Invités à coup de renfort médiatique à travers les médias écrits et audio-visuels, notamment la télévision et la radio nationales, nous cadres du district du Woroba sommes rendus le 07 octobre 2021 à une réunion au palais de la culture de treicheville. Cette rencontre était la réunion préparatoire de l’Assemblée Générale Constitutive de l’association des élus et cadres du grand nord prévue les 12 et 13 novembre 2021 à Korhogo. Selon les initiateurs du projet, l’association aurait pour objectif, entre autres, le développement du Nord de la Côte d’Ivoire et le renforcement des liens de solidarité entre ses fils et filles, quand bien même tout semble indiquer que le pays dirigé par un fils du Nord « se porte très bien ».A l’issue de la réunion, certains jeunes cadres du woroba ont vite perçu la dangerosité de cette opération. Pour y porter la contradiction nous nous sommes constitués en comité de réflexion. La présente déclaration est le premier fruit de nos travaux. D’autres réactions suivront en fonction de l’évolution de la situation. Les raisons qui appellent notre mobilisation contre la création de cette association sont multiples. Mais pour cette première sortie, nous nous limiterons à l’examen de quelques unes :Menaces contre l’unité nationale L’initiative de créer une association à relent communautaire apparaît à contre-courant de l’œuvre de construction de la Nation ivoirienne souhaitée et voulue par tous les Ivoiriens depuis l’indépendance. Aussi, au moment où est-il de plus en plus question de sentiment national, de défi de surmonter nos particularismes, les cadres et élus du Nord, ou du moins certains d’entre eux, à travers leur projet, ne font aucun effort pour surmonter les différences entre eux et ceux de l’Ouest, du Sud, de l’Est et du Centre afin de construire une Côte d’Ivoire digne d’une nation. La nation est à saisir sous le prisme de la volonté de vivre en commun. « Ce qui constitue une nation, ce n’est pas de parler la même langue ou d’appartenir à un même groupe ethnographique ; c’est d’avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l’avenir » (Ernest Renan).Malheureusement, cette initiative de constituer une association du grand nord nous éloigne de l’élan général des autres ivoiriens.En outre, ce projet de création d’une association à base tribale engage la responsabilité du Président de la république en tant que garant de l’unité nationale qu’il incarne selon les dispositions de l’article 54 de la Constitution ivoirienne.En effet, la réunion du 07 octobre 2021 était présidée par le Ministre Gilbert Kafana, membre du Gouvernement. La table de séance enregistrait également la présence de plusieurs ministres en fonction. Cette mobilisation de ces membres du Gouvernement autour de leur projet et le silence observé par le Président, sinon son soutien voilé, emporte sa responsabilité de garant de l’unité nationale. Le risque, pour lui ici, est de se rendre coupable de parjure.Méconnaissance de l’âme du woroba. Nous cadres du woroba condamnons fermement cette tendance au repli sur soi. Car en opposition avec nos valeurs et traditions.En effet, très fortement islamisées nos régions ont toujours eu une tradition d’ouverture et d’hospitalité. Ce mode de vie est tiré des enseignements coraniques avec la notion de Oumma. Cette notion marque le dépassement des appartenances tribales et ethniques au profit de valeurs partagéés et la volonté d’appartenance à un ensemble plus vaste caractérisé par une solidarité entre ses membres. Et c’est fort justement de ces valeurs d’humanisme que le woroba a porté son choix sur Felix Houphouët-Boigny, bien que baoulé, au détriment de leur propre fils Sékou Sanogo. Cette prise de position dénote de la haute idée que nos parents avaient de la necessité de se délier des instincts tribaux afin de contribuer à la création d’une communauté plus vaste. En retour, Felix Houphouët-Boigny, très