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Serge Parfait DIOMAN (Expert international en industries pétrolières et énergies): ‘‘L’heure est au retour des énergies fossiles’’

La Cop 27 en Egypte qui prend fin aujourd’hui intervient dans un contexte particulier de crise énergétique. Analyse avec l’Ivoirien Serges Parfait Dioman, expert international en énergie.
Après plusieurs éditions de Cop consacrées à la lutte contre le réchauffement de la planète, comment pourrait-on, à ce jour, qualifier la situation climatique mondiale ?

Depuis la conférence de Kyoto en 1997 et l’objectif communautaire de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, pour justement limiter la hausse des températures sur terre à 1,5°C d’ici la fin du siècle, l’on est aujourd’hui au regret de voir se profiler une tendance prévisionnelle haussière augurant au contraire d’une envolée de plus de 2,8°C à l’horizon de cette même échéance.

En clair, nous sommes bien partis pour franchir la ligne rouge qui plongerait l’humanité toute entière dans les vicissitudes irréversibles d’un dérèglement climatique fort inquiétant.

Quelques-unes des virulentes catastrophes naturelles que nous subissons n’en sont que les signes avant-coureurs qui se multiplient d’année en année, en touchant de plus en plus de pays désormais, fussent-ils du Nord ou du Sud.

Y aurait-il une raison particulière à cela ?

A la différence des climato-sceptiques qui affichent clairement leurs opinions contradictoires et leur opposition frontale vis-à-vis des consignes Cop, il y a un nombre de pays qui y adhèrent en tant que parties prenantes effectives mais, sans toutefois faire de l’urgence climatique une priorité. Somme toute, l’on se retrouve avec un groupe de pays qui n’apparaissent pas dans le jeu transitionnel énergétique.

Cela est d’autant plus crucial que la population mondiale est en croissance continuelle. Or, cette pression démographique induit des besoins nécessitant de consommer davantage de ressources énergétiques dont certaines sont loin d’être écoresponsables. Elles sont plutôt préjudiciables à la quiétude climatique, tant locale que mondiale.

Les rencontres Cop sont-elles finalement sans effet palpable sur la limitation de la tendance haussière des températures du globe terrestre ?

Bien au contraire, la tenue des conférences Cop est salutaire et nul ne saurait le nier. De nombreuses avancées ont été obtenues notamment en ce qui concerne les initiatives de coopérations inter-étatiques.

Cependant, l’on observe que le caractère non contraignant des décisions prises au terme de la Cop, et le non-respect des promesses d’aides attendues par des pays sévèrement impactés par les affres climatiques, mériteraient d’être hissés en point d’orgue des débats à l’ordre du jour.

Quelle pourrait être la particularité des rencontres en Égypte comparativement aux précédentes ?

La présente Cop 27 se tient dans un contexte inédit de crise énergétique mondiale, particulièrement exacerbée par la guerre en Ukraine qui, au demeurant, accentue la fracture énergétique entre les différents groupes de pays.

Ceux dits du Sud, d’ailleurs connus pour être très faiblement contribuables aux causes du dérèglement climatiques, sont ceux qui en subissent pourtant le plus les effets et ce, sans réellement disposer de moyens idoines en termes financiers et infrastructurels pour y faire face efficacement.

Beaucoup réclament donc d’être dédommagés, ou au moins, soutenus dans leurs initiatives transitionnelles énergétiques. Pour ce faire, la question cruciale des pertes et dommages ainsi que le rappel, au besoin, de plus de solidarité agissante pour une lutte plus collective contre les causes et effets du dérèglement climatique sont des points clés tissant la toile de fond de la présente Cop en Égypte.

Ces requêtes des pays du Sud trouveront-elles un échos favorable auprès de leurs partenaires du Nord ?

Il faut l’espérer grandement car nous sommes tous appelés à réduire nos plans de défense nationale pour jouer collectif face à la menace climatique. Cependant, l’on observe que le caractère non contraignant des décisions prises et le non-respect des promesses d’aides attendues par des pays sévèrement impactés par les affres climatiques mériteraient d’être cités en ordre du jour.

Quel regard portez-vous sur les ressources fossiles ?

L’actuelle crise énergétique mondiale nous enseigne en effet qu’il est encore très prématuré et surtout très risqué de se débarrasser aussi brutalement des ressources fossiles comme certains analystes auraient cru possible de le faire sans frais.

