Le reggaeman ivoirien Serge Kassy, on le sait, n’a pas sa langue dans la poche. Ses chansons engagées n’ont d’égales que ses prises de position publiques. Dans cet entretien, il parle de réconciliation, de sa carrière et lance, au passage, des piques .au « grand » frère Alpha Blondy.
Serge Kassy, comment vas-tu ?
Grâce à Dieu, je me porte à merveille.
Tu es croyant ou tu l’es devenu par la force des choses ?
Je crois en Dieu et en Jésus-Christ son fils unique. Dieu dit aime ton prochain comme toi-même, c’est ce principe de vie que je suis.
On parle de réconciliation en Côte d’Ivoire. Quelle est ta part dans ce vaste chantier ?
Je suis pour la réconciliation dans mon pays mais pas à n’importe quel prix. Et ce dont parle le pouvoir ivoirien en ce moment n’est qu’un semblant de réconciliation pour moi. Parce que quand on vous tend la main droite et que dans le main gauche se trouve une arme, cela veut dire qu’on n’est pas sincère. Dans mon pays actuellement, il s’agit d’une politique des vainqueurs. Et être pro-Gbagbo car c’est ainsi qu’ils identifient les partisans du président Gbagbo, c’est signer son arrêt de mort. Donc comprenez que je ne puisse pas m’associer à cette forme de réconciliation. La vie est sacrée et mon soutien à Gbagbo demeure intact. Sur le terrain, les pro-Gbagbo vivent un enfer ; et le chiffre de 850 prisonniers politiques qui ne demandent qu’à être jugés est là pour témoigner.
Alpha Blondy a dit dans la presse : « Petit frère ta place est en Côte d’Ivoire avec tes frères , tu ne risques rien ». Pourquoi hésites-tu à rentrer au pays ?
Alpha Blondy n’est pas le garant de la sécurité en Côte d’Ivoire. Que dire de cette insécurité grandissante dans le pays, de cette traque mise en forme par une politique d’État qui vise à mettre hors d’état tous ceux qui se sentent proches de Gbagbo ? Je pense qu’Alpha Blondy est loin d’être la personne qui puisse me rassurer sur mon retour en Côte d’Ivoire. Hier il était le pote de Gbagbo mais il l’a renié au premier chant du coq pour aller faire allégeance à Alassane Ouattara dont il fut, dans un passé récent, le pire ennemi. Il me dit de rentrer alors qu’il n’a pas hésité à me livrer à la vindicte populaire lors de la crise post-électorale.
Depuis que tu es en France, rends-tu visite au président Gbagbo ?
Non mais par personne interposée nous avons les nouvelles chacun de l’autre.
Tu n’as pas de regrets d’avoir été avec acharnement aux côtés de l’ex-président ?
C’est plus aux idéaux qu’il véhicule que je suis attaché. Si Patrice Lumumba, Kwame Nkrumah, Thomas Sankara, Nelson Mandela et bien d’autres demeurent dans nos cœurs, ce n’est point pour leur personne mais pour leur combat et les idéaux qu’ils défendent. Je ne saurai donc avoir des regret.
Que devient ta carrière musicale étant en France ?
Je dirai qu’elle prend son envol tout doucement avec l’équipe avec laquelle je travaille. Nous nous attelons à nous faire connaître du grand public français avec la sortie des 3 singles ici en France et la série de concerts que j’ai donnés. Nous sommes actuellement en préparation du nouvel album qui finit très bientôt. Je pense que ma carrière connaîtra une bond en 2015 car beaucoup de bonnes choses se préparent pour moi et comme Dieu fait grâce, j’ai foi en l’avenir. Il y a de l’espoir quand on prend mon concert à Paris qui fut une réussite car le public s’est déplacé nombreux.
Étant en France, ta famille ne te manque pas ?
Comme on le dit, on n’est mieux que chez soi et ma famille me manque énormément. Mais pour l’instant loin de ma famille, je me reconstruis afin de mieux m’en occuper demain. L’exil n’est pas facile mais quand sa vie en dépend, on est obligé de faire ce choix et c’est mon cas.
Si le président Ouattara te contacte et te dit que tu peux rentrer en Côte d’Ivoire, avec toutes les garanties, quelle sera ta réaction ?
Ça sera un honneur pour moi mais à la seule condition qu’une amnistie générale soit signée pour tous afin que je ne sois pas le seul bénéficiaire mais tous ceux qui ont fait confiance au président Gbagbo, qui sont en exil comme moi, dans les prisons comme Simone Gbagbo …
As-tu les nouvelles de Blé Goudé ?
Oui ! On se parle très souvent et il va bien. Je pense que le monde a vu, lors de son discours à la Cour pénale indépendante, que Charles Blé Goudé est loin de l’homme que l’on présente, loin des clichés partisans de la presse occidentale. Il a retrouvé son image de combattant aux mains nues, accusé à tort, victime et non bourreau.
Que peux-tu dire à tes fans ?
Je leur dis que je respecte toujours mes convictions et mes idéaux de dignité et de paix. Qu’ils soient en Côte d’Ivoire ou partout ailleurs, je leur dis que je demeure la bouche, les yeux et les oreilles du peuple.
Linda Niangoran (Coll : JFK)
Star magazine