Pas de révolution dans l’organisation des élections fédérales aux États-Unis. Dans une décision très attendue, la Cour suprême rejette une théorie juridique défendue par le camp conservateur.
Cela s’appelle la théorie de la législature d’État indépendante, explique notre correspondant à Washington, Guillaume Naudin. Selon les parlementaires de Caroline du Nord, à majorité républicaine, la Constitution permettrait aux assemblées des États d’organiser les élections fédérales au niveau local, sans le moindre contrôle, notamment de la part des cours locales. Un très sérieux coup de canif au principe d’équilibre des pouvoirs rejeté par la Cour suprême.
Six des neuf juges de la cour sont pourtant conservateurs, mais sans doute sont-ils aussi attachés au pouvoir de contrôle du système judiciaire, donc au leur. S’ils avaient accepté cette théorie, les assemblées locales auraient par exemple pu se livrer sans le moindre contrôle et sans la moindre restriction au « gerrymandering », c’est-à-dire le découpage électoral à des fins politiques pour les circonscriptions des élus à la Chambre des représentants, avec des conséquences importantes pour la majorité au Congrès.
Au lieu de ça, les cours suprêmes locales pourront continuer à demander aux assemblées de revoir des cartes électorales trop partisanes ou continuer à veiller au respect du droit de vote. Des ténors démocrates comme l’ancien président Barack Obama ou la vice-présidente Kamala Harris saluent cette décision et ne cachent pas leur soulagement.
Une nouvelle carte avant les élections de 2024 ?
Le dossier découlait du recensement de 2020 qui a enregistré une hausse de la population en Caroline du Nord. En conséquence, l’État avait gagné un siège supplémentaire à la Chambre des représentants et ses parlementaires avaient redessiné les contours des circonscriptions.
Leur carte avait toutefois été invalidée par la Cour suprême de l’État, qui a jugé qu’elle favorisait le parti républicain en regroupant les électeurs démocrates dans certaines circonscriptions pour diluer leur vote ailleurs. Une seconde carte n’ayant pas semblé plus équitable, la haute juridiction locale avait nommé un expert indépendant pour s’en charger.
Les législateurs locaux s’étaient alors tournés vers la Cour suprême des États-Unis, en reprochant au pouvoir judiciaire de l’État d’avoir usurpé leur rôle. La haute juridiction avait refusé d’intervenir en urgence et la carte de l’expert a bien servi aux élections de mi-mandat, en novembre, permettant d’élire sept représentants de chaque parti.
Lors de ce scrutin, l’équilibre a changé à la Cour suprême de Caroline du Nord, où les magistrats conservateurs sont désormais nettement majoritaires. Dans la foulée, ils ont changé de pied et estimé qu’ils n’étaient pas compétents pour invalider le découpage des circonscriptions. Il est donc possible que les parlementaires locaux redessinent une nouvelle carte avant les élections de 2024. La décision de la Cour suprême n’aurait alors aucun impact concret.