Du fait de la crise russo-ukrainienne et de la surenchère sur les cours des produits pétroliers, plusieurs pays qui étaient de fervents soutiens à l’abandon de l’or noir ont finalement entrepris de réactiver leurs propres exploitations du pétrole et du gaz.

Ils comprennent tous mieux à présent les propos des États africains qui font entendre qu’ils ont nécessairement encore besoin du pétrole et du gaz pour se développer durablement.

Assistons-nous alors à un retour en force des énergies fossiles ?

A moins de se voiler la face, la présente Cop 27 nous donne l’occasion d’apprécier le regard nouveau porté sur l’or noir qui n’a donc pas dit sa dernière messe. Les ressources pétrogazières fossiles font donc, avec plaisir, leur grand retour à la table des énergies «fréquentables».

Il aura bien fallu pour ce faire, subir les tourments d’une crise énergétique d’envergure mondiale pour que l’on comprenne enfin qu’il est encore très prématuré, et surtout très risqué, de se débarrasser de ces ressources multi-millénaires qui pèsent pour plus de 75% de nos besoins énergétiques. Le pétrole et le gaz demeurent indéniablement encore, des ressources d’avenir comme souventes fois rappelés, en toute occasion utile, par les experts avertis du domaine.

Le pétrole serait donc désormais un chapitre en moins dans les débats à achoppement de la Cop ?

Cela se pourrait bien avec le temps car le pétrole et le gaz peuvent bien être utilisés autrement, et s’insérer dans des plans transitionnels prônant la diversité énergétique.

Le cas particulier du gaz est en l’occurrence assez évocateur car bien qu’étant une ressource fossile par essence, de plus en plus de voix s’élèvent aujourd’hui pour réclamer qu’il soit considéré comme une énergie de transition, c’est-à-dire une énergie intermédiaire entre le fossile et le renouvelable.

A quoi devrions-nous nous attendre désormais comme chapitres à aborder lors des Cop à venir ?

Les réquisitoires et plaidoyers au sujet des ressources naturelles et autres comportements humains plus ou moins impliqués dans les causes du dérèglement climatique ont longtemps occupé la majeure partie des chapitres ouverts à débat lors des précédentes éditions de la Cop sur le climat.

Aujourd’hui, l’on estime que presque tout a déjà été dit sur ces sujets encore délicats…

C’est pourquoi bien au-delà des consignes transitionnelles qui appellent à promouvoir davantage l’usage de telle ou telle ressource énergétique au détriment d’une autre, il serait peut-être temps aujourd’hui de plus mettre l’accès sur l’innovation technologique et ce qu’elle est susceptible d’offrir comme solutions idoines dans notre effort pluriel et collectif de lutte mondiale contre le dérèglement climatique.

Quel en serait l’intérêt ?

Consacrer plus de temps d’expression à la promotion de l’innovation technologique lors des assises Cop est une perspective nouvelle qui apportera plus de perspectives en matière de création d’emploi et c’est certain. Les débats sur le climato-scepticisme et l’éco-responsabilité ont fait leur temps à des périodes évidemment utiles. Ils restent des débats, somme toute intéressants, sauf qu’il serait plus utile désormais d’accentuer d’autres chapitres. Dans une optique d’aller vers une Cop des peuples, il faudrait ouvrir plus de lucarnes pour les inventeurs, les experts, les chercheurs, etc. afin de leur permettre de montrer ce qu’ils sont en capacité d’apporter en termes d’innovation technologique bénéfique pour le climat et surtout profitable aux populations.

A la différence de la précédente Cop 26 en Écosse, la Cop 27 semble s’ouvrir sur une ambiance moins houleuse, serait-ce un signe d’une Cop réussie d’avance ?

S’il y a eu des débats houleux par le passé, c’est bien parce que l’on revenait chaque fois, de manière frontale, sur les mêmes consignes instruisant d’abandonner certaines ressources naturelles au moment où certains groupes de pays en ont grandement besoin pour leur développement et estiment, en plus, ne pas avoir de grandes parts contributives au réchauffement climatique.

En effet, quand des pays font de bonne foi valoir des risques d’atteinte à leur survie et leur autonomisation énergétiques, il va sans dire qu’il vaudrait mettre en lumière les paradigmes nouveaux allant dans le sens d’utiliser lesdites ressources autrement, plutôt que s’en passer sans disposer d’alternative.

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