Vladimir Poutine a officialisé, ce vendredi 30 septembre, l’annexion par la Russie des quatre régions occupées par la Russie dans l’est de l’Ukraine, et appelé Kiev à « cesser immédiatement les hostilités » et à négocier. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, lui a adressé en réponse une fin de non-recevoir. Les principales réactions du jour.
Annexion ou pas, alors que la Russie lui demande désormais de déposer les armes, M. Zelensky persiste, ce vendredi : il ne négociera pas avec Moscou. Ou du moins, pas tant que Vladimir Poutine restera au pouvoir.
« L’Ukraine ne négociera pas avec la Russie tant que Poutine est le président de la Fédération de Russie. Nous négocierons avec le nouveau président », a-t-il martelé, dans une vidéo mise en ligne par Kiev.
Au contraire, le président ukrainien entend accélérer. « Nous adoptons une mesure décisive en signant la candidature de l’Ukraine en vue d’une adhésion accélérée à l’Otan », explique-t-il.
M. Zelensky propose de mettre en œuvre les propositions de garanties de sécurité élaborées par Kiev avec ses partenaires occidentaux. « Seule la voie de l’expulsion des occupants de l’ensemble de notre territoire ramène la paix », estime le président ukrainien.
Ce vendredi, le ministre ukrainien des Affaires étrangères s’est également exprimé. Dmytro Kouleba assure que son pays va continuer de mener l’effort de guerre pour reprendre ce qui lui appartient.
« Rien ne change pour l’Ukraine : nous continuons à libérer nos terres et notre peuple, en restaurant notre intégrité territoriale », affirme-t-il sur Twitter. Selon lui, Vladimir Poutine « tente de s’emparer de territoires qu’il ne contrôle même pas physiquement ». Et de fait, aucune des quatre régions nouvellement annexées par Moscou n’est dans sa totalité aux mains des forces russes.
Une décision sur l’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance atlantique nécessitera l’unanimité des membres de l’organisation politico-militaire, rappelle, de son côté, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg.
Lui aussi condamne néanmoins les annexions de la Russie, une décision qu’il qualifie d’« illégale et illégitime », confirmant que les Alliés ne reconnaîtront jamais ces territoires comme faisant partie de la Fédération russe.
« L’Ukraine a le droit de reprendre ces territoires désormais occupés par la force et nous la soutiendrons pour qu’elle continue de libérer ces territoires », considère M. Stoltenberg, qui s’exprimait en conférence de presse.
Le « clair avertissement » des États-Unis
La réaction de Washington était attendue. « Les États-Unis condamnent aujourd’hui la tentative frauduleuse par la Russie d’annexer des parties de territoires en Ukraine », déclare Joe Biden par communiqué, dénonçant une « violation du droit international qui piétine la Charte des Nations unies ».
Le président américain promet que les États-Unis « continueront à appuyer les efforts de l’Ukraine pour regagner le contrôle de son territoire ».
La Maison Blanche, le département d’État et le Trésor annoncent l’adoption dès ce vendredi de nouvelles sanctions, qui visent principalement des responsables russes et l’industrie de la défense. Sont notamment concernés des parlementaires de la Douma, la chambre basse du Parlement russe, des responsables gouvernementaux et des fournisseurs à l’armée russe.
Et le chef de la diplomatie américaine d’émettre une mise en garde : en accord avec les pays du G7, le secrétaire d’État assure que tous ceux qui fourniraient un soutien politique ou économique aux tentatives de la Russie de s’emparer « illégalement » de pans de l’Ukraine seront lourdement sanctionnés.
« Nous émettons également un clair avertissement soutenu par les dirigeants du G7 : nous exigerons des comptes à tout individu, entité ou pays qui fournit un soutien politique ou économique aux tentatives illégales de la Russie de changer le statut de territoires en Ukraine », écrit Antony Blinken dans son communiqué.
Le G7 a embrayé : ses membres « ne reconnaîtront jamais les prétendues annexions » des territoires ukrainiens par la Russie, promettent les ministres des Affaires étrangères des sept puissances industrielles, par communiqué également. « Nous condamnons unanimement et fermement la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine et la violation continue par la Russie de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance de l’Ukraine. »
Russes aux frontières : l’UE serre les vis
La Commission européenne, pour sa part, invite les États membres de l’UE, sous impulsion de ces derniers, à se montrer plus restrictifs dans l’octroi de visas aux Russes et dans les contrôles aux frontières, alors que des milliers d’entre eux continuent de fuir la mobilisation décrétée par le président Poutine.
« Avoir un visa valide ne suffira plus pour entrer dans l’UE. Les garde-frontières devront effectuer des contrôles de sécurité supplémentaires », décrète ce vendredi la commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson, en conférence de presse en ligne depuis Stockholm.
Précision utile : ces nouvelles restrictions « portent uniquement sur les visas de courte durée et les contrôles aux frontières, pas sur l’asile. Le droit d’asile est un droit fondamental », rappelle la commissaire, qui est suédoise.
Quant aux visas déjà délivrés, les États membres sont « invités » à les « réexaminer », et ce « en raison du nouveau contexte de sécurité », ajoute Mme Johansson. La délivrance et la révocation des visas sont, en effet, une compétence des États membres, ainsi que le rappelle la commissaire.
Les Européens avaient prévenu qu’ils tiendraient pour totalement invalides et illégaux à la fois les référendums, qualifiés de « simulacres », et leurs résultats « falsifiés », rappelle notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet. Les dirigeants de l’UE rejettent donc « fermement », et « condamnent sans équivoque » les annexions.
Selon les Européens, la Russie met la sécurité mondiale en danger, car elle sape l’ordre international et viole l’intégrité territoriale de l’Ukraine, son indépendance et sa souveraineté, c’est-à-dire ses droits fondamentaux. L’Ukraine continuera de recevoir le soutien économique et militaire de l’Union européenne, pour assurer sa légitime défense et reprendre le contrôle total de ses territoires.
Le président du Conseil, Charles Michel, répète que l’Union ne reconnaîtra jamais ces annexions, tout comme elle ne reconnaît pas l’annexion de la Crimée depuis 2014.
Les dirigeants du Conseil de l’Europe, auquel la Russie n’appartient plus depuis son exclusion en mars dernier, ont également condamné « fermement » « l’annexion illégale des territoires occupés en Ukraine » par Moscou, dans un communiqué commun du président du Comité des ministres du Conseil, Simon Coveney, de la secrétaire générale de l’organisation, Marija Pejcinovic Buric, ainsi que du président de l’Assemblée parlementaire (APCE), Tiny Kox.
« Le changement forcé des frontières internationales aux dépens d’un autre État souverain, et les soi-disant “référendums” qui l’ont précédé, constituent une grave violation du droit international et ne peuvent être reconnus », écrivent-ils tous trois conjointement.
Et d’ajouter : « En tant que puissance occupante, la Russie continue d’assumer l’entière responsabilité du respect des droits de l’homme dans les territoires concernés ainsi qu’en Crimée occupée. »
Aux yeux de Leendert Verbeek, président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, un organe du Conseil de l’Europe, « la décision du président Poutine d’annexer illégalement des territoires occupés dans les régions ukrainiennes de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporijjia (…) met gravement en péril l’ordre juridique qui existe en Europe depuis 1945. »
Avec Rfi