Cinq femmes issues des réseaux anarchistes à Barcelone ont porté plainte pour abus sexuels continus, atteinte à l’intégrité morale, révélation de secrets et privation de l’exercice des droits fondamentaux
Lorsqu’elles ont eu des relations sexuelles avec Dani, Majorquin de 31 ans, extraverti, dragueur et marrant, elles étaient certes consentantes. Mais pour coucher avec un installateur de climatiseurs aux sympathies anarchistes, crête, piercing et une étoile du chaos tatouée autour du genou, qu’elles avaient rencontré dans les centres libertaires de Barcelone. Pas pour se mettre au lit avec le pire « ennemi » possible : un policier, qui plus est en service.
Cinq des relations de cet agent de la police nationale espagnole – le site d’information La Directa qui a révélé l’affaire en a recensé au moins huit durant les deux années et demie que son infiltration a duré dans les réseaux anarchistes et indépendantistes de la cité catalane – ont décidé de porter plainte pour abus sexuels continus, atteinte à l’intégrité morale, révélation de secrets et privation de l’exercice des droits fondamentaux.
Alors que l’Espagne a approuvé récemment la loi dite « un oui c’est oui », qui a mis au centre de la définition du viol l’absence de consentement (plus que la violence ou l’intimidation), l’affaire du policier infiltré au sein du mouvement antifa a nourri les débats en Espagne.
Les uns, amusés, ont vu dans l’agent des forces de l’ordre une sorte de cupidon héroïque. Les autres, scandalisés, ont dénoncé une chosification des femmes peu compatible avec le discours féministe de l’exécutif de gauche. Qui plus est pour obtenir des informations à l’intérêt douteux, dans des centres autogérés aux activités plutôt peu subversives.
L’entre-deux de « Dani »
Tout a commencé en juin 2020, au moment où le pays sortait à peine du premier confinement. Un certain Daniel Hernandez Pons se rend alors pour la première fois au gymnase du centre autogéré, « féministe et anticapitaliste » La Cinetika, installé dans un ancien cinéma squatté du quartier de San Andreu, à Barcelone. Il cherche un endroit pas cher où s’entraîner. Tatoué, arborant des tee-shirts à messages, il se fait rapidement des amis dans les cercles d’extrême gauche, séparatistes et libertaires.
Barcelone, connue depuis le XIXe siècle pour la vigueur de ses mouvements anarchistes, en regorge. On voit « Dani » aussi bien dans le centre social occupé de Can Masdeu, installé dans une léproserie abandonnée depuis les années 1950, avec son potager communautaire et ses activités dominicales, que dans l’ancienne usine autogérée de Can Batlló, à la Kasa de la Muntanya, une ancienne caserne de gendarmerie squattée près du parc Guëll, ou à l’espace culturel coopératif de La Comunal…
Il vous reste 63.66% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.