04202024Headline:

Crise au Gabon /Affaire Mamadi Diané l’ex conseiller du president ivoirien: les dessous d’une panique d’Etat qui a mal tourné …

Mamadou diané

Que faisaient deux équipes d’informaticiens dans les deux camps? Les autorités gabonaises ont-elles induit Ouattara en erreur?

Le ministre gabonais de l’Intérieur, de la Décentralisation et de la Sécurité, Pacôme Moubelet Boubeya, a effectué une visite à Abidjan, le mercredi 14 septembre. Visite au cours de laquelle il a été reçu par le président Alassane Ouattara pour qui, paraît-il, il était porteur d’un message de l’encore président gabonais, Ali Bongo. Chacun avait deviné que cette visite ne pouvait être liée qu’aux accusations d’immixtion de la Côte d’Ivoire dans le processus électoral au Gabon, après que l’un des ex-conseillers du président Ouattara ait été accusé d’avoir incité le candidat Jean Ping à déstabiliser la Commission électorale.

L’affaire, on le sait, a fait et continue de faire grand bruit. Les autorités ivoiriennes, avec le chef de l’Etat en tête, ont levé les mains au ciel et ont crié leur innocence en la matérialisant par un violent limogeage de Mamadi Diané, l’un des conseillers spéciaux du président Ouattara, accusé de tous les péchés du « Haut Ogooué» où Ali Bongo a réalisé un score et un taux de participation qui ont rendu fous de jalousie, tous les dictateurs morts ou vivants de la Corée du Nord.

Le ministre gabonais de l’Intérieur s’est d’ailleurs, après sa rencontre avec le chef de l’Etat ivoirien, félicité de la décision de ce dernier qui s’est séparé de ce conseiller qui a agit, en même temps que d’autres Ivoiriens, selon lui, pour « leurs propres comptes.Le président de la Côte d’Ivoire a pris des décisions qui s’imposaient . Il ne peut avoir aucun flou dans les rapports entre le Gabon et la Côte d’Ivoire. Il serait difficile pour qui que soit d’abimer les rapports entre le Gabon et la Côte d’Ivoire. Les relations entre la Côte d’Ivoire et le Gabon ne sauraient être entamées par qui ni par quoi que ce soit »  A déclaré l’envoyé d’Ali Bongo.

Sauf que la venue du ministre de l’Intérieur gabonais à Abidjan, en lieu et place de celui des affaires étrangères dans une affaire qui concerne les relations diplomatiques entre deux pays, a amené « L’Eléphant » à se poser des questions au point de s’intéresser de près à cette affaire de piratage informatique qui a conduit à l’arrestation de certains jeunes ivoiriens présentés comme « pirates informatiques », au Gabon. Et, « L’Eléphant » a découvert que la vérité dans cette affaire est loin d’être ce que le régime gabonais aux abois, a tenté de faire croire au monde entier.

Petite incursion dans une affaire qui fait l’objet d’une enquête officielle en Côte d’Ivoire mais que personne ne semble disposé à voir les enquêteurs la mener jusqu’au bout.

 

Deux équipes d’informaticiens ivoiriens au service des deux candidats au Gabon

 

Les autorités gabonaises ont monté l’affaire de telle sorte que chacun a pensé que le Gabon avait fait l’objet d’une invasion de cybercriminels ivoiriens recrutés par le candidat Jean Ping aux fins de pirater le système informatique de la commission électorale nationale permanente (Cenap). Une Commission qui n’a pas de site internet et qui exécute toutes ses tâches de façon manuelle. Pour pirater des documents rédigés à la main, il faut vraiment venir du Gabon.

Dans les faits, deux équipes d’informaticiens se sont retrouvés sur le sol gabonais à la faveur de cette élection présidentielle. Une, invitée par le camp Ping et l’autre par le régime d’Ali Bongo. Ayant été informé de ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire en 2010 dans la remontée des résultats de l’élection présidentielle vers le « QG » du camp Ouattara et du RHDP dès la fermeture des bureaux de vote et la fin des dépouillement , Jean Ping a voulu solliciter les services de ces jeunes ivoiriens qui, à partir d’une application, avaient fait ce travail pour le Rhdp. Un certain Jean Marc Zoé, un peu savant dans les choses informatiques, avait, à l’époque, avec des jeunes ivoiriens, fait un remarquable travail dans la remontée des résultats des bureaux de vote. Parmi ces jeunes, un certain Yéo Sihifowa, ingénieur en base de données. Selon les sources de « L’Eléphant », il n’a aucune compétence dans le domaine de la sécurité informatique et donc n’est à priori pas capable de pirater un système informatique comme l’ont prétendu les autorités gabonaises.

