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RDC: Le M23 sommé de quitter Goma Le double jeu de pyromane et de pompier du Rwanda et l’Ouganda

Des habitants de Goma protestent contre l’indifférence de la Monusco en exhibant la photo d’une femme enceinte massacrée par les rebelles du M23.

 

48 heures après le sommet régional du 24 novembre à Kampala sur la crise du Nord-Kivu, les rebelles du M23, sous la pression de leurs parrains rwandais et ougandais, ont annoncé pour vendredi prochain leur retrait de Goma qu’ils occupent depuis le 20 novembre dernier. Mais pour combien de temps?

Le 20 novembre dernier, les rebelles du M23 ont assiégé Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu après une guerre- éclair avec les forces régulières congolaises. Ces dernières ont dû fuir avec armes et bagages la ville, tant les moyens déployés par l’ennemi étaient sans commune mesure avec les leurs. Kinshasa avait en effet affirmé avec force détails que Kigali avait épaulé les rebelles du M23 avec «trois bataillons des forces armées rwandaises commandés par un officier, le Général de brigade Ruvusha et deux unités spéciales des forces rwandaises dont une unité d’artillerie lourde commandée par le Général Gatama Kashumba ». Bien avant cette attaque, les rapports d’enquête onusiens avaient indexé le Rwanda et l’Ouganda comme les soutiens extérieurs de la rébellion. Les dénégations des dirigeants de ces deux pays, le rwandais Paul Kagamé et l’ougandais Yoweri Museveni n’ont convaincu personne. La stratégie des deux chefs d’Etat était d’obliger le président Joseph Kabila à négocier avec le M23. Trois ans après leur intégration dans l’armée régulière congolaise à l’issue des pourparlers de 2009, ces insurgés se sont à nouveau soulevés.

Entre autres raisons, la conservation des grades acquis dans le maquis et surtout le refus d’être déployés en dehors de leur fief du Nord- Kivu. La région en effet est un véritable eldorado pour les trafiquants de tout acabit. Lors du mini sommet des dirigeants des pays des Grands Lacs le samedi  24 novembre, l’Ouganda et le Rwanda ont âprement marchandé le retrait du M23 de Goma. Selon l’accord obtenu, les rebelles doivent se retirer à une vingtaine de kilomètres au nord de Goma. En échange, Kinshasa s’est engagé « à prendre en compte les revendications légitimes » des rebelles. Quelles sont ces revendications que le sommet de Kampala  ne s’est pas gêné de qualifier de légitimes? C’est ici qu’apparaît la duplicité dans le jeu des deux parrains du M23.

Pendant que le communiqué proclamait d’une part «le retrait total et sans condition dans un délai de 48h», d’autre part, il en fixait paradoxalement les conditions. Au sortir de cette rencontre, le chef d’état-major de l’armée ougandaise Aronda Nyakairima a même laissé entendre que selon l’accord, le M23 conserverait 100 hommes à l’aéroport de Goma. Suprême humiliation pour Joseph Kabila qui refusait pourtant obstinément de transiger avec la rébellion. Le président congolais s’est vu contraint de rencontrer le chef politique du M23 Jean-Marie Runiga à Kampala. Le mini-sommet des Grands Lacs au cours duquel Kabila ne pouvait que  faire profil bas, était pour lui un vrai voyage à Canossa. Mais qu’est- ce qui pouvait justifier cette ingérence flagrante et outrageante des deux puissants voisins de la RDC ?

 

 Des raisons stratégiques et économiques

 

Des rebelles hutus Rwandais dont les mains sont encore gantées du sang des tutsi, se sont réfugiés après le génocide dans le nord- Kivu. Leur présence dans la zone ne semble pas gêner, loin s’en faut, Joseph Kabila qui les utilise au besoin comme moyen de pression sur Kagamé. Kigali a donc fermé les yeux sur une incursion de rebelles hutus rwandais appartenant aux Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) menée tôt hier mardi 27 novembre en territoire rwandais. Le signal que Kinshasa a voulu envoyer à Kigali est assez clair: «si le M23 ne quitte pas effectivement Goma dans les 48 heures prévues, je ne ferai rien pour retenir vos ennemis qui sont chez moi.» Le chantage a dû payer, car par un curieux hasard, les éléments du M23 ont aussitôt annoncé  leur retrait de Goma.

L’autre raison de cette immixtion est d’ordre économique. Les immenses richesses du Kivu attirent la convoitise des voisins de la RDC. Le soutien du Rwanda et de l’Ouganda à la rébellion enkystée dans cette province, n’est pas gratuit. Le M23 qui refuse de quitter son fief, raison d’ailleurs de la rupture de l’accord de 2009 et de la reprise de la guerre, veut mettre en coupe réglée cette riche zone dont il organise le pillage systématique des richesses. C’est donc au gré de leurs intérêts, que ces deux voisins de la RDC jouent tantôt les pyromanes, tantôt les pompiers au Congo dans l’indifférence suspecte des grandes puissances occidentales et de l’ONU. L’organisation mondiale dispose dans la région de l’un de ses plus gros contingents à travers le monde, 17.000 hommes. Pourtant c’est au nez et à la barbe des soldats de la Monusco, (la Mission de l’Onu pour la stabilisation du Congo), que les rebelles du Mouvement du 23 mars ont pénétré dans Goma.

 

Charles d’Almeida

 

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