soucieux du devenir de la jeunne Nation ivoirienne, s’est appuyé sur les enfants de toutes les régions du pays et particulièrement sur ceux du woroba pour bâtir la Côte d’Ivoire moderne. Les ministres Lamine Fadika et Bamba Vamoussa, le gouverneur de la BCEAO Abdoulaye Fatiga pour ne citer que ceux-là, en sont des illustrations.Plus de soixante ans après, appeler le Woroba à participer à la création d’une association dont la finalité est de promouvoir la fibre ethnique revient à nier la grandeur d’esprit dont a toujours fait preuve ce grand peuple. Et il ne peut en être autrement quand on sait que le woroba accueille sur ses terres des frères originaires de l’ouest depuis la période coloniale. Devons-nous les exclure de la vie sociale et économique de notre région au seul motif qu’ils ne sont pas koyaka, alors même qu’ils sont plus intégrés que certains des nôtres.Menaces contre la solidarité et la cohésion du grand Nord. Alors que l’on parle de solidarité entre les fils et filles du grand Nord comme justificatif de la la création de l’association projetée, plusieurs fils du Nord sont emprisonnés à des peines purement politiques et certains contraints à l’exil, dont le député et ancien Directeur Général de la LONACI en la personne de ISSIAKA Fofana. Ce dernier n’a pas hésité à se mettre au service de sa région, tant au niveau des actions sociales que des actions de développement. Et l’auteur de cette exclusion de ces fils du Nord à une vie sociale et politique normale se trouve être un autre « fils » du Nord, en la personne du Président Alassane OUATTARA. Et cette situation n’emeut aucunement les initiateurs de l’association projetée. Pire, certains d’entre eux ont servi de mains exécutrices de la volonté de Monsieur OUATTARA de mettre sous l’éteignoir tout autre présidentiable issu du Nord, en dehors de ceux qu’il aura adoubé.Par ailleurs, tirant les leçons d’autres organisations similaires, l’on peut légitimement émettre des réserves quant à l’objectif de cohésion et de fraternité prôné par les initiateurs de la « mise en cage » des élus et cadres du grand Nord.L’expérience de l’association des élus et cadres du grand Centre est éloquente. En lieu et place de la cohésion du grand peuple baoulé, l’on a assisté à des batailles de leadership et de positionnement. Chaque cadre influent tentant de faire de cette association une courte échelle pour la réalisation de ses ambitions politiques. Et les chapelles politiques y ont également joué leur partition. Chacune voulant s’approprier l’association. Et la cohésion du peuple baoulé s’en est trouvée affectée notamment avec deux prétendants au trône de Sakassou. Fait inédit dans la tradition baoulé. Bien plus, cette association a contribué à disperser le vote du peuple baoulé au détriment du champion politique du groupe Akan en la personne du Président Henri Konan Bedié. Un autre argument qui démontre la vacuité de l’argumentaire du projet, particulièrement l’objectif de cohésion entre nordistes, réside dans le refroidissement des relations entre les différentes composantes ethniques du Nord.Il convient de souligner qu’à l’avènement du RDR au pouvoir le Nord était un bloc compact, acquis très largement au Président Alassane OUATTARA. Plus d’une décennie après de pouvoir sans partage de celui-ci à la tête de l’Etat, le Nord est fissuré comme jamais auparavant. Et l’unique cause reste la gestion des affaires politiques par le pouvoir RDR dit pouvoir des nordistes. La mort des deux premiers ministres, Amadou Gon Coulibaly en 2020 et Hamed Bakayoko en 2021, a donné la preuve de cette fracture à travers des rumeurs et accusations d’assassinat au moyens de pratiques occultes entre les communautés ethniques dont sont issus les deux défunts. Il faut noter que le peuple du woroba s’en est remis au Seigneur, comme le veut la tradition musulmane à laquelle il appartient majoritairement, mais