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Trafic d’influence : la justice valide la procédure de mise en examen de Sarkozy
Un obstacle de taille demeure sur le chemin de la présidentielle de 2017 pour Nicolas Sarkozy, la justice ayant validé jeudi les écoutes qui lui valent d’être mis en examen pour corruption et trafic d’influence.
Gelée depuis l’automne, le temps d’examiner les requêtes, l’enquête va donc reprendre, le pourvoi en cassation annoncé jeudi n’étant pas suspensif selon une source judiciaire.
Avec la menace persistante, en fin d’instruction, d’un possible renvoi en correctionnelle pour celui qui est redevenu le chef de l’opposition et est notamment soupçonné d’avoir, avec son avocat, envisagé de corrompre un haut magistrat pour obtenir des informations couvertes par le secret.
“Contrairement à ce que nous pouvions légitimement espérer, la cour n’a pas fait droit à l’essentiel de nos moyens de nullité, à une seule exception”, a regretté l’avocat Me Paul-Albert Iweins, qui défend Me Herzog et s’exprimait à la sortie de la chambre de l’instruction de la cour d’appel entouré de ses confrères.
Selon une source proche du dossier, ce point est accessoire dans l’enquête.
Ce dossier a valu en juin 2014 à Nicolas Sarkozy d’être le premier ancien chef de l’Etat de l’histoire placé en garde à vue. Il est mis en examen pour “corruption active”, “trafic d’influence actif” et “recel de violation du secret professionnel” et reste donc sous la menace d’un procès en correctionnelle à la fin de l’instruction.
Il est soupçonné d’avoir, avec son avocat, tenté d’obtenir indûment auprès d’un haut magistrat de la Cour de cassation, Gilbert Azibert, des informations dans l’affaire Liliane Bettencourt. Nicolas Sarkozy avait été mis en examen dans le dossier Bettencourt avant de bénéficier d’un non-lieu.
En échange de ces renseignements souhaités, Nicolas Sarkozy aurait promis d’intervenir pour que Gilbert Azibert obtienne un poste de prestige à Monaco. Au final, l’ex-président n’a pas obtenu gain de cause, ni Gilbert Azibert le poste convoité. Mais cela ne change rien, l’intention suffisant pour engager des poursuites.
Les écoutes de conversations entre Nicolas Sarkozy et Me Thierry Herzog sont centrales dans le dossier. Ces échanges “ne suscitent pas d’interrogations quant à leur volonté et leurs attentes”, estime une source proche de l’enquête.
– “Moi, je le fais monter!” –
“Moi, je le fais monter!”, dit-il ainsi le 5 février 2014 à Me Thierry Herzog à propos de Gilbert Azibert. “Je l’aiderai”, insiste-t-il, s’exprimant depuis un portable fourni par son avocat et souscrit au nom d’emprunt de Paul Bismuth.
Le 11, dans une conversation sur leurs portables non officiels, les deux hommes conviennent de se rappeler sur la ligne officielle de Nicolas Sarkozy, qu’ils savent surveillée. L’ex-chef de l’Etat ironise sur “ces messieurs qui nous écoutent”.
Le 23, alors que l’ex-chef de l’Etat doit se rendre dans la Principauté, Me Herzog lui rappelle, si l’opportunité se présente, “de dire un mot pour Gilbert”. Nicolas Sarkozy acquiesce, dit qu’il fera “la démarche”, ce qu’il confirme deux jours plus tard. Le lendemain, il renonce subitement.
Nicolas Sarkozy y voit la démonstration qu’il n’a rien à se reprocher. Pour les enquêteurs, ce revirement peut s’expliquer par le fait que les deux hommes viennent d’apprendre que leurs téléphones non officiels sont aussi sur écoute.
Les juges disposent d’autres écoutes, comme celles de Gilbert Azibert qui se voit vertement reprocher par son épouse d’être “allé magouiller avec Sarkozy”.
Gilbert Azibert a depuis quitté la magistrature. Une conversation entre Me Herzog et le magistrat est également troublante: le premier y explique au second que “la démarche à Monaco a été faite”. “Oui, bah c’est sympa”, répond Azibert.
Me Herzog et Gilbert Azibert sont également mis en examen.
Nicolas Sarkozy, qui n’avait pas caché son énervement devant les magistrates Claire Thépaut et Patricia Simon qui l’ont mis en examen, réfute toute volonté de corrompre. Il a mis en doute leur impartialité politique.
La thèse des enquêteurs est “une insulte à (son) intelligence”, avait-il dit lors de sa garde à vue.
ladepeche.fr