Le coming out d’un prêtre polonais suscite la colère du Vatican
A deux jours de l’ouverture à Rome du synode de l’Eglise catholique sur la famille, un prêtre polonais donne à la question de l’homosexualité toute sa visibilité, alors qu’elle semblait avoir tendance à passer au second plan des débats. Le père Krysztof Olaf Charamsa, 43 ans, membre de la Congrégation pour la doctrine de la foi (l’ex-Saint-Office, organisme romain chargé de veiller à la cohérence de la doctrine), a révélé être homosexuel et avoir un compagnon, samedi 3 octobre, afin que, sans « attendre encore cinquante ans », « l’Eglise ouvre les yeux face aux gays croyants et comprenne que la solution qu’elle propose, à savoir l’abstinence totale et une vie sans amour, n’est pas humaine ».
Dans des entretiens publiés par le quotidien italien Il Corriere della Sera et l’édition polonaise de Newsweek, ce collaborateur de la curie romaine mesure le risque de son coming out. « Je sais que l’Eglise me verra comme quelqu’un qui n’a pas su remplir son devoir [de chasteté], qui s’est perdu et qui plus est non pas avec une femme mais avec un homme ! », dit-il. « Je le fais pour moi, pour ma communauté, pour l’Eglise », ajoute-t-il.
Par cet acte spectaculaire, le père Charamsa veut pousser l’institution ecclésiale à changer son regard sur les homosexuels. « Réveille-toi, Eglise, lance-t-il, cesse de persécuter les innocents. Je ne veux vraiment pas détruire l’Eglise, je veux l’aider, et surtout je veux aider ceux qu’elle persécute. Mon coming out doit être un appel au synode pour que l’Eglise arrête ses actions paranoïaques à l’égard des minorités sexuelles », ajoute-t-il.
Un geste « très grave » et « irresponsable » pour le Vatican
Le Vatican n’a pas tardé à sanctionner l’homme d’Eglise, jugeant ce coming out « très grave et irresponsable » à la veille de l’ouverture du synode. « Evidemment, Mgr Charamsa ne pourra plus continuer à assurer ses fonctions précédentes auprès de la Congrégation pour la doctrine de la foi », ajoute le Vatican dans un communiqué. L’Eglise catholique précise que son statut de prêtre, qu’il pourra difficilement conserver après avoir reconnu vivre en couple avec son partenaire, sera discuté par les supérieurs hiérarchiques de son diocèse.
L’accueil des homosexuels est l’une des questions posée aux évêques catholiques réunis en Synode pendant trois semaines à Rome. La doctrine considère les actes homosexuels comme « intrinsèquement désordonnés » et prône l’abstinence aux gays. Elle refuse a fortiori le mariage entre personnes de même sexe. « Je voudrais dire au synode que l’amour homosexuel est un amour familial, qui a besoin de la famille. Chacun, et même les gays, les lesbiennes et les transsexuels, porte dans son cœur un désir d’amour et de famille », affirme le prêtre polonais. « Le clergé, ajoute M. Charamsa dans l’édition polonaise de Newsweek, est largement homosexuel et aussi, malheureusement, homophobe jusqu’à la paranoïa car paralysé par le manque d’acceptation pour sa propre orientation sexuelle. »
Alors que 360 prélats commenceront à débattre lundi des différentes questions relatives à la famille, des représentants d’organisations de catholiques homosexuels de près de quarante pays étaient réunis depuis jeudi à Rome pour s’organiser en réseau international baptisé « Global Network of Rainbow Catholics » (GNRC, réseau mondial des catholiques arc-en-ciel).
Ces derniers jours, le pape François a semblé émettre des signaux contradictoires sur la question. Lors de son voyage aux Etats-Unis, il a rencontré Kim Davis, l’égérie des opposants au mariage gay, mais aussi un ami homosexuel et son compagnon. Dans l’avion qui le ramenait du Brésil peu après son élection en 2013, François avait déclaré : « Si une personne est homosexuelle et cherche vraiment le Seigneur, qui suis-je pour la juger ? »
lemonde.fr