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(VIDEO) Yopougon Enfants enlevés et tués: le calvaire des parents face au silence troublant du gouvernement

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Enfants enlevés et tués: le calvaire des parents face au silence troublant des autorités

Plusieurs enfants et été enlevés et tués en Côte d’Ivoire, dans l’indifférence totale des autorités.

Un phénomène inquiétant se déroule en Côte d’Ivoire, notamment dans la commune de Yopougon, en cette fin d’année. Il s’agit d’enfants enlevés et tués. Quatre ont connu cette triste fin dans ce mois de décembre 2014. Nous sommes allés à la rencontre de quelques familles éplorées. Reportage.

C’était le jour de son anniversaire. Koffi Jean Aurélien David aurait eu 10 ans le mardi 16 décembre 2014. Mais, l’heure n’est pas à la fête dans la famille Koffi. Une lourde atmosphère de deuil règne. Elle est liée à la mort atroce de l’enfant. Et c’est son père Koffi Jean Claude, la voix nouée par la douleur et les yeux remplis de larmes, qui nous raconte ce lundi 1er décembre 2014, jour du drame, à jamais gravé dans leur mémoire.

Ce jour-là, en effet, des individus ont décidé de mettre un terme à la vie de sa progéniture. Parti pour l’école, Koffi Jean Aurélien David, élève en classe de Cm1 dans un établissement à Yopougon-Ananeraie, ne verra plus ses parents. « Ce lundi, je suis rentré de mes courses à 13h pour partager le repas avec ma famille et me reposer un peu. À 16h, on envoie la servante chercher les enfants. Car ce jour, le ciel était menaçant et une forte pluie s’était abattue sur Abidjan. Couché dans mon lit, j’ai eu un soudain pressentiment et j’ai voulu aller chercher mes enfants. Ils sont jumeaux, ils fréquentent la même école, et sont dans la même classe », explique Koffi Jean Claude.

couple enfant enleves

La joie qui se lit sur le visage du couple Koffi a laissé place…

Mais, il était loin de s’imaginer que ce sentiment qui venait de le traverser était le signe annonciateur d’un drame. « Malgré les eaux de ruissellement, je parviens à garer la voiture derrière quatre autres véhicules dont les propriétaires étaient venus chercher leurs enfants. J’appelle mon épouse et lui demande de dire à la servante que je suis garé dehors. On me fait savoir que les enfants sont en train de balayer leur classe. Cinq minutes après, la servante apparaît, mais avec un seul des jumeaux. Mais où est David? ».

La réponse à laquelle ne s’attendait certainement pas M. Koffi, sera le début d’une triste histoire. « Je suis sorti avec tous les deux enfants. Mais quand j’ai dit à David ”attends moi dehors”, il m’a arraché sa main et a commencé à courir vers la sortie. Je ne l’ai plus vu », répond la servante. C’est le branle-bas. Comment retrouver le gamin dans cette foule, et sous une pluie battante ? « On a cherché dans toutes les voitures, les classes, le quartier, jusqu’à 19h, sans trouver l’enfant. C’est ainsi que nous nous sommes rendus au commissariat du 17e arrondissement pour signaler sa disparition », explique-t-il.

Les bourreaux menacent les victimes

Après une nuit blanche, ils reprennent les recherches et saisissent toutes les structures de police, les réseaux sociaux afin de retrouver leur enfant. Rien n’y fit, jusqu’au samedi 6 décembre 2014.

« Ce samedi, son école m’appelle pour m’informer qu’un enfant portant un kaki a été retrouvé par des pêcheurs à Lokoua, au bord de la lagune. Imaginez le choc. Je me rends sur les lieux. Et là, je vois mon fils. Sur les photos prises par les pêcheurs, on voit l’enfant couché sur la berge, la tête plongée dans l’eau. Le 17è arrondissement a été alerté, la police scientifique ainsi que les pompes funèbres pour procéder au constat d’usage et à l’enlèvement du corps. Après le constat, on s’est aperçu qu’aucune partie de son corps n’a été emportée. Mais qu’il a été torturé parce qu’il y avait des contusions sur son corps et des marques au niveau de l’abdomen qui montrent qu’ils ont extrait son sang », se rappelle-t-il, le visage plié par la douleur.

« Ça me révolte. Dans quel pays sommes-nous? Je ne peux pas comprendre que les autorités ne fassent rien pour arrêter ces fléaux », s’indigne le père d’Aurélien David. L’enfant repose à jamais au cimetière municipal de Yopougon, depuis le vendredi 12 décembre 2014. Malgré cette dure épreuve qu’ils font subir à la famille Koffi, les bourreaux ne démordent pas. Ils appellent et menacent les géniteurs.