Comment ce dernier s’est il retrouvé au Gabon? C’est que, connaissant le régime Bongo dans lequel il a prospéré durant des années, Jean Ping était bien au fait de ses compétences en matière d’ajustement électoral de dernière minute. Ne voulant pas être victime de ce système mis en place depuis près d’un demi siècle par le clan Bongo, il s’est entouré de jeunes informaticiens gabonais dont l’un avait créé une application appelée « REGAB », permettant de faire remonter les résultats dans chaque bureau de vote dès la signature par les représentants des candidats du procès verbal et avant toute manipulation postérieure. Mais cette application n’était pas encore au point. Il lui fallait une interface pour quelle puisse remonter des résultats crédibles que le camp de Jean Ping pouvait suivre en tant réel à partir de son « QG ».

Pour se faire, Jean Ping s’adresse à Mamdi Diané, Conseiller spécial du chef de l’Etat de Côte d’Ivoire. Les deux hommes, selon les sources de « L’Eléphant », se connaissent depuis au moins 50 années. Leur première rencontre ayant eu lieu dans les années 1967 à Londres en Angleterre, du temps où ils étaient des étudiants. A Mamadi Diané à qui il s’adresse en tant que frère vu que c’est ainsi que les deux hommes s’appellent (la femme de Jean Ping considère Mamadi Diané comme le petit frère de son époux), Jean Ping demande de lui trouver un informaticien qui pourrait lui conseiller des spécialistes  en matière de surveillance électronique des dépouillements et de remontage des résultats de vote. Avant Ping, un certain Karl, un industriel dans le domaine du pétrole proche de Ping, avait fait la même démarche auprès d’un certain Jean Marc Zoé, assistant d’un autre conseiller du chef de l’Etat ivoirien, l’ancien ministre Albert Flindé, appartenant à l’écurie de de l’UDPCI, le parti créé par feu le général Guéi et aujourd’hui dirigé d’une main de fer par Albert Mabri Touakeusse, actuel ministre des affaires étrangères de Côte d’Ivoire.

Accédant à la requête de son « frère » Jean Ping, Mamadi Diané qui sait le rôle important joué par Jean Marc Zoé en 2010, confie à ce dernier la mission d’apporter son expertise à Jean Ping afin que ce dernier puisse s’assurer que les résultats qui vont être proclamés sont ceux qui sont sortis des urnes . Impliqué auprès d’un conseiller de Ouattara, Jean Marc Zoé ne se met pas en avant dans cette mission, histoire de ne pas créer de confusion avec la présidence de la République en cas de problème.

Il s’adresse alors à un  certain Yéo Sihifowa qu’il connait bien et avec qui il a mené des missions similaires avec succès . A ce dernier à qui il trouve un visa « touristique », il confie la mission d’aller assister le jeune gabonais ayant créé l’application qui ne fonctionne pas correctement en mettant sur pied une interface à la portée strictement limitée à l’équipe de Jean Ping afin que celle-ci puisse suivre en tant réel la proclamation des résultats dans chaque bureau de vote et la remontée des résultats desdits bureaux de vote dès leur signature. Yéo Sihifowa devrait revenir sur la Côte d’Ivoire dès le 28 août.

Du côté d’Ali Bongo, même si certains faucons autour de lui comptaient sur l’efficacité de la bonne vieille pratique de l’ajustement électoral qui avait fait ses preuves de père en fils, on croyait que les nouvelles technologies de l’information ne viennent gripper une machine qui ne demandait qu’à être de nouveau sollicitée, surtout dans la région du Haut-Ogooué, zone de tous les miracles électoraux de génération en génération.

