Plus de quatre ans après la crise post-électorale, le fonctionnement des universités ivoiriennes reste troublé malgré d’importants investissements. L’un des symptômes de cette paralysie : le cas des cités universitaires de la capitale économique. Elles sont occupées par d’anciens rebelles ayant combattu pour l’actuel président Alassane Ouattara. Et pendant ce temps, certains étudiants dorment… dans les amphis.Sur la dizaine de complexes universitaires que compte Abidjan, seule la cité U de l’université Houphouët Boigny n’est pas occupée. Les bâtiments ont bien été squattés pendant plus de trois ans par d’anciens combattants, mais des étudiants ont pu réinvestir les lieux en 2014 après l’intervention des autorités.
En ce qui concerne les autres cités universitaires, au pire elles sont totalement occupées par les anciens combattants et délaissées par les autorités, expliquent nos Observateurs. C’est le cas de celles d’Abobo-Adjamé, mais aussi de celle de Port-Bouët. Au mieux, certains bâtiments ont été réhabilités mais aucun étudiant n’y habite comme les cités de Mermoz ou encore la Cité Rouge.
La cité Mermoz en cours de réhabilitation.
Les cités U, zones de tension
La semaine dernière, à la cité de Riviera II dont l’un des bâtiments est occupé par d’anciens combattants, les étudiants ont essayé de se mobiliser pour faire valoir leurs droits mais les occupants auraient brandit leurs armes, explique l’un de nos Observateurs, étudiant à Abidjan.
Les anciens combattants, dont la plupart vient du nord du pays, sont descendus à Abidjan pendant la crise post-électorale, entre 2010 et 2011, pour y combattre les forces loyales à l’ancien président Laurent Gbagbo. Une fois démobilisés, espérant obtenir leur matricule, sésame qui leur permettrait d’intégrer officiellement les forces armées ivoiriennes, ils avaient alors choisi de rester dans ces bâtiments désertés par les étudiants.
Matéo est membre du syndicat Feder et étudie les mathématiques à l’université Nangui Abrogoua, appelée Abobo-Adjamé jusqu’en 2012.
Le plus scandaleux c’est que maintenant dans les cités U d’Abobo, c’est-à-dire Abobo 1, Abobo 2 et Williamsville,
il n’y a pas que des anciens combattants.Une partie des bâtiments est occupée par des membres des CRS, la compagnie républicaine de sécurité. Tout est flou, on ne sait pas qui est employé par l’État et qui ne l’est pas. Mais ce dont on est certain en tous cas, c’est qu’ils ne payent pas le logement.Mais la seule chose qui nous intéresse aujourd’hui c’est de rappeler que ces bâtiments appartiennent aux étudiants. Cette situation est intolérable. Les autorités doivent prendre leurs responsabilités. En 2014, elles ont réussi à déloger les ex-combattants des bâtiments de la cité Williamsville, mais comme les travaux de réhabilitation ont tardé, les ex-combattants sont revenus. En fait, dès qu’on leur demande de partir, ils commencent à manifester à leur tour pour leur droit puis les choses se tassent de leur coté et du nôtre. Donc rien ne bouge.
Dans une cité U squattée, le reportage Ligne Directe
Rares sont les étudiants à avoir pu pénétrer dans ces bâtiments squattés. Les échanges étant le plus souvent très tendus avec les ex-combattants : “On pense que beaucoup sont armés. Ils n’ont pas forcément des Kalach dans leur chambre mais il y a des caches d’armes pas loin” s’inquiète un étudiant.Fin avril, Julien Pain, accompagné d’une caméra de France 24 pour l’émission Ligne Directe a pu entrer dans la cité U d’Abobo 1 avec l’accord des anciens combattants qui y vivent. Électricité et sanitaires vétustes, les locaux sont totalement à l’abandon. Lors du reportage, ils avaient expliqué à nos journalistes qu’ils avaient été floués par les autorités. On leur avait promis une compensation financière et une réinsertion professionnelle contre leur démobilisation, dont ils n’ont jamais beneficié.