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Dérives sexuelles, humiliations et business, la face cachée du bouddhisme

bouddhisme

Le dalaï lama est en visite en France cette semaine. Au même moment sort le livre-enquête Les dévots du bouddhisme, une plongée au coeur de la version occidentale du bouddhisme, très éloignée de celle pratiquée au Tibet.

Le dalaï lama a entamé à Paris une visite d’une semaine, sa première en France en cinq ans, au moment où paraît Les dévots du bouddhisme, un livre-enquête de Marion Dapsance. Pendant sept ans, cette anthropologue s’est plongée dans la version occidentale du bouddhisme, celle de Sogyal Rinpoché. Le quotidien de ce lama controversé est bien loin de la vision que l’on peut se faire des moines qui renoncent à toute possession matérielle et mènent une vie exemplaire. Pourtant Sogyal Rinpoché est l’un des plus célèbres à avoir exporté sa religion en Occident. Marion Dapsance décrit une “star”, un “gourou omnipotent” dont les pratiques religieuses ne correspondent pas à la doctrine tibétaine.

 

Vous avez suivi le lama Sogyal Rinpoché pour écrire votre livre. Qui est-il?

Sogyal Rinpoché est né dans les années 1950 au Tibet dans une famille d’aristocrates ruinés. Sa mère l’a envoyé en Europe pour rebâtir la fortune familiale. C’est un best-seller, publié en 1992 (Livre tibétain de la vie et de la mort), qui l’a rendu célèbre et richissime, alors même qu’il a été écrit par deux de ses disciples anglais. Cet ouvrage, essentiel pour ses adeptes, donne des notions de bouddhisme tibétain mais il mêle aussi des auteurs très différents, comme Raymond Moody, un médecin spécialiste des expériences de mort imminente, Daniel Goleman, un psychiatre américain, Montaigne ou encore William Blake.

Grâce à sa fortune, il a pu construire un réseau de “centres du dharma” en France, Rigpa. Le plus important est le centre de retraite de Lérab Ling, dans l’Hérault. Des milliers de personnes y passent chaque année et en 2008, le dalaï lama a même béni ce temple aux côtés de Carla Bruni, Alain Juppé, Rama Yade ou encore Bernard Kouchner, ce qui lui a donné du crédit.

Vous décrivez le “Lama care” que Sogyal Rinpoché organiserait. De quoi s’agit-il exactement?

Sogyal Rinpoché est l’un des plus célèbres lamas à avoir exporté sa religion en Occident en proposant une nouvelle version du bouddhisme tibétain pour les Occidentaux. Il se focalise sur ce qu’il a appelé la “folle sagesse”. Cette pratique spirituelle consiste à faire l’inverse de ce qu’on attend d’un maître bouddhisme, c’est-à-dire vivre comme une star, se faire préparer ses repas, ses vêtements, arriver en retard devant les disciples, les humilier en public, réclamer un trône pour livrer ses enseignements.

Sogyal Rinpoché se comporte comme un gourou omnipotent qui se place au centre de cet univers, et invoque le droit de mettre dans son lit des jeunes filles de la communauté. C’est ce que m’a raconté Mimi, son assistante personnelle pendant trois ans. Elle s’est faite séduire et Sogyal Rinpoché a réussi à la faire venir dans sa chambre, car c’est un honneur de servir le maître. Certaines femmes au service de Rinpoché m’ont aussi rapporté leur passage dans la chambre du lama qui retournait les peintures de divinités pour laisser apparaître des photos de nus, notamment d’Emmanuelle Béart. Et tout ça passe pour être de la “méditation en action” qui doit amener les élèves à l’éveil.

Qu’est-ce que le bouddhisme pour Occidentaux?

C’est un bouddhisme qui dit privilégier la méditation et serait une sorte de psychothérapie, de pratique tournée vers le bien-être. Il est très différent du bouddhisme enseigné en Asie qui ne consiste pas à améliorer son état ou sa dépression. Traditionnellement, les Tibétains laïcs ne font pas de méditation, ils récitent des prières, font des dons aux monastères, tentent de purifier leur karma en usant de reliques. En réalité, beaucoup d’Européens en rupture avec le christianisme se sont imaginé cette religion comme une spiritualité idéale, en prenant le christianisme comme contre-modèle: on dit refuser les êtres surnaturels, les dogmes, le clergé, les prières, mais on y adhère sans problème dès lors qu’ils se rattachent au bouddhisme. Les Asiatiques, eux, ne considèrent pas que le bouddhisme soit sans dieux, sans rituels, sans clergé, sans foi.

Vous attirez l’attention sur le fait que le bouddhisme peut devenir un business en Occident.

Oui, car pour s’engager dans le bouddhisme il faut de l’argent. Au centre de Sogyal Rinpoché les dépenses sont nombreuses: adhésion, frais de cours, frais de retraites très élevés, dons en liquide au lama, achats de livres et d’objets liturgiques, pèlerinages éventuels en Inde ou dans les régions himalayennes, parrainage d’enfants ou de moines.

Qu’en pense le dalaï lama?

Il faudrait lui poser la question. En 1994, il y a eu un procès contre Sogyal Rinpoché aux Etats-Unis mais il y a eu un accord financier à l’amiable entre lui et la victime. Deux ans plus tard s’est tenue une réunion de crise à Dharamsala, au Tibet, où des pratiquants occidentaux ont demandé une charte de bonne conduite pour éviter les malentendus et éventuellement les dérives. Le dalaï lama a refusé de signer cette charte, probablement pour ne pas ternir l’image du Tibet et de sa religion. Pourtant le bouddhisme est mal connu des Occidentaux et il serait utile d’établir des repères clairs.

Les dévots du bouddhisme (Max Milo), sortie le 15 septembre.

lexpress.fr

 

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