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Le petit Michaël, tombé sous les balles d’un mystérieux commando, a été conduit à sa dernière demeure par une foule en pleurs
Les populations de M’Pody, bourgade située (à 10 km sur une piste impraticable) sur le flan de l’autoroute du nord au Pk 38, ont perdu la quiétude et la sérénité après que des déflagrations d’armes d’un mystérieux commando ont déchiré le silence de la nuit du jeudi 18 juin 2015. Au décompte de cette fusillade de plusieurs heures entre ce commando, des gendarmes et le Ccdo, deux morts et quatre blessés graves.
Des amis, des connaissances et d’inconnus, touchées par sa mort brutale ont entonné un chant d’adieu en rang derrière la charrette mortuaire qui contenait la dépouille de Djoman Sika Michaël, âgé d’environ 12 ans. Cet adolescent qui venait d’obtenir son concours d’entrée en 6ème, n’a pu survivre de ses graves blessures survenues lors de l’attaque perpétrée par le commando dans le village de N’Pondy. Cela ne pouvait être autrement puisque son visage était méconnaissable. Les balles qu’il a reçues en plein visage, ont littéralement explosé sa tête. Son père, Djoman Nestor, a été évacué d’urgence au Chu de Yopougon avec la mâchoire facturée et une balle dans la gencive. Le petit Michaël et son père font partie des six victimes d’un commando qui a mis à ses pieds le village de M’Pody dans la soirée du jeudi. En effet, peu après 21H, selon les informations que nous avons recueillies sur place dans la matinée du vendredi 19 juin 2015, ce commando d’au moins quatre personnes, puissamment armé, a fait irruption dans le village. Ses membres ont foncé tout droit au domicile de Sana Karim, couturier dont la femme est vendeuse de riz et de sucre. Karim qui est revenu entre-temps de la longue prière ( de jeûne musulman), est tombé nez à nez avec quatre gaillards. L’un d’eux faisait office de sentinelle est devant la porte. Les trois autres s’en sont pris à Sana. Le corps à corps qui a suivi, était à l’avantage de Sana. L’un des assaillant, en difficulté a ouvert le feu deux fois sur Sana qui, par miracle, a esquivé les balles. Comment a-t-il pu éviter des balles qui lui ont été envoyées à bout portant ? Les membres du commando qui voulaient vaincre l’invulnérabilité de Sana, ont usé des cross de leurs fusils pour ouvrir le crâne de Sana. En sang et affaibli par des coups reçus, Sana s’est affaissé avant de se reprendre. Ensanglanté et les yeux tuméfiés, il réussit tout de même à mettre en difficulté les bandits qui sont contraints de se « chercher ». Kpata Ayé Roger, menuisier d’environ 39 ans et voisin de Sana, court pour s’enquérir des nouvelles : « avec les détonations, j’ai cru que c’était une bouteille de gaz qui avait explosé. Donc j’ai couru pour venir en aide à mon voisin ». Mal lui en prit, car il reçoit, à son tour, une décharge. Il s’écroule : au visage comme au niveau de l’épaule gauche, il a pris plusieurs balles. Les quidams sont obligés de décamper. Alors qu’ils se croyaient avoir pris une piste villageoise pour se fondre dans la nature, la voie qu’ils empruntent les conduits directement au domicile de Djoman Nestor. Surpris, ils ouvrent le feu sur la maisonnée. Le chef de famille est blessé à la mâchoire quand le pauvre petit Djoman Sika Michaël a le visage déchiqueté par une décharge de chevrotines. La femme de Sana qui a entendu des crépitements derrière elle après sa fuite, est allée alerter des connaissances en pleurs, en soutenant que son mari vient d’être abattu. C’est aux pas de course qu’elle arrive avec Yapo Chayé Chantal âgée d’une quarantaine d’année. Malheureusement, elles tombent nez-à-nez avec le commando qui se retirait. Sans autre forme de procès, plusieurs coups partent en direction de Yapo Chayé qui les reçoit en pleine poitrine et au cou. Elle meurt quelques instants après. Ce sont donc deux morts et quatre blessés que le commando laisse derrière lui, en promettant de revenir.
La riposte
Autour de minuit, les coups de feu s’estompent. Koffi Ahoua Alexandre, chef dudit village insiste et réussit à avoir le commandant de Brigade de gendarmerie d’Anyama dont dépend M’Pody. La même alerte est donnée depuis Abidjan par Kotchi Andoh René, cadre du village qui s’est mis en rapport avec la jeunesse de M’Pody peu après le début de la fusillade. A la mi-journée du vendredi 19 juin 2015, la Brigade d’Anyama, appuyée par un détachement de l’escadron d’Abobo et d’un équipage du Centre de coordination des décisions opérationnelles (Ccdo) fait son entrée dans le village. Cet impressionnant détachement fonce dans les mangroves et rivières qui encerclent le village. Aux environs de 13H, une fusillade éclate. Les populations sont sur le qui-vive. Quelques instants plus tard, ces dizaines d’éléments de gendarmerie, de police et de l’armée, reviennent du « front ». Ils marquent une escale au domicile du chef, restent quasiment muets sur l’opération menée sur place. Mais selon l’entretien qu’ils ont eu avec l’autorité coutumière, des éléments resteront dans le village jusqu’au samedi 20 juin 2015. La fusillade de tout à l’heure est le fait d’un ratissage systématique et sérieux ». J’ai reçu plusieurs menaces de mort. C’est le village qui a été attaqué, car aux victimes, les membres du commando ont dit qu’ils étaient en mission. Sinon comment attaquer un domicile en plein village sans moyen de se déplacer après ? Je demande aux autorités de faire diligence car depuis l’année dernière (août 2014) j’ai saisi le ministère de l’Agriculture, les Eaux et forêts, la gendarmerie, la Police », s’est emporté Koffi Ahoua. Même son de cloche pour Kotchi Andoh René qui s’est rendu précipitamment au chevet des victimes à M’Pody. Au moment où nous quittions les lieux, malgré les assurances de Koua Sostène, président des jeunes dudit village, les populations s’apprêtaient à vivre une première nuit après la fusillade sanglante. En dévisageant les nombreuses personnes qui ont envahi le centre de santé et la cour du chef de village, la sérénité avait foutu le camp, et fait place à la peur dans un village encore sous le choc.
M’BRA Konan (envoyé spécial à M’Pody)
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