Le quotidien, qui « réfute avec véhémence » ces accusations d’espionnage, s’est dit, jeudi, « profondément préoccupé pour la sécurité »
La Russie a annoncé, jeudi 30 mars, l’arrestation pour « espionnage » d’un journaliste américain du quotidien Wall Street Journal, Evan Gershkovich, un cas sans précédent dans l’histoire récente du pays dans un contexte de répression depuis l’offensive contre l’Ukraine.
Il est « soupçonné d’espionnage au profit des Etats-Unis » et de collecter des informations « sur une entreprise du complexe militaro-industriel » russe. Un crime passible de dix à vingt ans de prison, selon l’article 276 du code pénal russe.
La diplomatie russe a affirmé que le journaliste américain avait été pris « la main dans le sac ». « Ce que faisait le collaborateur de la publication américaine “Wall Street Journal” à Iekaterinbourg n’avait aucun rapport avec le journalisme », a estimé sur Telegram la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova.
Elle a ajouté que le reporter n’était « pas le premier Occidental célèbre à être pris la main dans le sac » et que d’autres avaient « utilisé le statut de “correspondant étranger” à des fins de couverture de leurs activités ».
Le Wall Street Journal, qui « réfute avec véhémence » ces accusations d’espionnage, s’est dit, jeudi dans un communiqué, « profondément préoccupé pour la sécurité » de son journaliste arrêté en Russie.
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« Nous sommes particulièrement inquiets et nous avons eu l’occasion de condamner l’attitude répressive de la Russie », que ce soit à l’égard de la presse russe ou de la presse étrangère, a déclaré Anne-Claire Legendre, porte-parole du ministère des affaires étrangères français, lors d’un point de presse.
L’ONG Reporters sans frontières a dit s’« alarm[er] » de « ce qui semble être une mesure de représailles : les journalistes ne doivent pas être pris pour cible ».
Le Kremlin a mis en garde jeudi Washington contre toute forme de représailles visant les médias russes travaillant aux Etats-Unis. « Nous espérons qu’il n’y en aura pas, et il ne doit pas y en avoir », a dit à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, interrogé sur l’éventualité que les bureaux de médias russes aux Etats-Unis soient soumis à des vérifications.
Législation réprimant l’espionnage durcie
Avant de rejoindre le quotidien américain en 2022, M. Gershkovich était un correspondant de l’Agence France-Presse (AFP) à Moscou, et avant cela, du journal en langue anglaise Moscow Times. Parfaitement russophone, le journaliste de 31 ans est d’origine russe et ses parents sont installés aux Etats-Unis.
Le centre d’analyse R.Politik relève que la Russie a récemment durci sa législation réprimant l’espionnage depuis qu’elle a envahi l’Ukraine. « Le problème est que la nouvelle législation russe (…) permet de mettre en prison pour vingt ans n’importe qui s’intéressant aux affaires militaires, à l’“opération militaire spéciale”, aux groupes militaires privés [comme Wagner], à l’état de l’armée. » Le service fédéral de sécurité russe (FSB) aurait pu prendre le journaliste « en otage » en vue d’un éventuel échange de prisonniers.
Des échanges russo-américains ont eu lieu à quelques reprises ces dernières années. Plusieurs ressortissants américains sont encore détenus en Russie, dont l’un, Paul Whelan, purge une peine de seize ans de prison pour « espionnage » dans une affaire que l’intéressé et Washington jugent montée de toutes pièces. Il a été arrêté en 2018 et des négociations sont en cours depuis plusieurs années pour le faire libérer. L’ex-militaire de 53 ans souffre, selon sa famille, de problèmes de santé dans sa prison, située dans la région russe de Mordovie.