Selon le décret N°2012-05 du 11 janvier 2012 portant définition de la Petite et moyenne entreprise (Pme), « la Petite et moyenne entreprise est une entreprise qui emploie en permanence moins de 200 personnes et qui réalise un chiffre d’affaires annuel hors taxes inférieur ou égal à un milliard de franc Cfa ».
Dans tous les pays du monde, il est connu que les Pme contribuent fortement à la création de richesse et d’emplois. Selon des rapports d’institutions internationales de développement, les Pme génèrent plus de 55 % du Produit intérieur brut (Pib) et plus de 65 % du nombre total d’emplois dans les pays à revenu élevé. Dans les pays à faible revenu, elles représentent plus de 60 % du Pib et plus de 70 % du nombre total d’emplois. Et enfin, dans les pays à revenu intermédiaire, les Pme sont créditées d’environ 70 % au titre de la contribution à la création de la richesse nationale et plus 95 % pour ce qui est de la création d’emplois.
Poids réel. La Côte d’Ivoire, on le sait, avec les progrès économiques réalisés ces cinq dernières années, se situe dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire. La Banque mondiales dans son rapport (février 2018) sur la situation économique du pays, soutenait que la Côte d’Ivoire est « aux portes du paradis ». Comme pour dire qu’elle est sur la bonne voie pour parvenir à l’émergence telle que l’ambitionne le président de la Républiques Alassane Ouattara, à l’horizon 2020. La Banque mondiale est convaincue, à l’instar des autorités ivoiriennes, que pour l’atteinte d’une telle ambition, l’apport des Pme serait d’une grande utilité.
Or, quand on considère la catégorisation présentée plus haut de ce que doit apporter une Pme dans une économie en fonction du niveau de développement des pays, on se rend compte d’un déséquilibre frappant. Il s’agit du gap entre la représentativité des Pme en termes de création d’emplois et leur poids dans la formation du Pib (création de la richesse nationale). Si l’on s’en tient à des données de la Direction générale des impôts (Dgi), les Pme ivoiriennes représentent 98 % des entreprises recensées (tissu économique formel) sur le territoire national. Selon les chiffres de ce recensement, elles contribuent en moyenne à hauteur de 20 % au Pib et emploies environ 23 % de la population active du pays. Ces dernières, il faut l’indiquer également, réalisent 12 % des investissements qui sont faits dans le pays.
Ceci dit, on se rend bien compte qu’alors que la Côte d’Ivoire a passé le cap des 95 % pour se situer à 98 %, pour ce qui est de l’apport des Pme dans la création d’emplois, au titre de leur contribution au Pib, le taux demeure encore très faible (20%), là où la moyenne donne 70 % dans les pays classés dans la catégorie de ceux à revenu intermédiaire.
Freins. Vu le rôle qui leur est dévolu, et la place que l’État de Côte d’Ivoire a décidé d’accorder au secteur privé, en général, et aux Pme, en particulier, dans son programme d’émergence, il y a nécessité pour ces Pme d’accroître leur contribution au Pib. Et non pas se limiter à créer des emplois qui n’ont pas un impact réel sur l’économie. Mais nul n’ignore les nombreuses difficultés auxquelles elles font face dans leurs tentatives à vouloir émerger. « Les Pme/Pmi occupent une place prépondérante dans le tissu économique des pays de l’Uemoa. Elles représentent, dans la plupart de nos États, entre 80 et 95 % du nombre d’entreprises recensées. Et pourtant, leur contribution à la création de richesse et au développement économique reste limitée du fait, notamment, de certaines contraintes rendant leur accès au financement difficile », a reconnu récemment le directeur national de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (Bceao), Chalouho Coulibaly.
Ces contraintes sont, entre autres, selon le secrétaire d’État en charge de la promotion des Pme, Félix Anoblé, la faible qualité de l’information sur les Pme (les données évoquées plus haut sur le poids des Pme dans l’économie ivoirienne, et auxquels le gouvernement fait référence dans les discours officiels, datent de 2000 ; Ndlr) ; les insuffisances dans la gestion et la gouvernance des Pme (très peu de Pme ont une comptabilité régulière et dressent des bilans d’activités ; Ndlr) ; les insuffisances de l’environnement juridique et judiciaire ; le taux de défaut élevé sur les Pme (les garanties de solvabilité sont faibles ; Ndlr) ; l’insuffisance ou la faiblesse des mécanismes de partage des risques, etc. Pour toutes ces raisons, les banques ne sont pas très souvent disposées à prendre le risque de prêter aux Pme, qui en ont pourtant besoin pour développer leurs activités et accroître leurs performances.
Mais à côté des difficultés auxquelles elles sont confrontées dans leur collaboration avec les établissements financiers, il y a aussi le problème de l’accès [limité] aux marchés publics. Avec les réformes entreprises de la part de l’État, il est réservé aux Pme locales 20 % des parts des marchés publics passés par l’État et ses démembrements. Mais encore faut-il qu’elles soient en mesure de répondre aux exigences du marché quand les problèmes de financement subsistent. Même si certains pensent que l’État fait très peu confiance aux Pme nationales pour leur confier l’exécution de marchés importants, leurs compétences technique et managériale y sont parfois pour quelque chose. C’est pour cela que la priorité pour le gouvernement, s’il est déterminé à accompagner les Pme, sera d’investir massivement dans leur structuration, dans le renforcement de leurs capacités humaines et managériales, etc.
Mesures. « L’ambition de notre pays pour les Pme est grande et consiste à créer, à l’horizon 2020, une masse critique de Pme compétitives, dynamiques et innovantes contribuant de manière significative au développement socio-économique durable de la Côte d’Ivoire avec pour objectif de favoriser une forte augmentation du Pib et la création d’emplois formels et de qualité », déclarait le ministre Souleymane Diarrassouba lors des Journées nationales des Pme. En nombre, le gouvernement veut atteindre 120 000 Pme d’ici à 2020, contre 60 000 actuellement. Aussi, sur la même période, il ambitionne de faire passer la contribution des Pme au Pib à 40 %. Pour ce faire, l’État a adopté une batterie de mesures. Hormis les textes de loi, un programme « ambitieux » dénommé Phœnix a été élaboré, dont les objectifs sont, entre autres : améliorer le cadre juridique, fiscal et prudentiel des Pme ; développer de nouveaux outils de financement (fonds de garantie, fonds d’investissement, crédit-bail, affacturage, etc.) ; renforcer les capacités techniques et managériales des patrons de Pme. En vue de rendre opérationnelle cette stratégie sur le terrain, il a été mis en place l’Agence Côte d’Ivoire Pme. Faut-il le mentionner, plusieurs autres initiatives sont mises en œuvre actuellement et portent sur le financement par des banques de la place, de Pme formelles, avec un accent particulier sur celles dirigées par des femmes. La dernière née de ces initiatives est celle qui a été lancée par la Bceao récemment, à savoir « Dispositif de soutien au financement des Pme/Pmi dans l’espace Uemoa », avec l’adhésion des Etats membres.
Élysée LATH
imatin.net