Attaque terroriste de Grand-Bassam: Comment l’opération a été montée
Tout sur les réunions tenues à Koumassi
Barry Assan alias Ange Barry Batesti, chauffeur d’Amza Mohamed Jamal, présumé cerveau des attaques de Grand-Bassam
C’est un témoignage glaçant que Barry Assan, alias Ange Barry Batesti, Burkinabé né en 1992 à Dabou, a livré le mercredi 4 août 2016, au Tribunal militaire d’Abidjan (Tma), devant lequel il a été cité comme témoin, dans le procès de deux militaires issus des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci).
Les sergents Coulibaly Zanga Zoumana Kutro et Coulibaly Peg Brice. Tous les deux ont été reconnus coupables des faits de violation de consigne et d’association de malfaiteurs, dans l’attaque terroriste de Grand-Bassam. En conséquence, ils ont été condamnés à 10 ans d’emprisonnement ferme.
Tout en se disculpant, Barry Assan, cet ancien lycéen de Dabou détenu à la Direction de la surveillance du territoire (Dst), a projeté, par son témoignage, une lumière sur le déroulé de l’organisation criminelle qui a abouti aux massacres de Grand-Bassam, le dimanche 13 mars 2016. Un témoignage qui en dit long sur les pratiques, le mode opératoire et le conditionnement psychologique des kamikazes jihadistes. A la base, une puissante drogue, nommée « Rivotrine ». Le juge Kouadio Koffi a qualifié son témoignage « de récit spontané et intéressant ».
Ancien chauffeur de taxi « Woro-Woro », ancien gérant de cabine téléphonique, Barry Assan alias Barry Batesti se décide, en septembre 2015, à aller à l’aventure. Il se retrouve à Arlit, fief des djihadistes, la frontière algérienne, avec le Mali. C’est là que son « destin » de « de djihadiste » se scelle. Peut-être malgré lui. Peut-être en toute conscience. « C’est à Arlit, au nord du Mali, que j’ai fait la connaissance de Amza Mohamed Jamal. C’est un Malien », note-t-il. Les services de renseignements le présente comme l’un des acteurs clés, sinon même le planificateur des attaques de Grand-Bassam. « Il a décidé de m’aider à me rendre en Europe, à hauteur de 2 millions de Fcfa. C’est comme ça que je me suis mis à son service comme chauffeur », révèle Barry Assan. Mais, au lieu d’aller vers l’Europe, c’est plutôt la route d’Abidjan qui va être empruntée.
Dans le mois de décembre 2015, Amza Mohamed Jamal vient en « repérage » à Abidjan, avec son chauffeur Barry Assan en compagnie de Kabaye, un autre Malien qui réside en Côte d’Ivoire depuis 2008. « Il habitait chez ses frères boutiquiers », à Abidjan, précise encore Barry Assan. « En novembre 2015, nous avons fait le voyage sur Bamako au Mali, puis au Niger, ensuite au Burkina Faso. C’est à l’hôtel Tamanin du Bamako, le 2 janvier 2016, que l’attaque va être actée à la suite d’une réunion tenue en cet endroit », révèle-t-il.
Le 28 janvier 2016, Barry Assan embarque pour Abidjan, avec son « patron ». Sur place, il prend langue avec le sergent Coulibaly Zanga Zoumana. Celui-ci recrute son frère d’arme et confident Coulibaly Peg. « Nous nous sommes retrouvés, à plusieurs reprises, dans un restaurant situé au grand carrefour de Koumassi… Chaque fois, Coulibaly et Amza parlait directement. Il s’agissait d’acheter de la Rivotrine… On dit que ça soigne les fous. Amza voulait une importante quantité. Et Coulibaly et Touré ont accepté de lui en trouver », rapporte-t-il. Pour des raisons évidentes de sécurité, nous nous gardons de citer le nom de ce restaurant. Mais il est situé à proximité des gares routières des véhicules de transport qui vont en direction du Sud-comoé. Au moins une dizaines de réunions se sont tenues dans ce restaurant, soutient encore Barry Assan. Des informations confirmées à la barre par les mis en cause. Qui ajoutent, néanmoins que ces réunions n’avaient aucun caractère terroriste. Mais, lorsque le commissaire du gouvernement, Ange Kessi Kouamé, demande aux prévenus pourquoi ils n’ont pas dénoncé des gens qui cherchent à acheter de la drogue en grande quantité, ils avalent leur langue.
Après ces multiples réunions, Amza, Barry Assan et Kabaye retournent au Burkina Faso, au mois de janvier 2016. Puis, Barry et Kabaye retournent en Côte d’Ivoire. Selon lui, il a laissé le véhicule ayant servi à convoyer les terroristes « à la gare de la Sonef » au Mali. Peu après les attaques terroristes de Grand-Bassam, selon lui, « il apprend, par un ami, que le véhicule Land-Cruiser » qu’il conduisait « a été retrouvé dans un endroit bizarre à Grand-Bassam ». Barry a prétendu ne pas savoir où se trouve Amza, mais affirme que celui-ci l’a appelé, sur son téléphone portable, «après les attaques de Grand-Bassam ». « Il n’est pas mort dans les attaques de Grand-Bassam, puisqu’il m’a appelé après les attaques », insiste-t-il . Il faut dire que c’est un récit pour le moins alambiqué, qui met en musique des histoires d’achat de drogue, de mercure pour le blanchissement de billets de banque et qui a débouché sur des massacres à Grand-Bassam, le 13 mars 2016. Au moins 19 personnes ont péri sous les balles des jihadistes venus du Mali.
Armand B DEPEYLA
linfodrome.com,