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Côte d’Ivoire/ L’artiste Joss Kezo, parle de ses relations avec Henriette Bédié

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Après plusieurs mois passés en Europe, Joss Kezo est de retour à Abidjan avec, dans ses bagages, sa dernière œuvre ”Amoureuse de l’handi-capable”. Dans cette interview accordé à L’inter, l’artiste parle de cet album, mais évoque aussi ses relations avec Henriette Bédié, son combat pour sortir les handicapés de la rue, ses relations avec l’ex-président, Laurent Gbagbo, son différend avec le ministre de la Culture et de la francophonie, Maurice Bandaman, et du Burida.

Joss Kezo, vous êtes de retour pays avec un nouvel album. Pouvez-vous en parler aux mélomanes ivoiriens?

Effectivement, je suis revenu depuis quelque temps avec un album de 14 titres, après pratiquement treize ans d’absence sur la scène musicale ivoirienne. Très humblement, je pense que je suis venu avec le meilleur album reggae en Côte d’Ivoire. À dire vrai, je ne sais même pas s’il y a un autre album qui pourrait l’égaler, parce que j’ai pris plus d’un an à le travailler. Aussi voudrais-je, avec votre permission, saluer Alpha Blondy qui nous a permis d’aimer cette musique qu’est le reggae. Certes, Bob Marley nous l’a révélé, mais c’est Alpha Blondy qui a attisé cette flamme en moi.

En son temps, le ministre de la Culture et de la francophonie, qui vous a remis un chèque de quatre millions de Fcfa, a dû vous mettre la pression pour finir cet album…

J’ai appris que le ministre aurait dit avoir donné au-delà des quatre millions de Fcfa dont vous parlez. Mais entre nous, est-ce que vous trouvez normal qu’un ministre agisse de la sorte? Ça a été la plus grosse erreur. Il m’a remis un chèque entre quatre murs, par l’entremise de son directeur de cabinet et je ne trouve pas normal que cela soit étalé de la sorte. Je ne fais pas une musique comme on a tendance à l’écouter ces derniers temps. Ma méthodologie musicale me demande de prendre mon temps et travailler minutieusement. J’ai vraiment été déçu, touché que le ministre m’ait traité de la sorte. J’aurais bien voulu que quelqu’un d’autre le fasse à la place du premier responsable de la culture de notre pays. Sinon, je ne suis pas le seul artiste à qui il a remis de l’argent dans ce pays. Voyez-vous, cet album m’a coûté environ vingt millions de Fcfa. Donc vous comprenez que les quatre millions de Fcfa que le ministre m’a donnés ne pouvaient pas finaliser cet album.

Avez-vous présenté le produit fini au ministre Bandaman?

Je ne l’ai pas encore fait de façon officielle, toutefois le ministre a été invité à la cérémonie de présentation de mon album. Mais, soyez rassuré, en temps opportun, l’album sera présenté au ministre.

Cet album est baptisé ”Amoureuse de l’handi-capable”. Quel message voulez -vous véhiculer?

C’est un message fort adressé à tous les handicapés pour se surpasser, se transcender pour atteindre leurs objectifs. Ce message est aussi destiné à toutes les personnes, parce qu’on peut être handicapé à tout moment. Il ne faut pas qu’on pleurniche sur ce que nous considérons comme un obstacle. Malheureusement, il y en a qui prennent plaisir, au vu de leur handicap, pour aller tendre la main aux abords des routes. Je dis non, parce que si tout le monde pensait ainsi, personne n’allait chercher à travailler. Je demande donc à tous ceux qui sont dans une situation physique ou visuelle assez difficile de comprendre que la vie ne doit pas être un blocage pour ceux-ci. Bien au contraire, ils doivent se battre au quotidien. C’est pour cela que je dis que le handicapé doit être capable, plutôt que de rester là à pleurnicher et à s’apitoyer sur son sort. Le titre de l’album est aussi une histoire vraie que j’ai vécue alors que je n’étais pas encore artiste-chanteur. Il y a une amie qui est tombée amoureuse de moi mais ses parents se sont opposés farouchement à notre relation. Bien que ses parents ne voulaient, elle leur a tenu tête en leur faisant savoir que c’est moi qu’elle voulait. C’est ce qui m’a inspiré à composer le titre ”Amoureuse de l’handi-capable”.

Vous devez être donc choqué quand vous voyez des handicapés mendier?

