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JO de Tokyo : Simone Biles, la plus grande gymnaste de tous les temps a craqué

L’Américaine Simone Biles, a craqué mardi, en plein concours général de gymnastique par équipes des Jeux olympiques de Tokyo. Elle a également déclaré forfait pour ce jeudi. “Après une évaluation médicale, Simone Biles s’est retirée de la finale du concours général (jeudi, ndlr) afin de se concentrer sur sa santé mentale”, a fait savoir la fédération.
Mercredi, elle avait expliqué elle-même son retrait par “des démons dans sa tête”. “Dès que je monte sur le tapis, c’est juste moi et ma tête. Traiter avec des démons dans ma tête. Je veux me concentrer sur mon bien-être, il y a plus dans la vie que la gym, c’est vraiment dommage que cela se produise ici, pendant les Jeux, j’aurais préféré que les Jeux se déroulent mieux pour moi “.

Ce “craquage” a été largement commenté, notamment sur les réseaux sociaux. Simone Biles, instable, pas assez forte mentalement ? Quels sont les “démons” qu’elle évoque ?

Cette fille a vécu plus de traumatismes en 24 ans de vie que la majorité des gens n’en auront vécus en 60

Critiquée pour son “abandon”, Simone Biles a aussi reçu de nombreux soutiens. Dont ce commentaire posté sur Twitter, partagé par elle-même :

“Cela me met vraiment en colère de voir des commentaires affirmant que Simone n’est pas assez forte mentalement ou sur le fait qu’elle laisse tomber son équipe. On parle bien de la fille qui a été maltraitée par le médecin de son équipe pendant toute son enfance et adolescence. Qui a été championne du monde avec une pierre au rein. Et tout cela en assumant ses contrats, ses responsabilités envers les médias. Et certaines personnes arrivent encore à dire que ‘Simone Biles est faible’. Cette fille a vécu plus de traumatismes en 24 ans de vie que la majorité des gens n’en auront vécus en 60. Le fait qu’elle a décidé elle-même de se retirer de la compétition montre que peu importe ce qu’elle est en train de vivre, c’est insurmontable et cela doit être pris au sérieux !”
Sept fois championne nationale de gymnastique, multimédaillées d’or aux Jeux olympiques de Rio en 2016, semblant défier les lois de la physique dans ses figures, “The GOAT” (acronyme pour “Greatest of all time”, “La meilleure de tous les temps” mais signifiant aussi “chèvre”, en anglais), est une icône aux Etats-Unis, pour ses performances sportives, mais également pour son parcours, digne du “rêve américain”.

Père absent, mère dépendante à l’alcool et à la drogue, Simone est placée avec ses frères et sa sœur. Trimballée de famille en famille, elle atterrit finalement chez ses grands-parents, qui l’adoptent. Elle découvre la gymnastique lors d’un voyage scolaire à l’âge de six ans. Et révolutionne ce sport, plutôt l’apanage de jeunes filles blanches jusqu’alors outre-Atlantique.
Je dois faire un peu attention à ce que je dis

Devenue célèbre, elle s’engage dans beaucoup de combats : elle pousse les Américains à se rendre aux urnes, dénonce la violence contre les Américains d’origine asiatique, soutient le combat “Black Lives Matter”… Mais ces engagements sont aussi un poids, pour elle, comme le note le New York Times : “Wow, ma présence est très importante en gymnastique mais aussi en ligne, même dans le monde en général. Je dois donc faire un peu attention à ce que je dis”, s’inquiète-t-elle.

En 2018, sa parole prendra une importance toute particulière, alors qu’elle-même est touchée par une affaire au retentissement mondial : le scandale d’abus sexuels sur de (très) jeunes gymnastes par l’ancien médecin de l’équipe américaine, Larry Nassar.

L’affaire éclate en 2016 : l’IndyStar révèle que des cadres de la Fédération nationale de gymnastique aux Etats-Unis n’ont pas alerté les autorités alors qu’ils avaient connaissance de plusieurs accusations d’abus sexuels par des coachs sur leurs (très jeunes) gymnastes. Un mois après, le même journal affirme que deux femmes accusent l’ancien médecin de l’équipe nationale, Larry Nassar. Au fil des mois, les témoignages affluent. L’affaire sera traînée en Justice. Au final, ce sont des centaines de jeunes femmes qui ont été abusées par l’homme, dont Simone Biles.

Tardivement, en 2018, alors que l’affaire est au tribunal et hautement médiatisée, elle révèle, elle aussi, avoir été agressée par l’ancien médecin. “La plupart d’entre vous me voient comme une fille heureuse, souriante, pleine d’énergie… Mais ces derniers temps, je me sens brisée. Et plus j’essaie d’arrêter la petite voix dans ma tête, plus elle hurle”, tweete-t-elle.

Elle tombe ensuite dans une profonde dépression. Et se rend compte que sa voix compte. Une grande responsabilité de nouveau. Trois jours après qu’elle ait tweeté que les gymnastes ne devraient plus avoir à retourner au centre d’entraînement où les abus ont eu lieu, la Fédération nationale de gymnastique a rompu les liens avec celui-ci.

Simone Biles poursuit la fédération américaine en Justice pour ne pas l’avoir protégée des abus et demande une enquête indépendante.

En 2020, la Fédération américaine propose un système de dédommagements des victimes de Larry Nassar, basé sur des critères comme la fréquence et le contexte des abus sexuels. Les sommes seraient donc plus ou moins élevées selon les victimes. Et les responsables fédéraux, soupçonnés d’avoir fermé les yeux sur les abus, ne seraient plus poursuivis. Encore un choc pour Simone Biles. “J’aimerais pouvoir dire ce que je pense… Mais je vais commencer par le fait que je ne peux pas y croire”, dit-elle dans un tweet.

Elle, qui a sacrifié sa vie pour la gymnastique, se sent encore une fois trahie par sa Fédération. Au point de pleurer en 2020, en apprenant que les JO étaient reportés à cause de la pandémie, note le New York Times. Pas de déception, mais de désarroi de devoir être associée à la Fédération encore une année de plus.

Et pourtant elle y est allée. Attendue par ses fans, par son pays et par les sponsors et autres médias qui retransmettent l’événement. Beaucoup de pression. Trop sans doute.

“J’ai l’impression que je ne prends plus autant de plaisir qu’avant. Je sais que ce sont les Jeux, je voulais les faire pour moi seule mais j’y participe en fait pour d’autres que moi”, a-t-elle lancé mardi.

Beaucoup de déceptions aussi.

rtbf.be

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