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Ebola :Voici pourquoi certains malades guérissent et d’autres non

homme guerrie

L’épidémie d’Ebola continue sa progression fulgurante en Afrique de l’Ouest, avec 4 024 morts et 8 376 cas selon le dernier bilan de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publiée le 10 octobre.

Dans les pays occidentaux, le patient libérien, premier cas de fièvre diagnostiqué sur le territoire américain, est mort début octobre à Dallas (Texas), de même que les deux missionnaires espagnols rapatriés du Liberia en août et septembre. Mardi, un Soudanais, employé de l’ONU contaminé au Liberia, est mort en Allemagne.

A l’inverse, l’infirmière de MSF soignée à l’hôpital Bégin (Val-de-Marne) en France a été guérie. Comment expliquer que certains malades réchappent du virus et comment ces survivants peuvent-ils aider à soigner d’autres personnes infectées ?

Pourquoi certains patients infectés guérissent tandis que d’autres non ?
Pour l’instant, les médecins n’en savent rien mais émettent des hypothèses. La première réside dans le délai de prise en charge : plus elle est rapide et plus le patient a de chances de guérir.

« Les patients atteints d’Ebola meurent surtout de déshydratation en raison des diarhées et des vomissements très importants, explique Yazdan Yazdanpanah, chef du service des maladies infectieuses à l’hôpital Bichat-Claude-Bernard (Paris), l’un des trois établissements de référence Ebola pour l’Ile-de-France. Si on leur administre rapidement des traitements symptomatiques, à savoir les réhydrater, leur apporter des sels minéraux et leur fournir des antibiotiques contre les infections, on réduit grandement leur probabilité de décès. »

De manière générale, le taux de mortalité est ainsi plus faible dans les pays avec des structures de soin modernes et nombreuses. « En France, les mêmes cas d’Ebola, bénéficiant de mesures de réanimation standard, enregistreraient une mortalité très réduite : elle serait de l’ordre de 15 % au lieu de près de 50 % dans les pays africains », assure Jean-François Delfraissy, directeur de l’Institut microbiologie et maladies infectieuses de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

A l’inverse, au Liberia, en Guinée ou en Sierra Leone, les malades arrivent souvent trop tard à l’hôpital et les établissements sanitaires n’ont pas assez de places pour tous les traiter.

Reste que la prise en charge rapide peut aussi échouer dans les pays développés. Le patient libérien arrivé au Texas le 20 septembre, Thomas Eric Duncan, n’a ainsi été placé à l’isolement et traité que quatre jours après l’apparition des symptômes, ayant été dans un premier temps renvoyé chez lui avec des antibiotiques. De même, l’aide-soignante espagnole Teresa Romero, actuellement dans un état « stable » mais encore « très grave », n’a pas immédiatement bénéficié de soins dans l’hôpital chargé de gérer les cas d’Ebola.

Le deuxième facteur qui intervient dans les chances de guérison est l’état de santé préalable des patients. Les patients plus âgés, fragiles ou malades, dont le système immunitaire est déjà en train de combattre d’autres infections, ont davantage de risques de mourir d’Ebola. Les deux missionnaires espagnols rapatriés du Liberia en août et septembre, et morts depuis, étaient par exemple respectivement âgés de 75 ans et 69 ans et avaient d’autres problèmes de santé.

Enfin, les traitements expérimentaux administrés à certains patients ont pu jouer dans leur guérison. Quatre médicaments ont été testés sur des malades aux Etats-Unis, en Espagne, en Norvège ou sur l’infirmière de MSF en France.

Il s’agit du ZMapp, un cocktail de trois anticorps monoclonaux, développé par l’Américain Mapp Biopharmaceutical, et de trois antiviraux : l’Avigan (le favipiravir ou « T-705 »), du groupe japonais Toyama Chemical (filiale de FujiFilm), le TKM-Ebola, de la société canadienne Tekmira, et une nouvelle molécule, le brincidofovir, développé par la firme américaine Chimerix. Ces traitements doivent faire l’objet de davantage d’essais cliniques pour évaluer leur efficacité, avant de pouvoir être produits en grande quantité début 2015.

Un patient guéri est-il immunisé ?
Jusqu’à preuve du contraire, les patients guéris de la fièvre hémorragique sont durablement immunisés contre le virus Ebola-Zaïre, la souche qui sévit actuellement en Afrique de l’Ouest. Mais il existe quatre autres espèces de virus Ebola : Soudan, Bundibugyo, Reston, forêt de Taï.

Quatre d’entre elles peuvent causer la maladie chez l’humain, tandis que la cinquième, le virus Reston, ne semble provoquer, pour l’instant, des symptômes que chez les primates. « Etant donné qu’on n’a pas observé de cas de réinfection, il semble que les patients guéris bénéficient d’une immunité de longue durée contre Ebola-Zaïre, assure Bernadette Murgue, directrice adjointe de de l’Institut de microbiologie et des maladies infectieuses de l’Inserm. A moins qu’un nouveau virus touche les hommes. »

Une mutation du virus Ebola-Zaïre semble par contre peu probable. Ce virus mute beaucoup, mais ces mutants sont défectifs et ne se multiplient pas ni ne s’expriment. Le virus actuel est alors resté homologue, dans son mode de transmission et son taux de mortalité, à celui identifié en 1976 en République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre).

Dans quelle mesure les patients guéris peuvent-ils aider à soigner des malades ?
L’utilisation de sang de patients guéris, dont le système immunitaire a produit des anticorps, est l’une des options avancées par l’OMS pour soigner les malades d’Ebola, en plus des traitements expérimentaux. « La transfusion de sang a démarré, à petite échelle », a récemment indiqué Marie-Paule Kieny, sous-directrice générale de l’OMS, précisant que le nombre de transfusions pratiquées sur des malades d’Ebola devrait augmenter « au début de l’année prochaine ».

Le 8 octobre, le Dr Kent Brantly, le premier médecin américain guéri d’Ebola, a donné son sang au cameraman de NBC infecté au Liberia. Il avait déjà donné son plasma à un autre médecin américain, Rick Sacra, lui aussi contaminé au Liberia, qui avait survécu après avoir été rapatrié aux Etats-Unis. Ce procédé avait également été appliqué au Zaïre en 1995, lors d’une précédente épidémie du virus Ebola, au cours de laquelle « des patients avaient reçu des sérums de convalescents avec, semble-t-il, des résultats intéressants », rappelle Bernadette Murgue.

Cette technique nécessite toutefois de plus amples recherches et de prendre des précautions, prévient Bernadette Murgue. Il s’agit tout d’abord de mettre en place des contrôles de la qualité du sang des donneurs, pour empêcher la transmission d’autres virus, comme le VIH. Mais comment sélectionner les convalescents ayant un taux d’anticorps suffisant ?

A quel moment récupérer les anticorps qu’ils ont développés ? Est-ce applicable à grande échelle d’un point de vue pratique ? « L’apparition des anticorps neutralisants, qui signent la protection vis-à-vis de la maladie, n’est pas immédiate. Mais on ne sait pas encore exactement à quel moment les patients les développent », indique Bernadette Murgue.

« Les patients guéris peuvent également aider à faire de la prévention contre la maladie dans les pays les plus touchés, ajoute Yazdan Yazdanpanah. Ils peuvent devenir des médiateurs, pour augmenter l’adhésion de la population aux mesures de protection contre le virus. »

Audrey Garric
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