reste tout même sous le choc quant à la mort de son illustre fils Hamed Bakayoko. Car, non seulement nous ressortissants du woroba avions placé un grand espoir en lui, mais surtout les conditions de son décès brutal et les rumeurs qui ont circulé sur les causes de son décès nous laissent perplexes. Ces rumeurs ont pointé un doigt accusateur vers un autre cadre du Nord ressortissant d’une région alliée du peuple du woroba. Avec cette atmosphère lourde, caractérisée par une ambiance de suspicion entre peuples du Nord, peut-on penser sérieusement que la création d’une association de ressortissants du Nord soit opportune ? non l’urgence est ailleurs.Nous cadres du woroba pensons qu’il faut préalablement et absolument rétablir les liens ancestraux et multiséculaires qui existaient entre ces différents peuples du Nord. Pour y parvenir, il faut utiliser les canaux traditionnels qui ont fait leurs preuves en la matière. Les chefs traditionnels, régents habituels de la vie sociale au nord, doivent être mis à contribution pour la bonne cause par les initiateurs de la brumeuse association des cadres du Nord au lieu de les utiliser comme des supplétifs du RHDP. Les koyaka comme des éternels « moutons de sacrifice » de la cause du grand Nord ?Le projet lancé le 07 octobre appelle à une grande mobilisation des cadres de toutes les régions du Nord. Nous cadres du woroba, percevons cet appel comme un autre traquenard contre les fils de notre région. Et ce sentiment de frustration et même de révolte se justifie grandement par le fait que tant de nos frères ont payé de leur vie pour certains et de leur carrière pour d’autres sans que ce Nord qu’ils prétendaient servir ne se souvienne de leur sacrifice. Pour rafraîchir la mémoire des précurseurs de l’association de élus et cadres du Nord nous allons en citer quelques uns :- Ibrahim coulibaly dit IB. Le sergent-chef IB durant ses dernières années de vie s’est battu heroiquement pour l’avènement du Nord au pouvoir à travers Monsieur Alassane OUATTARA. Après la victoire politico-militaire de Monsieur Alassane OUATTARA sur Monsieur Laurent GBAGBO à laquelle il a contribué grandement , IB fut atrocement assassiné au cours d’une expédition militaire des forces fidèles au nouveau régime. Cette expédition l’a été en exécution d’un ordre du chef suprême des armées qu’est le Président Alassane OUATTARA. Le woroba reste encore sous le choc. D’abord pour la perte de son fils mais surtout pour le silence observé par le « pouvoir » du nord quant à mener des enquêtes sur les circonstances de sa mort, et éventuellement aller à un procès pour sanctionner les auteurs de cet assassinat. Par cette attitude, le woraba estime son fils doublement enterré : son corps enseveli et son âme enfoui dans l’âbime de l’égoisme et de l’ingratitude.- BAKAYOKO Abdoulaye dit Transit. Aux heures chaudes du combat du RDR, ce riche homme d’affaires s’est mis au service de son parti en engageant sa personne et ses biens. A ce titre, il a crée le premier journal de son parti. Il fut assassiné sous le régime du Président Henri Konan Bédié. Depuis lors, plus personne ne s’en souvient. Pas même les chantres de la supériorité de l’homme du Nord. Pire, lors de la visite d’Etat dans le worodougou en 2015, le Président de la République Alassane OUATTARA a eu le temps d’aller s’incliner sur la tombe des géniteurs de certains de ses collaborateurs, sans daigner adresser même un mot de compassion à la famille de Abdoulaye Transit. Alors que même dans la tombe il a continué le combat du Nord, puisque jusqu’à maintenant c’est une de ses villas qui abrite le siège du RDR-RHDP.