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Au Mali, l’ONU voit une “hausse exponentielle” des violences imputables à l’armée

La Minusma, la mission des Nations unies au Mali, note lundi une augmentation “exponentielle” des violences imputables à l’armée malienne envers des civils entre janvier et mars dans le pays. Des “allégations” ne “s’appuyant sur aucune preuve tangible”, selon la junte au pouvoir.

Le nombre de morts civiles et de violations des droits imputables à l’armée malienne, soutenue par des militaires étrangers, a connu une “hausse exponentielle” au premier trimestre de 2022, a indiqué lundi 30 mai la Minusma, la mission de l’ONU dans le pays. Des informations immédiatement réfutées par la junte au pouvoir depuis août 2020 dans ce pays en proie à la propagation jihadiste et aux violences de toutes sortes.

Si les groupes jihadistes affiliés à Al-Qaïda ou à l’organisation État islamique sont restés les principaux auteurs des violences contre les civils, la Minusma a dénombré 320 violations imputables aux forces de sécurité appuyées “à certaines occasions par des éléments militaires étrangers” au cours des trois premiers mois de l’année, contre 31 le trimestre précédent.

Sur ces 320, 248 se sont traduites par la mort de civils, dit la Minusma dans une note trimestrielle. Elle parle d'”exécutions extrajudiciaires”, de disparitions forcées et d’actes de torture.

Soupçons sur le groupe Wagner

Il n’appartient pas à la Minusma de dire l’origine des “éléments étrangers”, a déclaré en visioconférence Guillaume Ngefa, directeur de la division des droits de l’Homme de la mission, malgré le soupçon pesant sur l’organisation de sécurité privée russe Wagner.

La junte s’est détournée ces derniers mois de la France et de ses partenaires européens, et tournée vers la Russie. Les Européens ont annoncé en février leur retrait militaire du Mali en invoquant le recours de la part des colonels au groupe Wagner, malgré les agissements controversés de celui-ci, ainsi que les “multiples obstructions” de la part des autorités maliennes à leur action après des années d’engagement.

De son côté, la junte parle de coopération renforcée d’État à État avec la Russie.

Guillaume Ngefa a précisé que les décomptes “n’incluent pas les événements de Moura”, toujours à l’enquête selon lui malgré le refus opposé jusqu’à présent par la junte à un déplacement des experts de l’ONU sur place.

Cette localité du centre du pays a été le théâtre fin mars de ce que Human Rights Watch décrit comme le massacre de 300 civils par des soldats maliens associés à des combattants étrangers, peut-être russes. L’armée malienne dément et revendique l’élimination de plus de 200 jihadistes.

La Minusma détaille une série de cas comme la mort d’au moins 21 civils sommairement exécutés selon elle par les forces maliennes et 18 autres portés disparus le 31 décembre dans la région de Nara.

“Aucune preuve tangible”, dit Bamako

La Minusma écrit que “la majorité des victimes de ces violations étaient membres de la communauté peule”. Celle-ci est volontiers considérée par une partie des Maliens comme une source de recrues pour les jihadistes.

La Minusma a soumis la note aux autorités de Bamako avant sa publication. Dans un mémorandum de réponse consulté par l’AFP, les Affaires étrangères maliennes fustigent des “allégations (…) très souvent tendancieuses, non recoupées” et ne “s’appuyant sur aucune preuve tangible”. Elles visent à “discréditer” les forces maliennes, assurent-elles.

Les Affaires étrangères répètent à plusieurs reprises qu’un strict respect des droits humains est pris en compte dans la formation des soldats et la préparation des opérations.

Répondant à chaque cas exposé par la Minusma, elles objectent plusieurs fois que les autorités ont ouvert leur propre enquête, et que le propos de la mission repose sur des documents “montés de toutes pièces”.

Dans le cas de Nara, elles arguent qu’une “franche couche de la population (…) est acquise à la cause des terroristes” et “serait même en mesure d’inventer des histoires en vue de ternir l’image de l’armée”.

Le mémorandum reproche à la Minusma d’ignorer les “progrès remarquables” accomplis pour protéger les droits humains et améliorer la sécurité. La junte revendique régulièrement de pousser les jihadistes à la “débandade”.

“Rétrécissement de l’espace civique”

La note de la Minusma dresse un tableau beaucoup plus sombre. Le nombre de personnes tuées par toutes les parties (groupes armés islamistes ou autres, milices et groupes d’autodéfense, forces de défense) a plus que quadruplé d’un trimestre à l’autre, passant de 128 à 543, dit la Minusma.

L’ONU est “très préoccupée” devant la situation sécuritaire générale, et la dégradation observée selon elle dans le centre, la zone dite des trois frontières avec le Burkina Faso et le Niger, et le Nord, a déclaré Daniela Kroslak, représentante spéciale adjointe du secrétaire général des Nations unies.

La Minusma rapporte une intensification des attaques des groupes jihadistes, un renforcement de leur présence dans le centre et le Nord, et une “expansion inquiétante” vers le sud. L’organisation déplore par ailleurs un “rétrécissement continu de l’espace civique et du débat démocratique et la restriction dans l’exercice des libertés publiques”.

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