« Vous pensez que c’est fini. Ils sont jumeaux, nous allons enlever l’autre aussi », disent-ils à travers des appels téléphoniques avec des numéros masqués, selon Koffi Jean-Claude. « On n’est plus en sécurité. Il y a un des jumeaux qui est là. Je me demande s’ils ne vont pas l’enlever lui aussi. L’enfant est traumatisé. Il ne va même plus à l’école. Lui et son frère sont voisins de classe. Comment peut-il supporter l’absence de l’autre? Si j’avais les moyens, je partirai loin d’ici, car je suis fortement persécuté et profondément troublé. Pour mon épouse, c’est encore plus difficile. Elle est totalement effondrée, en état de choc. Jamais, on avait imaginé une telle situation », avoue-t-il.

... à des larmes de douleur. Le père a du mal à se retenir. Il pleure son fils Aurélien.

Dans leur souffrance, Koffi et sa famille n’ont de soutien que des proches dont son ami D.A., et des communautés chrétienne et musulmane. « Aucune autorité, qu’elle soit municipale, gouvernementale, aucune Ong n’a manifesté de la compassion pour nous », regrette M. Koffi. Lui qui voulait fêter avec ses enfants en cette fin d’année. « J’avais promis que si je le retrouvais, on fêterait la Noël avant Noël. D’espoir en espoir, hélas! ». Hélas en effet ! Car l’enlèvement d’enfants est devenu un fléau, surtout à Yopougon.

Dans la même période, un autre enfant subit le même sort, mais de façon plus atroce. Mareau Bénitier, 5 ans, élève en classe de Cp2, a été enlevé, tué puis mutilé. Ses organes génitaux, le bras droit et la jambe droite, ainsi que la tête sont sectionnés et emportés. Le reste du corps est jeté en pâture aux oiseaux et autres poissons dans la lagune, non loin de la base navale de Locodjro. Il est retrouvé onze jours après son rapt. Son père, Mareau Alain Max, la voix encore engourdie par la souffrance due à la perte de son fils, raconte l’horreur ce lundi 15 décembre, quand nous le rencontrons à son domicile à Yopougon.

Il explique que le samedi 29 novembre 2014, jour de son enlèvement, Bénitier joue avec ses amis dans le quartier. Vers 18h, un jeune du quartier identifié selon un témoin comme Godo Freddy, l’empoigne et le force à le suivre. Le petit garçon se sait mal accompagné. Il pleure. Ses larmoiements attirent une jeune fille du quartier. Elle veut en savoir davantage. Mais, le ravisseur évite tout contact, de peur d’être démasqué. Il fait croire qu’il emmène l’enfant pour se laver. Manque de pot pour lui, il est bien identifié par la jeune fille, qui permet de mettre la main sur lui quand éclate la disparition de l’enfant, selon le récit de son père.

Les familles livrées à leur propre sort

Ils engagent les recherchent. A l’aide d’un griot, mais aussi avec plusieurs affiches à l’effigie de l’enfant, placardées partout et estampillées sur des véhicules, ils sillonnent les quartiers pour retrouver Bénitier. Ayant reconnu sur les affiches l’enfant qu’elle avait vu aux mains du jeune garçon, la jeune fille, dénommée également ” la veille ”, approche les parents pour leur raconter ce qu’elle sait.

« Elle m’a dit que si elle voit le jeune, elle peut le reconnaître parce qu’elle a suivi la scène de près et a bien identifié le ravisseur. Ce qui m’a convaincu, c’est sa description de l’enfant et de son habillement », se convainc Mareau Max. Un tour dans le quartier leur permet de rencontrer le jeune recherché, dévisant avec un groupe d’amis. Interrogé sur la disparition de Bénitier, Godo Freddy jure n’avoir jamais vu l’enfant, avant de reconnaître son forfait sur insistance de ” la vieille ”.

« Il a avoué qu’il avait effectivement vu l’enfant et a même décrit son habillement. Ce qui m’a intrigué. Comment parmi tant d’enfants, as-tu pu identifier mon fils de la sorte? Qu’avait-il de si particulier pour que tu te sois ainsi intéressé à lui”, lui-ai demandé? Mais il n’a pas pu répondre », raconte le père. La discussion prend une autre tournure, et le groupe est rejoint par les amis et parents de Godo.

Malgré l’opposition des siens, il est arrêté et conduit à la gendarmerie d’où il est déféré à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca). Le présumé bourreau refuse cependant de parler, durant son séjour dans les locaux de la gendarmerie.

Mareau Alain Max pleure son fils Bénitier (5 ans) assassiné. Il voudrait se rendre justice, mais compte sur l’État pour cela.

