Koné Kypeya explique l’enjeu du projet (Photo DR)
Pour sortir des ménages de l’ornière de la pauvreté, le gouvernement ivoirien et la Banque mondiale, ont mis en place le projet « Filets sociaux productifs », qui a été lancé, le lundi 18 juillet 2016, à Cocody les II Plateaux, Koné Brahima Kipea, coordonnateur dudit projet, parle de l’enjeu de ce programme, et affirme que pendant cinq ans, 35.000 ménages des zones rurales, bénéficieront de 36.000 F Cfa d’allocation familiale, par trimestre.
Qu’est-ce que le projet filets sociaux reproductifs ?
L’idée, à travers ce projet, c’est de pouvoir rapprocher la redistribution des fruits de la croissance des portes des ménages vivant dans la zone rurale. Leur faire bénéficier de l’embellie économique enregistrée par la Côte d’Ivoire. Cette embellie économique nous permet de capitaliser sur un taux de croissance de 9 %. Il s’agit, aujourd’hui, de faire en sorte que les bénéfices puissent se faire ressentir, le plus près possible dans les ménages. Le financement de la Banque mondiale nous permet d’expérimenter en Côte d’Ivoire, le modèle brésilien, en matière de lutte contre la pauvreté. Ce modèle brésilien consiste à redistribuer à une fréquence régulière, un montant qui va permettre aux ménages d’améliorer leurs consommations, et de pouvoir mieux accéder aux services sociaux de base. En clair, il s’agit, à travers ce programme, defavoriser l’inclusion socio-économique des familles les plus pauvres, à travers des transferts monétaires.
De manière pratique, comment va se faire cette redistribution ?
Tous les trimestres, les ménages qui vont être ciblés, vont bénéficier d’une allocation régulière de 36.000 F Cfa. Cela fait un montant de transfert de 12.000 F Cfa le mois. Mais payable trimestriellement. Ce paiement va se faire via toutes les nouvelles technologies que nous connaissons aujourd’hui dans le domaine de la finance et de la micro-finance, par des transferts monétaires aux ménages.
Quels sont les critères de choix pour bénéficier de ce projet qui arrive à terme en 2020 ?
La question du ciblage est une question très importante partout où ce type de projet a été mis en œuvre. Et, l’idée est de faire en sorte que ces critères là puissent permettre à l’opération de se dérouler sur des gages de performance mais surtout sur des gages de transparence. C’est pourquoi, la Banque mondiale nous permet d’expérimenter en Côte d’Ivoire, comme cela a été fait dans certains pays de la sous région, une formule qui consiste à faire un ciblage géographique sur la base des données de pauvreté. Ce qui signifie que nous allons aller vers les régions qui ont les records de pauvreté les plus élevés. Et comme nous intervenons sur le milieu rural, la carte de pauvreté de l’enquête du niveau de vie des ménages, nous permettra de cibler les zones rurales qui ont les scores de taux de pauvreté les plus élevés. En l’état actuel des choses, et sur la base des données de 2015, ce sont les zones du centre, du nord et de l’ouest-centre, qui sont les plus touchées par la pauvreté. Dans ces zones, on a pris chacune des régions, qui a le score de pauvreté le plus élevé, pour une phase pilote de près de 6000 premiers ménages bénéficiaires. Cela devrait nous conduire vers les régions du Gbekê pour le centre, les régions du Kabadougou pour le nord, et vers les régions du Tonpki pour l’ouest
Combien de ménages sont concernés par ce projet, et pendant combien de temps vont-ils bénéficier de cette allocation ?
Il y a dans l’immédiat, pour la phase pilote, 5000 ménages qui sont concernés. Cela va se faire sur la première année. Mais à terme, nous devons passer à l’échelle avec 30.000 autres ménages. Pendant cinq (5) ans, 35.000 ménages des zones rurales bénéficieront de 36.000 F Cfa d’allocation familiale, par trimestre. Quand on prend la taille moyenne de ménage en Côte d’Ivoire, qui est de six (6) personnes, ce sont au total 200.000 personnes qui bénéficieront, de façon directe ou indirecte, de ce type de transfert.
36.000 F Cfa par trimestre, ce n’est pas peu pour une famille de 6 membres ?
Non, ce n’est pas peu. Dans l’environnement rural, 36.000 F Cfa, ce n’est pas petit. Comme on l’a dit, cette aide doit pouvoir inciter à la consommation, faciliter l’accès à un certain nombre de biens et services. L’idée est d’éviter de trop payer. Parce qu’à vouloir trop payer, ça va installer les populations dans un assistancialisme, et donc réduire et altérer la capacité de travail. Nous voulons garder cette motivation et cette inclinaison malgré l’accompagnement du gouvernement, à soutenir les initiatives productives, génératrices de revenus
Combien d’années va durer le projet ?
