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RFI”La Cour pénale internationale -CPI,est entre faiblesse et lâcheté/ les raisons”

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En treize ans, la Cour pénale internationale n’a posé son verdict que sur le massacre d’une soixantaine de civils en février 2003, et sur l’enrôlement de quelques enfants dans la guerre. Soixante-dix ans après le tribunal de Nuremberg, elle se tient toujours à distance alors que sa création avait fait naître d’immenses espoirs. En 2016, la juridiction continue d’être rejetée par ceux qui craignent devoir rendre des comptes, la Russie, la Chine, les Etats-Unis, la quasi-totalité des pays arabes et Israël. A quand le sursaut ?

Le procès Gbagbo doit débuter le 28 janvier prochain. Il devait initialement s’ouvrir le 10 novembre. L’ancien président ivoirien, ainsi que Charles Blé Goudé, ex-leader des Jeunes patriotes, sont poursuivis pour leur rôle présumé dans la crise née du refus de Laurent Gbagbo de céder le pouvoir à Alassane Ouattara à l’issue de la présidentielle de 2010. Les violences avaient fait plus de trois mille morts en cinq mois. Laurent Gbagbo est le premier ex-chef d’Etat livré à la CPI. Cette dernière réclame également son épouse, Simone Gbagbo, mais Abidjan souhaite la poursuivre en Côte d’Ivoire. Simone Gbagbo a été condamnée, dans un premier procès, à vingt ans de prison pour son rôle dans la crise post-électorale.

La Cour pénale internationale, régie par le statut de Rome, a été créée en 1998, sous l’impulsion de l’ONU, dont elle est toutefois indépendante. Elle est entrée en fonction le 1er juillet 2002, après la ratification du statut de Rome par soixante pays. Au total, 123 pays sont aujourd’hui parties au statut, dont une majorité de pays africains et l’ensemble des pays de l’Union européenne. Cette Cour pénale internationale permanente s’est donné pour objectif de « mettre fin à l’impunité des auteurs des crimes les plus graves, génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre, qui touchent la communauté internationale ». La CPI ne peut poursuivre que des personnes physiques et non des Etats.

Huit enquêtes depuis 2002, uniquement en Afrique

L’accusation est récurrente : la Cour pénale internationale n’a jusqu’à présent jugé que des Africains. Huit enquêtes depuis 2002, uniquement en Afrique. Dans son ouvrage Le Joker des puissants, publié aux Editions Don Quichotte, Stéphanie Maupas constate que beaucoup de pays africains ont ratifié le traité de la Cour et qu’en conséquence ils lui ont donné compétence pour enquêter sur les crimes commis sur leur propre territoire. A cela s’ajoute le fait qu’à son démarrage, la Cour avait besoin d’exister et que pour exister il fallait des accusés dans le box. Ensuite, l’Afrique est sans aucun doute le continent où l’on recense le plus grand nombre de conflits. Neuf pays ont jusqu’à présent été concernés : la République démocratique du Congo, la République Centrafricaine, l’Ouganda, le Kenya, la Libye et la Côte d’Ivoire. Le paradoxe veut enfin que de nombreux pays africains stigmatisent la CPI. Pour autant, ils sont libres de la quitter. Ce qu’ils ne font pas.

La CPI sous influence ? De qui ? Quelles pressions ? La CPI manque-t-elle de moyens ? Y a-t-il volonté politique de ne pas lui donner la possibilité financière d’œuvrer ? Stéphanie Maupas ne cache pas que même lorsque l’on parle de justice, il y a toujours des pressions politiques, particulièrement dans le cas de dossiers qui restent et demeurent assez sensibles. Et la journaliste de souligner le dialogue constant qui existe entre les Etats et la Cour, sur fond notamment de réunions diplomatiques au cours desquelles le ou la procureur expose sa politique pénale, précise les lieux de ses enquêtes voire justifie des décisions de ne pas enquêter tant tel ou tel pays. La journaliste, qui réside à La Haye où siège la CPI, fait le constat du nombre important de voitures diplomatiques qui circulent dans la ville, s’arrêtent devant la Cour. Les diplomates, précise-t-elle, font tout pour s’y sentir chez eux et avoir connaissance du fond des dossiers.

Un faible nombre de verdicts

Indépendante, la Cour ? Faible peut-être surtout. Les Etats ont en effet l’obligation de coopérer avec elle. Coopération d’autant plus nécessaire que l’institution ne dispose pas de forces de police propres. Il n’empêche que la CPI n’aime pas les bras de fer et que sa relative jeunesse ne lui donne sans doute pas les coudées franches. Le fossé est là entre la prétention et la réalité. La prétention étant de mettre fin à l’impunité des auteurs des crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale. De quoi la CPI a-t-elle peur à propos de la réalité ?

D’aucuns estiment qu’en dépit du faible nombre de verdicts, la CPI a une véritable importance au niveau national en matière de renforcement des autorités et des législations et de l’effet préventif qu’elle exerce. Il n’empêche que son action ne peut qu’être incomplète et soumise à la critique du double standard en l’absence de quelques grands. La Russie, la Chine et les Etats-Unis n’ont toujours pas rejoint le statut de Rome. Néanmoins, l’opposition des USA s’est fortement atténuée ces dernières années. On parle même de coopération de la part de Washington dans certains cas. Les Etats-Unis n’en restent pas moins tétanisés à l’idée que la CPI puisse s’en prendre à l’un de ses présidents.

La CPI, une jeune institution en devenir ? Il faudra trente ou quarante ans avant que la CPI ne devienne efficace, estime Stéphanie Maupas.
La justice internationale reste un idéal réclamé par les victimes et elle continue de mobiliser les acteurs d’un monde en proie à de nouvelles violences. La route est encore longue avant qu’elle ne puisse prétendre à la maturité. La question centrale pour les sociétés qui tentent de sortir de conflits sanglants est de trouver les moyens de vivre à nouveau ensemble. Pour cela aussi, il faut du temps. La question de la crédibilité de la justice internationale n’en reste pas moins au cœur du problème.

Source : RFI

 

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