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Côte d’Ivoire:/ Interview exclusif -Le reggaeman Spyrow dit ses vérités

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Goli Amani Alain, à l’état civil, Spyrow ou encore Alain Spyrow, est un artiste musicien ivoirien du reggae. Dans cet entretien, il parle de ses débuts dans la musique de sa carrière, sa source d’inspiration, et donne son point de vue sur la musique ivoirienne, le statut de l’artiste en Côte d’Ivoire et le piratage.

Comment Spyrow est-il arrivé à la musique?

Je suis né d’une famille de musiciens. Mon père est maître de chœur. J’ai appris à chanter à l’église, mon grand-frère était un super bassiste. Donc, j’ai grandi dans cet univers où tout le monde faisait de la musique. Chaque fois que ça répète, ça sonne à l’oreille, ça démange et forcément on prend goût. Je dirai que c’est mon père qui a produit ma première maquette. À l’époque, tu ne peux pas dire à ton père que tu veux faire de la musique pendant que tu es censé aller à l’école. Mais, ça ne l’a pas surpris quand je lui ai dit que je veux faire de la musique. Il savait que j’allais finir par là parce que tout le temps, il savait que j’étais dans l’animation. Il m’a juste demandé d’y mettre le sérieux. J’ai eu la bénédiction de mes parents, et c’est parti comme ça. Officiellement, ça fait 13 ans, et officieusement, ça fait 20 ans. C’est à partir de 2002 que j’ai intégré le ”Kingston gang star” et c’est que l’aventure a commencé.

Avez-vous connu des difficultés au début?

Pour moi, il n’y a pas de gros obstacle, parce que tout cela fait partie de l’expérience, du chemin, des épreuves qu’on doit surmonter pour avoir plus de maturité. Je considère «ces obstacles» comme une formation. Il faut prendre des coups pour mieux s’en servir, positiver et avancer. Moi, chaque fois qu’il y a un obstacle, je positive cela et me dis qu’il faut que je passe par là. Ça doit rentrer dans toute ton histoire, qu’on sache que tu as traversé des moments difficiles, des hauts et des bas avant d’atteindre un certain niveau. Je mets tout cela sur le compte de la positivité et de l’expérience.

Spyrow a deux albums. Qu’en est-il de son avenir musical?

D’abord, le premier album, je l’ai sorti avec ”Kingston gang star” ; le deuxième, c’était ”Djamo Djamo” en 2008 ; et le troisième, que j’ai sorti en duo avec Kajeem qui était le porteur, un album de 14 titres ; et le dernier, que je viens de sortir qui est ”Jusqu’au bout”, est un album de 17 titres. Pour moi, tous les jours sont de beaux souvenirs. Chaque fois que tu joues, même quand il y a une seule personne qui est devant toi, qui te soutient jusqu’à la fin de ta prestation, c’est pour dire que tout ce que tu fais ne passe pas inaperçu. Il y a au moins une personne qui respecte cela, et c’est déjà important. Pour moi, quelles que soient les différentes scènes que j’ai eu à exploiter, toutes les scènes, je ne vois pas de différence, pourvu qu’une seule personne apprécie ce que je fais, pour moi, c’est largement suffisant.

Comment avez-vous accueilli votre nomination au prix de la découverte Rfi- France 24.

J’étais parmi les dix finalistes. Mais, je dis que le fait de ne pas être lauréat, pour moi, ce n’est pas un handicap, c’est déjà une distinction. C’était plus de 560 candidats de l’Afrique, de la diaspora, des Îles Caraïbes et autres et je suis parmi les 10 finalistes (…). C’est dire qu’il y a eu un gros boulot qui s’est fait derrière, et cela m’a donné une grosse visibilité et me permet de comprendre que je n’ai pas à négliger le travail que je fais, qu’on suit ce que je fais. Il faut que je mette plus de concentration et que je m’améliore pour proposer le meilleur, parce qu’on a encore à prouver et il faut s’y mettre pour donner le meilleur de soi- même.

Aujourd’hui, quels sont vos objectifs?

