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Un début de switch linguistique commence à se ressentir au Maroc. Le quatrième pays francophone du monde est, lentement, en train de couper court avec la langue de Molière. Pour Najoua Alami, professeure de littérature française « cette langue de prestige commence à perdre son élan et à connaître un déclin remarquable pour céder la place à l’anglais« .

« Switch to English », une nouvelle demande que les jeunes marocains ne cessent de revendiquer. La généralisation progressive de l’apprentissage de l’anglais dès l’entrée au collège a été décidée par le ministère de l’éducation, sans être toutefois dans une logique de remplacement du français.

Contactée par nos soins, Najoua Alami nous affirme que « personne ne peut nier que le français est une langue privilégiée dans le milieu linguistique marocain. Cependant, ces dernières années, cette langue de prestige commence à perdre son élan et à connaître un déclin remarquable pour céder la place à l’anglais : une langue qui devient prisée par les jeunes marocains« .

Par ailleurs, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) estime à 36% la part de locuteurs français dans le pays. Sans être une langue officielle, le français continue d’y occuper une place importante dans la vie économique, l’administration, les médias. Il s’agit de la première langue étrangère des écoliers et bénéficie du statut de langue d’enseignement dans deux tiers des filières du supérieur. Des doutes, pourtant, se font entendre sur l’avenir de la francophonie, face à un attachement à la langue de Molière qui se délite chez une partie importante des jeunes Marocains, au profit de celle de Shakespeare.

Plusieurs spécialistes interrogent ce penchant pour l’anglais chez les jeunes Marocains. Peut-il se réduire à un effet de mode, un choix utilitariste ? Ou bien revêt-il une portée politique due au passé colonial ?

Selon Najoua Alami, la nouvelle génération des jeunes marocains semble préférer l’anglais au français pour plusieurs raisons.

« D’un côté, dit-elle, ils trouvent que l’anglais est un outil de communication plus facile et plus utile qui leur permettrait de s’ouvrir sur le monde et d’accéder à un apprentissage universel, et d’un autre côté, leur penchant pour l’anglais revêt également une envie d’être parmi une élite qui pratique sans difficulté une langue de séduction ».

Selon un sondage publié par British Council en 2021, 40% des jeunes Marocains considèrent l’anglais comme la langue la plus importante à apprendre, contre 10% pour le français. Deux tiers pensent que l’anglais supplantera le français comme première langue étrangère dans les prochaines années.

En somme, ne pas parler anglais signifie risquer de manquer le train de développement, telle est la nouvelle idéologie des Marocains.

Depuis l’indépendance du Maroc, la langue française est présente sur le territoire. Aucune politique de substitution n’a pu la déloger de son statut de facto de seconde langue. L’ancrage dans la francophonie a longtemps semblé une évidence, un horizon indépassable. Déstabilisée de sa place de première langue étrangère au Maroc, la langue française risque de se faire détrôner par l’anglais.

« Bref, cet intérêt porté par les jeunes à l’anglais aura, certainement, un grand impact sur la place de la langue française au Maroc, chose qui montre clairement que le Maroc et les Marocains se préparent pour une nouvelle ère linguistique », conclut notre intervenante.