Ce projet va couvrir cinq (5) ans. Il part maintenant jusqu’à l’horizon 2020. Au bout de trois ans, on fera l’évaluation pour voir comment, au fur et à mesure, intégrer de nouvelles cohortes dans cette expérimentation.
Est-ce une manière pour l’Etat de rétribuer les dividendes nationales ?
Parfaitement. Nous disons même qu’il s’agit d’un investissement dans le capital humain. Parce qu’au delà de la dimension monétaire, il faut voir la batterie de mesures d’accompagnement qui sont caractéristiques du projet, notamment les mesures d’accompagnement sous la forme de sensibilisation à la scolarisation de la jeune fille, sous la forme de sensibilisation pour une qualité nutritionnelle, sous la forme de sensibilisation pour la lutte contre un certain nombre de violences. Tout cela permet, en même temps, tant au bénéficiaire du transfert qu’à son environnement, de pouvoir s’adosser sur ce train de mesures d’accompagnement, pour pouvoir changer sa qualité de vie, tant du point de vue de l’amélioration des revenus, que, bien entend, du point de vue de la qualité du bien-être social. C’est cela l’investissement dans le capital humain. Il faut considérer que ce n’est pas de l’assistancialisme, ce n’est pas une solidarité ponctuelle ou conjoncturelle. C’est un accompagnement dans la durée, sous la forme d’investissement, qu’on est en mesure d’évaluer après une période
La phase pilote vient d’être lancée, à quand la phase pratique ?
La phase pilote est lancée du point de vue architecturale, pour la mise en route du projet. Sinon, la phase pilote va se faire à la fin de l’année 2016. Parce qu’il y a le défi du ciblage. Il faut que nous puissions mobiliser les communautés bénéficiaires, et les populations non bénéficiaires, autour d’un consensus sur les critères de sélection. C’est pourquoi, nous allons nous retrouver avec l’administration de proximité, les autorités sous-préfectorales mais également avec les leaders de communautés, les chefs traditionnels et, ensemble, nous allons définir un mode de sélection des premiers villages. Evidemment, lorsque nous nous adossons au seuil de la pauvreté, elle existe partout. Tout le monde est potentiellement éligible. Mais les moyens dont nous disposons, sont limités. Alors, comme cela se fait ailleurs dans ce même type de projet, en toute transparence, on va procéder à un tirage au sort dans les villages d’une région donnée qui est identifiée comme une zone pauvre. Nous allons mettre les noms dans une corbeille, et devant tout le monde, nous allons procéder au tirage au sort (ndlr, le tirage effectué à Bouaké, le 21 juillet 2016, donne les réusltats suivants: Au terme de la session de tirage au sort, ce sont, au total, 57 villages qui ont été sélectionnés selon la répartition ci-après : 17 villages pour la région du Gbêkê dont 4 sur la liste d’attente ; 7 villages pour la Kabadougou dont 4 sur la liste d’attente ; 33 villages pour le Tonkpi dont 4 sur la liste d’attente). Il est clair qu’on ne peut donner que ce qu’on a.
Alors, pour éviter le copinage et le favoritisme dans la sélection des ménages, quelles sont les mesures de contrôle que vous comptez mettre en place ?
Le processus de ciblage s’accompagne d’un test qu’on appelle le test d’approximation. C’est une formule qui a été expérimentée par la Banque Mondiale, dans d’autres pays. Cela nous permettra de mettre des scores sur des indices de vie ou de qualité de vie de ménages, à travers des conditions, à savoir : Ils sont combien ? Qu’est-ce qu’ils ont comme biens services ? Qu’est-ce qu’ils consomment ? Quelle est leur qualité de vie…Et après, on fera une clarification, des plus pauvres aux moins pauvres. En fonction du panier qu’on a à redistribuer, on va fixer un seuil. Et tous ceux qui rentrent dans le seuil de la pauvreté, seront sélectionnés.
Quel est le coût du projet des filets sociaux productifs ?
Le projet va coûter, sur la période des cinq (5) ans, 27,5 milliards de F Cfa. La Banque Mondiale entend mobiliser 25 milliards de Fcfa pour la cagnotte. Quant à l’État de Côte d’Ivoire, il a décidé de contribuer à la réussite du programme à hauteur de 10 %, à savoir 2,5 milliards de F Cfa.
Entretien réalisé par Elysée YAO
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