Aussi, le camp Bongo se tourne vers Abidjan où il dispose de solides amitiés dans la hiérarchie étatique jusqu’au plus haut sommet. La Côte d’Ivoire regorgeant de bons informaticiens dont beaucoup prospèrent aujourd’hui dans des unités spéciales de la police nationale qui luttent contre la cybercriminalité, le candidat Bongo trouve rapidement un expert à qui il confit une belle mission. Selon des sources proches du parquet d’Abidjan qui a ouvert une information judiciaire et selon des proches de Jean Marc Zoé interrogés par « L’Eléphant », l’expert qui se serait mis au service du régime Bongo dans le cadre de cette élection n’est autre qu’un certain Stéphane Konan, ancien directeur général de la Direction de l’Informatique et des Traces Technologiques (DITT), une unité spéciale de la police ivoirienne qu’il ne dirige plus depuis des années. Stéphane Konan travaille-t-il pour son propre compte ou pour une autorité ivoirienne? C’est la question que se posent des source proche de la Brigade de recherche de la gendarmerie en charge de l’enquête et dont on dit que le sérieux dans ce genre d’enquête n’est plus à démontrer et qui, de source proche du parquet d’Abidjan, aurait déjà entendu Mamadi Diané et Jean Marc Zoé. Le second cité aurait abondamment cité Stéphane Konan qu’il soupçonnerait d’avoir joué un rôle « trouble » dans cette affaire. A quelles fins?

 

A chacun son informaticien et hop! Le scandale, le 28 août!

Selon les sources de « L’Eléphant », Stéphane Konan, Jean Mar Zoé et Yéo Sihifowa se connaissent parfaitement. Les trois hommes auraient collaboré dans plusieurs missions similaires dans de nombreux pays africains pendant les élections, tels que le Mali, la Guinée Conakry, etc. Pour la mission au Gabon, leurs chemins se seraient séparés en raison des enjeux en question. On parle de plusieurs milliards de Fcfa à glaner soit directement soit indirectement à travers des promesses de contrat d’exclusivité tant au Gabon qu’en Angola et dans d’autres pays africains. Des promesses faites à chaque équipe par le camp qui aurait remporté l’élection.

 

Avant de se rendre au Gabon, Yéo Sihifowa a contacté d’autres jeunes ivoiriens un peu savants dans les choses informatiques. Il s’agit de Paul Marie Adjitin, Ange Bertin Bagui Ange, Womedo Ghislain Gao et Affoue Anick Konan. Tout ce beau monde se serait mis au travail avec une telle ardeur que dès le dimanche 28 août, le camp Ping avait, entre ses mains et cela en tant réel, la quasi-totalité des résultats de l’ensemble des bureaux de vote dans huit provinces, sauf celle du Haut Ogooué, la région d’Ali Bongo. Résultat des courses, dans l’euphorie, des proches de Bongo déclarent que leur champion est élu et qu’il est impossible qu’Ali Bongo rattrape son retard.

Au « QG » d’Ali Bongo où la remontée des résultats n’a pas été aussi rapide que le clan l’aurait souhaité, on se demande par quel mécanisme le camp Ping a pu avoir les résultats de façon aussi rapide. A cet instant, de sources proches de l’enquête, tout le monde dans le camp Bongo ignorait la présence sur le sol gabonais de Yéo Sihifowa. Pris de court par la déclaration du camp ping, le camp Bongo cherche la solution pour contrebalancer les choses et faire diversion. Quelques heures plus tard, un communiqué des autorités gabonaises annonce la présence sur le sol gabonais de pirates informatiques ivoiriens recrutés par le camp Ping pour manipuler les données de la Commission électorale nationale permanente et que ces personnes sont activement recherchées. Pour parachever l’oeuvre, un bout d’une conversation entre deux individus présentés comme Jean Ping et le conseiller du président Ouattara, Mamadi Diané, est diffusé sur des sites internet. Dans la foulée, un communiqué est publié accusant, en des mots à peine voilés, les autorités ivoiriennes d’ingérence dans les élections du Gabon. La bonne affaire.

A Abidjan, les réseaux sociaux s’emballent et Ouattara sort son épée.

