly était en réalité l’un de ces djihadistes que l’Etat Islamique préparait pour frapper leur pays d’origine. »