Elles sont nombreuses, les filles qui, pendant leur cursus scolaire, tombent enceintes. Si certaines abandonnent pour éviter les railleries de leurs camarades, d’autres, avec une dose de courage, les affrontent pour réaliser leur rêve.
C’est le cas d’Aimée, élève en classe de Terminale D, au Lycée Henri Konan Bédié de Daoukro. Au cours d’une mission dans cette localité de l’Iffou, le mercredi 20 mai 2015, elle s’est livrée à nous. Pour ne pas citer l’auteur de sa grossesse, elle a signé un accord avec celui-ci. Entretien.
Quand t’es-tu rendu compte que tu étais enceinte, et comment les choses se sont passées au niveau de ta famille ?
Je suis actuellement en Terminale D. C’est en classe de 1ère D, pendant les grandes vacances scolaires, que je me suis rendu compte que j’étais enceinte. J’étais surprise de mon état, et j’avais très peur. La première des choses qui me passait par la tête, c’était de procéder à un avortement. Je voulais coûte que coûte me débarrasser de la grossesse. Informé, mon ami voulait également que j’avorte. Parce que, selon lui, ses parents étaient très sévères. Mais la peur de trépasser en posant l’acte m’a amenée à me confier à d’autres personnes. Elles m’ont déconseillé d’avorter. Ce que j’ai fait en suivant leurs conseils. Quand je suis revenue à Daoukro, après les vacances, mon copain m’a demandé si je me suis débarrassée de la grossesse. Je lui ai fait savoir que je n’ai pas eu le courage de mettre un terme à la vie du fœtus qui grandissait en moi. Rentré dans une colère noire, il m’a interdit formellement d’en parler à ses parents, pour éviter que son cursus scolaire ne s’arrête. Je ne devais donc pas le citer si on me demandait le nom de l’auteur de ma grossesse.
Qu’as-tu fait alors ?
Je l’ai rassuré et promis qu’il ne serait pas cité. Entre-temps, mon père menaçait de renvoyer tout enfant qui lui enverrait une grossesse sans être marié ou encore sur les bancs. Vu ma situation, j’ai demandé à mon papa de m’accorder la permission de partir de la maison. Mon père s’est alors opposé. Armée de courage, je lui ai expliqué que je portais une grossesse, et que c’est fort probable que mon enfant n’aie pas de père. En lui parlant de ma situation, je couvrais mon homme tout en lui donnant la chance de passer son baccalauréat. A mon grand étonnement, mon père m’a pris dans ses bras, m’a demandé de rester et m’a déconseillé de subir un avortement. Mieux, il a promis de s’occuper de la grossesse jusqu’à la naissance de mon enfant.
Quand as-tu accouché, et l’enfant est de quel sexe ?
J’ai accouché d’un petit garçon, le 23 mars 2014. L’enfant est actuellement avec mon père dans la cour familiale. C’est lui qui s’en occupe.
Et toi ?
Moi je reprends ma classe de Terminale. C’est vrai que j’ai perdu une année, mes amis sont à l’université. Mais ce n’est pas trop grave. L’essentiel pour moi, c’est d’avoir eu le courage de reprendre la Terminale. Et je promets d’offrir le Bac à mon père, pour ses sacrifices, et de lui témoigner mon amour
Quel regard tes amis portent sur toi ?
Lorsque je suis revenue, j’ai eu un grand regret, vu que mes amis ont déjà eu leur baccalauréat, et elles sont parties du lycée. Moi, c’est maintenant que je fais la classe de Terminale avec des élèves que j’avais laissés en première. J’ai eu mal, parce que j’ai perdu une année. Un de nos enseignants, une dame, m’a alors appelée pour me donner des conseils. Elle m’a félicitée pour avoir eu le courage de reprendre le chemin de l’école, et m’a également dit de n’avoir aucun regret. Elle m’a dit que le fait d’avoir repris les cours est déjà une bonne chose. Son assistance et ses conseils m’ont motivée. Je me suis alors mise au travail. Et cela a payé. Pour le premier trimestre, j’ai obtenu 11,84 de moyenne. Mais, il faut dire que ce n’était pas facile au début. Quand j’ai repris les cours, après mon accouchement, des élèves me regardaient d’une autre manière. Je savais que des choses se disaient dans mon dos, et que des élèves me montraient du doigt. Mais j’ai affronté tout cela. Mon rêve est d’obtenir mon Bac et de figurer au nombre des étudiantes à la rentrée prochaine. Je suis convaincue que Dieu m’aidera.
Quelles sont, aujourd’hui, tes rapports avec le père de ton enfant ?
Il est là, malheureusement, il reprend sa classe de Terminale. On se voit, mais de commun accord, on a décidé de ne pas avoir de relations sexuelles pendant toute l’année scolaire, pour ne pas faire la même erreur. C’est la résolution que nous avons prise. Nous avons dit : le baccalauréat ou rien. Nous sommes tous deux au lycée Moderne HKB de Daoukro. Nous nous appelons très souvent, et c’est généralement lui que j’appelle lorsque j’ai des exercices à faire. Il me les explique, et c’est tout.
Le père connaît-il son enfant ? L’a-t-il déjà vu ?
Malheureusement, il n’a jamais vu l’enfant. Parce que lorsque j’ai décidé de garder la grossesse, il s’est désengagé et m’a demandé de tout prendre en charge. Et que c’est le jour où il sera prêt, qu’il se présentera à mes parents, comme étant le père de l’enfant. C’est cet accord que nous avons eu, depuis les premiers mois de ma grossesse.
Quels conseils peux-tu donner aux autres filles, pour qu’elles ne prennent pas de grossesse, étant élèves ?
Je conseille à mes amies de mettre l’école en première position. Moi personnellement, c’est par manque de moyens financiers que j’ai entretenu cette relation sexuelle. Mes parents avaient loué une maison pour moi. Mais comment faire face aux autres besoins ? C’est surtout ça qui m’a conduite à entretenir des relations sexuelles avec ce jeune homme qui vivait chez ses parents. Ceux-ci m’aiment beaucoup.
C’est dire que les parents du jeune homme savaient que vous étiez ensemble ?
Oui, et très souvent, eux-mêmes me faisaient apporter de la nourriture.
Mais ils ne savent pas que l’enfant que tu as mis au monde est leur petit-fils ?
Non, puisque nous avons décidé d’attendre. Mon homme et moi avons signé un accord. Et cet accord dit qu’il ne se présentera à mes parents en tant que père, que lorsqu’il sera prêt. Cela signifie clairement que ses parents ne sont pas informés que leur fils est père depuis un an. C’est un secret que nous gardons pour le moment. Le temps viendra où les deux familles sauront la vérité
Entretien réalisé par Elysée YAO
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