D’une position où ils ne savaient pas comment donner de la voix pour contrebalancer la déclaration du camp Ping sur les résultats déjà collectés, le camp Bongo fait de l’affaire de piratage informatique, une affaire d’Etat et, de peu, l’on manque de frôler l’incident diplomatique entre le Gabon et la Côte d’Ivoire. Avec une habile communication, Ali Bongo et son camp arrivent à créer la diversion.  L’élection au Gabon se déporte en Côte d’Ivoire où de violents débats entre pro Ouattara et pro Gbagbo s’organisent sur les réseaux sociaux. Sur des chaînes de télévision camerounaises dont chacun sait qu’elles ne brillent pas par leur amour pour le régime d’Abidjan, tous les maux sont employés. Au palais d’Abidjan, le président Ouattara qui rentre de voyage découvre l’affaire. Tout de suite, sur la base de rapports qui lui sont faits et appuyés par l’enregistrement téléphonique dans lequel on entend un homme dire à un autre de provoquer la démission de quelques membres de la Commission électorale au Gabon afin de créer le blocage, le président ivoirien sort son « épée » et après audition, coupe sèchement la tête de son conseiller spécial Mamadi Diané. Dans la foulée, la « tête » de ce dernier sert de cachet sur un communiqué dans lequel la présidence de la République ivoirienne montre patte blanche et dénonce l’acte isolé d’un seul homme qui ne saurait engager ni la responsabilité du président de la république, ni celle du Gouvernement ivoirien. Que cet homme fut le Conseiller spécial du chef de l’Etat. Quelques heures plus tard, le ministre Albert Flindé, Conseiller du chef de l’Etat, de son côté, coupe la « tête » de son assistant, Jean Marc Zoé. Mais cela ne fait pas l’objet d’un communiqué.

Vite, une enquête sur Yéo Sihifowa

Dans leurs accusations contre le camp Ping et les autorités ivoiriennes sans les nommer, le régime d’Ali Bongo a qualifié Yéo Sihifowa de cybercriminel et de pirate informatique ayant  manipulé les données de leur commission électorale pour faire croire au camp Ping qu’il était en avance sur le camp Bongo.

L’affaire apparaissait si sérieuse que le procureur de la République de Côte d’Ivoire, Adou Richard Christophe, a instruit les services de police et de gendarmerie, d’effectuer toutes recherches utiles auprès des unités spéciales de lutte contre la cybercriminalité, d’Interpol, histoire de vérifier si Yéo Sihifowa est fiché en cette qualité. Mais toutes les enquêtes effectuées ne donnent aucun résultat attestant que Yéo Sihifowa est pirate informatique. Bien au contraire et selon les sources de « L’Eléphant », il serait plutôt doué en informatique et vendrait ses connaissances en toute légalité à de nombreuses structures privées et autorités étatiques qui le sollicitent. On découvre même qu’il a beaucoup travaillé sur des dossiers avec Stéphane Konan de façon totalement légale et en Côte d’Ivoire, et hors de la Côte d’Ivoire.

A-t-il manipulé les données de la CENAP ou piraté le système de cette structure pour le compte de Jean Ping. Selon des sources proches de l’enquête et selon ce qui ressortirait des auditions de Jean Marc Zoé et de Mamadi Diané, « il est impossible de commettre un meurtre sur un homme déjà décédé ». Traduction: la Commission électorale du Gagbon ne possède mène pas de site internet et travaille sur des documents physiques impossibles à manipuler electroniquement. Alors de quel piratage parlent les autorités gabonaises? « C’était juste de la Communication pour brouiller les pistes », répond-on à « L’Eléphant ».

Aujourd’hui, les spécialistes en charge de l’enquête se posent plusieurs questions: Qui a fait croire aux autorités gabonaises que Yéo Sihifowa est un cybercriminel engagé par Jean Ping pour saboter le travail « insabotable » de la Cenap? Qui a placé le téléphone de Mamadi Diané ou Jean Ping sur écoute? Entre Jean Ping et Mamadi Diané, qui a passé le coup de fil intercepté?

De sources proches de l’enquête, l’on pense que les réponses à ces questions permettront de savoir si toute cette affaire, comme ça en a l’air n’est pas une grosse manipulation qui a mal tourné et qui va briser des carrières de personnes qui n’auraient commis aucun acte répréhensible au regard de la loi.

Comme le dit un proche de Mamadi Diané, « en voulant faire du mal au conseiller du président, c’est toute l’image de la Côte d’Ivoire que l’on a a ainsi entamée ».

Les enquêtes se poursuivent avec les auditions tant en Côte d’Ivoire qu’au Gabon. « L’Eléphant » aussi est depuis quelques jours sur le sol gabonais, sans arsenal de piratage informatique.

Source : l’éléphant déchaîné N°481

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