- KONE Kafongo Brillant banquier, premier PDG de la Banque de l’Habitat (BHCI), l’homme a sacrifié sa carrière pour le combat de l’actuel pouvoir nordiste. L’homme, autrefois proche du Président Henri Konan Bedié, n’a pas hésité à mettre en jeu son poste de PDG pour s’engager aux côtés de son frère du Nord Monsieur Alassane OUATTARA alors opposant. Puisqu’il fut limogé de son poste à la banque. Plus de dix ans après l’accession du Nord au pouvoir, notre ainé Kafongo est bien chez lui à la maison, occupant ses journées à ressasser les souvenirs de son glorieux passé à travers les albums photos. Le Nord a détourné son regard de lui pour mieux jouir des privilèges du pouvoir. Au Nord il semble qu’il ne fait pas bon de se souvenir de ceux à qui on est redevable quant on accède au pouvoir. Le «gâteau» est trop succulent pour avoir beaucoup de convives.- Enise KANATEDéputé-maire de Mankono, cette dynamique dame à l’avenir politique prometteur a vu sa carrière politique connaitre un coup d’arrêt brusque. Juste parce qu’elle a pris quelques distances avec Alassane OUATTARA. Elle fut bannie de Mankono. Notre sœur vit aujourd’hui un cas d’exil intérieur. Comme si le RDR était synonyme de Nordiste.La liste des personnalités du woroba qui ont bien servi la cause du Nord et qui ont été royalement oubliés est bien plus longue que celle présentée. Mais pour les besoins de la présente déclaration nous nous arrêtons à ceux que venons de présenter.Dans ces conditions, nous cadres du woroba exprimons publiquement et solennellement notre refus à adhérer à cette association. Adhérer à cette association revient pour nous à aider l’extension de la liste des koyaka victimes de l’ingratitude du nord.Ø L’association projetée peut etre un frein à l’avenir politique des cadres nordistes « de la diaspora »Une association des cadres et élus du Nord s’entend comme un regroupement de cadres et élus volontaires réunis autour d’un projet commun. On pourrait alors se demander de quels élus du Nord parle-t-on ? S’agit-il des cadres du Nord élus par les populations au Nord et exerçant pour le Nord ou des cadres du Nord élus par les populations au Sud où ils exercent leur mandant ? Si nous admettons que tous les cadres et élus du Nord doivent faire partie de cette association sur la base de la consonance de leur seul nom, ce serait trahir la confiance des populations des localités qui ne sont pas du Nord. En effet, c’est au nom de la prise de conscience de leur appartenance à la même nation que ces populations du Sud, de l’Est, de l’Ouest ou du Centre ont porté leur choix sur des fils du Nord pour administrer leurs localités. C’est le cas de Koné Kafana Gilbert, originaire du Nord (Sinématiali) ; il est l’actuel maire de la commune de Yopougon. Il en est de même pour Cissé Bakongo (Mankono) et maire de la commune de Koumassi. A ces personnalités il faut ajouter l’ancien premier minisre feu Hamed Bakayoko qui fut également maire de la commune d’Abobo. Son cas est révélateur de la grandeur d’esprit et de tolérance des autres ivoiriens vis-à-vis de leurs frères du Nord. En effet, notre frère Hamed bakayoko a été élu par deux fois député de la commune de Séguéla avant de se voir choisir comme maire d’Abobo. Abobo n’est ni situé au Nord ni peuplé uniquement que de nordistes. Le peuplement de cette circonscription est représentatif du peuplement de la Côte d’Ivoire elle-même avec sa soixantaine d’ethnies.En attendant donc de clarifier les membres de cette association, il convient de donner un contenu acceptable à ce projet en disant tout simplement ce qu’on cherche à travers une telle organisation.Au final, après l’examen des motifs du projet annoncé, nous nous rendons compte que le seul objectif des porteurs de cette aventure demeure l’embrigadement des cadres du Nord pour des desseins politiques sombres.Monsieur le Ministre d’Etat, au regard des observations ci-dessus, nous cadres du woroba refusons que notre région soit associée à cette opération de balkanisation de notre pays par et pour cette oligarchie nordiste au pouvoir dont les traits de caractère se résument à l’égoisme, le mépris et l’arrogance.
Pour le Comité de réflexion Soumahoro Vamouessa