À court terme, je dirai que c’est de relancer la promo de mon album et d’aller faire valoir mon talent de l’autre côté de l’occident. J’ai toujours quelque chose à prouver ici, mais j’estime qu’il est temps que j’aille de l’autre côté pour partager les scènes européennes. C’est le projet imminent sur lequel je travaille en ce moment. Nous sommes là-dessus avec plein de dossiers, l’équipe travaille et il y a de bons signes. Pour moi, l’urgence, c’est d’aller jouer dans les festivals en Europe. Il faut aimer ce que l’on fait, parce que tout ce qui est fait avec passion, amour, on le réussit toujours.

D’où tirez-vous votre inspiration?

C’est Jah, parce que c’est lui la première plume, le premier instrumentaliste. C’est Dieu qui donne l’inspiration, raison pour laquelle tout le monde ne peut pas chanter.

Généralement, quels sont les thèmes que vous abordez dans vos chants?

Je fais de la musique reggae, donc on parle de tout ce qui touche la population. On parle du social. Dans le dernier album, j’ai ouvert une lucarne sur les violences faites aux femmes. J’ai aussi parlé des gaz à effet de serre. Aujourd’hui, avec tous ces séismes qu’on traverse dans le monde, j’essaie d’interpeller un peu les soi- disant grandes puissances qui vont plutôt défendre leurs intérêts économiques que de penser à protéger l’humanité. J’ai parlé aussi de souffrance où il y a des cumuls de postes. Une même personne qui est à la fois ministre et adjoint au maire, pendant qu’il y a de nombreux étudiants qui sont au chômage, ils sont gérants de cabine, travaillent dans les salons de coiffure. J’ai parlé également d’amour, car rasta, c’est ”lova”. Il y a aussi le morceau ”lève- toi”, pour dire que ce n’est pas en étant assis à la maison qu’on acquiert le travail, il faut aller sur le terrain pour que ça bouge. C’est un album qui est hyper varié, où les messages concernent tout le monde. Ce sont ces thèmes qu’on aborde au quotidien.

Quel est votre regard sur la musique ivoirienne, en général?

La musique ivoirienne n’existe plus. Ça, on doit le savoir. La culture n’existe plus. On dit qu’un peuple sans culture est comme un arbre sans racine. Pour nous ici, la culture n’existe pas. Pour preuve, au Masa, pour ne pas se voiler la face, tout le monde s’est plaint de l’organisation. Ils avaient ouvert plus de scènes à Abobo, Yopougon, tout a été annulé. C’est pour dire qu’il y a un gros problème. On ne valorise pas cette culture. Quand on la confie aussi à des soi- disant professionnels pour bien la mettre en valeur, ça prend toujours un coup, et quand c’est comme ça, c’est compliqué. La preuve en est que l’artiste ne vit pas de son art. Tu sors ton album le ”matin”, dans ”l’après- midi”, il se retrouve sur le marché. Ils ne se plaignent pas de la piraterie. Quand on en parle, ils pensent que c’est seulement les chanteurs, ce sont les cinéastes, les comédiens, etc., qui sont touchés. L’artiste est devenu un mendiant, cela n’a pas de sens. C’est un peu une humiliation. C’est une injure à notre intelligence, à notre niveau intellectuel, parce que tous ceux qui y sont comme les ”reggaemen” qui écrivent, s’ils n’ont pas un bon niveau intellectuel, ce n’est pas évident qu’ils puissent écrire des chansons. Mais, tout cela se passe malheureusement aujourd’hui au niveau de la culture en côte d’Ivoire. Il faut que les autorités essaient de revoir la donne. Il faut mettre plus de moyens et la personne qu’il faut à la place qu’il faut, pour que les choses puissent avancer.

Vous avez parlé de piratage, qu’est-ce que vous proposez pour que ce phénomène soit enrayé?

On se plaint du piratage. On ne sert à rien parce que les gens ne savent pas que les artistes font entrer de l’argent. La musique, c’est toute une industrie. Les distributeurs emploient les gens, les artistes, les studios, les gens y travaillent, les musiciens sont payés. Quant on fait les spectacles, il y a la sécurité, l’assurance, les musiciens, les affichages, les ingénieurs de sons, de lumières. Il y a toute cette charge, tout le monde fonctionne, on est une entreprise. Et donc, au niveau du piratage, on sait que si, aujourd’hui, l’État s’implique en faisant signer un décret pour interdire le piratage, on ne verra personne sortir un Cd pour le vendre. Et ça, on le dit, ils le savent bien, mais ça ne les intéresse pas. On ne peut rien y faire, on subit le piratage.

Réalisé par Steeve AZO (Stg)

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