La Côte d’Ivoire a-t-elle décidé de renforcer sa présence militaire dans le Sud et le Sud-Ouest du pays ? En tout cas, tout porte le croire. Un peloton d’une dizaine de chars escorté de pick-up a quitté Abidjan, le mardi 27 avril 2021, au petit matin, en direction de Grand-Lahou.
Ces chars, de type Véhicule avant-blindé (Vab) à roues, sont issus du Groupe d’escadron blindé (Geb), une unité d’intervention de la Gendarmerie nationale. La colonne de ces « bœufs » (comme on les appelle dans le jargon de la gendarmerie nationale), a traversé la commune de Yopougon, passant par la Gesco avant de s’ébranler vers la Cité Verte, traversant le marché dit «Djédjé Bagnon » pour foncer vers Pk 17 en direction de Dabou.
Des sources militaires interrogées, affirment qu’un déploiement de chars et d’hommes vers le Sud-Ouest a été effectué. Le passage de ces véhicules de gros gabarit n’a laissé personne indifférent. La région de San-Pedro vers où ces chars font mouvement, couvre Tabou et Grand-Bereby. Cette zone frontalière est un point de passage et d’infiltration des mercenaires libériens en Côte d’Ivoire.
Après l’attaque du 2e Bataillon projetable de N’Dotré, dans la nuit du mardi 20 au mercredi 21 avril 2021 qui a fait, selon l’État-major des Forces armées de Côte d’Ivoire (Faci), quatre morts, avec à la clé l’arrestation de plusieurs présumés assaillants, les autorités militaires ont décidé de serrer la vis sécuritaire. Déployer des chars en direction de la ligne frontalière Sud-Ouest répond certainement à un souci de prévenir de nouvelles attaques des positions des Faci.
Il faut dire que le péril est toujours présent en Côte d’Ivoire. Les djihadistes et les mercenaires qui ont endeuillé le pays, ces derniers mois, seraient sur le point de frapper à nouveau, avons-nous appris de sources militaires.
L’attaque de la base militaire de N’Dotré, perpétré par des mercenaires qui ont une « base arrière au Liberia », selon le procureur militaire, le général Ange Kessi Kouamé, semble s’inscrire dans une dynamique de déstabilisation du pays. D’autres menaces d’attaques ont été relevées par les « grandes oreilles ».
Les villes de Tabou, Grabo dans le Sud-Ouest, mais aussi Abidjan, la capitale présidentielle et Bouaké, la capitale du Centre, seraient, selon nos sources, dans la « lunette » de tir de ces assaillants. Ces mercenaires auraient déjà infiltré ces villes stratégiques du pays et prêts à lancer des actions subversives.
En tout cas, les autorités prennent très au sérieux ces renseignements au point de mettre en alerte maximale les troupes depuis quelques jours. Les Faci ont donc décidé de « relever le niveau d’alerte » dans les zones visées par ces mercenaires. « On nous conseille de maintenir, sinon relever notre niveau d’alerte à l’Ouest, mais également à Abidjan et Bouaké que ces mercenaires ont aussi infiltré », nous renseigne notre source.
La Côte d’Ivoire semble prise dans une spirale voire de «nasse» de violence armée visant des positions militaires. En juin 2020 et mars 2021, le Nord du pays a été le théâtre de deux attaques djihadistes, notamment à Kafolo et Tehini, faisant plusieurs morts. Ces attaques ont été attribuées par les autorités sécuritaires ivoiriennes aux groupes jihadistes, liés soit à Al-Qaïda soit au groupe État islamique, qui frappent dans plusieurs pays voisins (Burkina Faso, Mali et Niger).
« Il est clair que le mode opératoire est celui d’une attaque terroriste. Ce sont les hommes de la Katiba Macina, du chef terroriste malien Amadou Koufa », avait confié à jeuneafrique.com, un officiel ivoirien suite aux attaques de Kafolo.
Une trentaine de combattants et d’individus suspectés de liens avec des jihadistes avaient été arrêtés dans les jours et semaines suivant l’attaque. Parmi eux, notamment, le Burkinabé Sidibé Ali dit « Sofiane », chef présumé de l’un des trois commandos à avoir mené l’assaut contre le poste mixte de Kafolo, dont l’arrestation avait été annoncée, le 25 juin 2020, par le Chef d’état-major des armées, le général Lassina Doumbia.
Relativement à la récente attaque de la base militaire de N’Dotré menée par un commando d’une vingtaine d’hommes dont trois ont été abattus, le procureur militaire Ange Kessi Kouamé met à l’index des mercenaires libériens. « Ce sont des personnes, un groupe de personnes en provenance du Liberia. C’est un groupe organisé avec une base arrière bien déterminée », avait-il avancé, le jeudi 22 avril 2021, au journal télévisé de 20 h de la Radiodiffusion télévision ivoirienne (Rti 1).
L’autre preuve qui emporte sa conviction est relative aux appels téléphoniques et aux identités des assaillants tués lors des combats. « Au vu des appels que nous avons reçus, ce sont des personnes bien déterminées. Ils viennent du Liberia », a-t-il indiqué, avant de révéler les noms des présumés assaillants : « Il s’agit de Bedell Rikins, né le 11 mai 1978 à Harper, c’est au Liberia. Le 2e assaillant se nomme Kannah Djimy, né le 26 décembre 1975 au Liberia ».
En tout état de cause, la Côte d’Ivoire est toujours dans l’œil du cyclone. Djihadistes au Nord, mercenaires libériens au Sud, le pays semble pris entre deux feux voire en tenaille. C’est pourquoi, les autorités ivoiriennes ne lésinent pas les moyens humains et technologiques pour couper la tête cette « hydre »