Bien sûr, ça me choque. Souvent même quand je suis en voiture et que certains viennent à moi me donner de l’argent, je sors mes béquilles pour leur montrer. Aussi, je leur dis toujours que si je voulais mendier comme eux, je n’allais jamais pouvoir rouler dans une voiture. Ces comportements n’honorent pas du tout les personnes invalides, parce que dans tous les pays où je suis passé, je n’ai vu de handicapés dans les rues, non pas qu’ils sont tous riches, mais c’est une question de culture. Il faut donc que les autorités soient fermes et catégoriques sur cela.

Est-ce cette raison qui a motivé la création de votre Ong?

Justement, et c’est pour mettre en pratique toutes ces expériences acquises auprès d’organismes importants comme l’Organisation mondiale de la santé(Oms), le ministère de la Santé, l’Unicef, le programme de lutte contre la poliomyélite et bien d’autres. À un moment donné, je me suis dit, il est bien beau de sensibiliser contre la polio mais qu’est-ce qu’on fait de ceux qui ont déjà attrapé la maladie? D’où est née l’idée de la mise sur pied de cette Ong dont les bases ont été jetées à partir du bureau du docteur Mabri Toikeusse. Pour mieux faire connaître et faire valoir l’Ong, j’ai estimé qu’il fallait passer par le canal de la musique vu que c’est le domaine que je maîtrise le mieux. Notre objectif est donc de soutenir les enfants en situation de handicap et qui ont des familles démunies. Ainsi, nous allons les suivre au quotidien pour leur permettre d’avoir une meilleure insertion sociale.

Quels sont aujourd’hui vos rapports avec Mme Bédié qui fût l’une de vos marraines?

Nos rapports sont bons. Elle est ma mère et elle a été pour beaucoup dans ma carrière. La dernière rencontre que nous avons eue, c”était en présence de KKB. Ce jour-là, elle m’a dit que des personnes lui ont dit des médisances sur moi. Je lui ai dit de ne pas écouter les ragots, qui sont loin d’être fondés.

D’aucuns avancent que vous l’avez trahi dès la chute du pouvoir de son époux, le président Henri Konan Bédié?

Quand le coup d’État de 1999 a commencé, j’étais à Abidjan et j’en ai pris un coup grave. Je suis parti juste quelques semaines après eux, en Europe, avant de revenir sur Abidjan. Il y a eu plein de menaces par la suite venant certainement de personnes du nouveau régime.

C’est ce qui a contribué à votre engagement aux côtés du président Gbagbo?

Je n’ai jamais été sociétaire ni membre du Fpi, encore moins pro-Gbagbo ou pro-Ouattara. D’ailleurs, je suis apolitique et je fais une musique, le reggae, qui est une musique qui élève la conscience. Je ne suis pas un salarié en tant que chanteur. En 2009, j’ai été sollicité dans le cadre de la campagne du président Gbagbo pour sortir une œuvre, je l’ai fait. En contrepartie mon cachet a été payé, et même ils me doivent encore, parce que le contrat s’élevait à 30 millions de F cfa. C’est comme aujourd’hui, le président Ouattara, dans le cadre de sa campagne, me sollicite pour une chanson, mais je le fais. En plus, je ne suis pas le seul artiste à le faire en Côte d’Ivoire. D’Alpha Blondy en passant par Meiway et bien d’autres artistes, ils ont chanté pour des hommes politiques. Alors, je ne vois pas le mal si Joss Kezo le fait. Dans mon cas, je ne suis d’aucun bord politique. Si vous me voyez au meeting ou à la conférence d’un tel ou tel autre parti politique, c’est juste pour percevoir mon cachet après ma prestation. Même les choses qui se passent au Burida, est-ce que vous m’avez une fois vu là-bas? C’est justement parce que je n’aime pas le bruit.

Parlant du Burida, quelle est votre position sur le nouveau décret qui a fait des vagues récemment?

Tout ce que je veux, c’est qu’il faut qu’on grandisse, pour paraphraser Didier Drogba! Ça ne nous honore pas, tout ce qui se passe au Burida. Et je ne peux pas comprendre que des personnes aussi intelligentes se donnent ainsi en spectacle. À chaque fois, c’est de nous qu’on parle, à chaque fois, c’est nous qu’on assiste. Mais diantre, produisons nos œuvres et allons faire nos concerts au Palais de la Culture de Treichville, qui a été rénové à coup de milliards pour nous. Le comble, ce qui fait mal dans cette affaire, c’est que c’est ceux-mêmes qui ne produisent pas qui sont toujours au-devant de ces tumultes. Tous ceux-là aussi, on les appelle artistes! On ne sait même plus qui est artiste.

Par Philip KLA

L’inter

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