Le 9 décembre 2014, le corps sans vie de Mareau Bénitier est découvert. « S’il avait parlé, peut-être qu’on aurait retrouvé l’enfant vivant », regrette le père. Les responsables pénitentiaires joints par téléphone, confirment la détention de Godo à la Maca. Après l’assassinat de Bénitier, les bourreaux se montrent également menaçants à l’endroit des parents de leur victime. « Ses complices nous ont visités, ils ont agressé ma femme et menacé d’enlever d’autres personnes », explique Alain Max.

Quant à Kouko Batiyé Ange Messi, il peut dire merci à Dieu. Il n’est pas tombé dans les mains de ces tueurs. Agé de quatre (4) ans et élève en classe de Cp1, le petit Ange Messi se rend à l’école, le mardi 9 décembre 2014, dans le périmètre de l’échangeur de Marcory. Il ne revient pas à la maison à midi. Il passe habituellement sa pause à la ”cantine” de l’établissement. Mais, ce jour là, après les cours, il suit deux amis de classe, qui le refoulent une fois arrivés devant leur maison.

En rebroussant chemin, il se perd et se retrouve à Anoumabo. Flânant dans les rues jusqu’au soir, tout affamé, il se met à pleurer. C’est alors qu’un instituteur rencontre son chemin. « Heureusement qu’il s’appelle Messi. C’est le Messie qui l’a protégé. Le monsieur l’a fait passer dans les écoles de Sans fil, où personne ne l’a reconnu. Il décide alors d’aller le confier au chef du village d’Anoumabo ».

La famille constate la disparition de l’enfant, et alerte la police. Les recherches commencent et se poursuivent jusqu’au lendemain. L’inquiétude gagne les parents, le désespoir aussi. Mais, l’appel qu’ils attendent le plus vient enfin, et leur donne du baume au cœur. Il s’agit du commissariat de police de ce quartier de Marcory, qui annonce la réception d’un enfant répondant au même signalement que Batiyé Ange Messi. C’est effectivement lui. Il est sain et sauf. De bonnes personnes l’ont retrouvé.

Après cet événement, la mère, Mme Dali Suzanne, décide que son enfant n’ira plus dans cette école, à cause de l’insécurité qui y règne, selon elle. En effet, à l’en croire, l’école sert de lieu de stationnement aux véhicules, ce qui est propice à des rapts.

* L’indifférence révoltante des autorités et leaders de société

Des enfants poursuivis, enlevés et tués dans les rues d’Abidjan, surtout à Yopougon, sans que cela n’émeuve personne. Pas de réaction du gouvernement, des autorités judiciaires et municipales, ni même des partis politiques ou des organisations de la société civile, des Ong de défense des droits de l’Homme ou de l’enfant.

Ce qui aurait, sous d’autres cieux, provoqué une vive réaction et des manifestations populaires ou des actions particulières, est accueilli avec une indifférence surprenante, voire révoltante en Côte d’Ivoire. Les conseils des ministres passés sont muets sur le sujet. Les préoccupations sont ailleurs, pendant que des enfants sont traqués, tués, sacrifiés en cette fin d’année. Il faut vite finir les ponts, les routes et autres échangeurs, il faut sensibiliser autour de l’appel de Daoukro, le prochain mandat doit passer par là. Sous les sapins lumineux des arbres de Noël, organisés avec tout le tapage médiatique qu’il faut pour des enfants encore vivants, dans le seul but de soigner son image, accroître sa notoriété, gisent les corps sans vie d’autres enfants qu’on a oubliés.

Et c’est dommage ! Il est donc grand temps que le gouvernement mette fin aux activités de ces tueurs d’enfants pour assouvir des rituels sordides de fin d’année. Dans le chapitre ”Des libertés et des droits” de la Constitution ivoirienne, il est écrit à l’article 2 : « La personne humaine est sacrée. Tous les êtres humains naissent libres et égaux devant la loi. Ils jouissent des droits inaliénables que sont le droit à la vie, à la liberté, à l’épanouissement de leur personnalité et au respect de leur dignité. Les droits de la personne humaine sont inviolables. Les autorités publiques ont l’obligation d’en assurer le respect, la protection et la promotion (…)». Et l’article 3 d’ajouter: « Sont interdits et punis par la loi, l’esclavage, le travail forcé, les traitements inhumains et cruels, dégradants et humiliants, la torture physique ou morale, les violences physiques et les mutilations et toutes les formes d’avilissement de l’être humain ». Nous nous sommes librement donné ces lois, appliquons-les tout simplement.

Cesar DJEDJE MEL

L’Inter

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