L’Inde affirme sa présence en Afrique

Après Washington en juin, c’est au tour de Paris de dérouler le tapis rouge au Premier ministre indien. Narendra Modi est l’invité d’honneur du défilé du 14 Juillet, auquel participera un contingent de l’armée indienne. L’Inde apparaît de plus en plus comme un partenaire incontournable pour les Occidentaux et un pilier des pays du « Sud Global ». Il faut dire que la présidence indienne du G20 a revigoré ses relations avec les autres parties du monde en développement, notamment, l’Afrique. Alors que le continent africain fait face aux retombées économiques de la guerre russe en Ukraine, à l’inflation, au resserrement des financements internationaux, New Delhi voit une opportunité de revigorer ses échanges avec plusieurs États. Le Premier ministre utilise régulièrement les tribunes des conférences internationales pour attirer l’attention sur les questions de la dette dans les économies en développement ou sur leur représentation dans les grandes institutions. Il a récemment demandé l’adhésion à part entière de l’Union africaine au G20, lors du prochain sommet qui doit se tenir à la fin de l’année. Au cours des dernières années, sur les vingt-cinq nouvelles ambassades ou consulats ouverts par l’Inde, dix-huit se trouvent en Afrique. En février, l’Inde a accueilli quarante-huit pays africains au sommet Voice of Global South.

Pékin dans le viseur

Et sur le terrain, l’Inde avance ses pions. Selon un rapport de l’agence Bloomberg, quarante-deux pays africains ont reçu environ 12 milliards de dollars, soit 38 % de tous les crédits accordés par l’Inde au cours de la dernière décennie. Ce rapprochement avec l’Afrique est destiné, avant tout, à contrer l’influence grandissante de la Chine en Afrique. Pékin a promis jusqu’à 134,6 milliards de dollars aux pays africains, selon les données du Global Development Policy Center de l’université de Boston, c’est onze fois plus que l’Inde.

L’économie en prime

Pour rattraper son retard, les gouvernants indiens multiplient l’organisation de sommets et de rencontres afin de dessiner le cadre d’un partenariat stratégique et le secteur privé avance, lui aussi, ses pions. New Delhi peut s’appuyer sur son bras armé financier l’Export Import Bank of India, dirigée par Harsha Bangari. La banque est un instrument de la « diplomatie économique » de l’Inde, a-t-il déclaré dans une récente interview, ajoutant que la nation sud-asiatique a également ouvert 195 lignes de crédit pour des projets à travers l’Afrique. De fait, les investissements indiens sont de plus en plus significatifs. On peut citer le métro de Maurice, des exportations d’autobus de l’Inde vers le Sénégal, un projet d’électricité en Gambie, le parc industriel d’Adétikopé, au Togo, avec, sur place, plusieurs usines (assemblage de motos électriques et de textile) et la transformation d’aluminium par le groupe indien Gravita.

Les services de l’Exim Bank affirment aussi que, avec près de 75 milliards de dollars d’investissements par des entreprises indiennes, le géant fait partie des cinq premiers investisseurs en Afrique. Le commerce bilatéral entre l’Inde et l’Afrique a atteint près de 100 milliards de dollars en mars 2023, et le gouvernement vise à le porter à 200 milliards de dollars d’ici à 2030. New Delhi est membre de la Banque africaine de développement, qui regroupe cinquante-quatre pays africains et vingt-huit partenaires non africains.

Contrairement à la Chine, l’Inde peut s’appuyer en Afrique sur une présence ancienne, liée à une histoire partagée depuis la colonisation britannique, et la solidarité née de la décolonisation et du mouvement des non-alignés dans les années 1960 et 1970. Cette solidarité politique trouve actuellement un écho sur la scène internationale, en effet l’Inde et l’Afrique du Sud sont toutes deux candidates à un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, au nom de la nécessaire représentation des puissances économiques des pays du « Sud Global. »