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Cour d’assises et la CPI : Les gros contrastes entre le procès de Gbagbo et Simone

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L’un est jugé à la Cour pénale internationale (Cpi), à La Haye aux Pays-Bas ; l’autre à la Cour d’assises à Abidjan. Tous les deux pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre.

Le procès de l’ex-chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, s’est ouvert le 28 janvier 2015 tandis que son épouse, Simone, comparaît depuis le 1er juin 2016. Depuis quelque temps, l’actualité est rythmée par les deux procès de l’ex-couple présidentiel. Au regard du déroulé des audiences, on note que ces deux procès donnent à voir deux tableaux présentant des contrastes saisissants. D’abord, en ce qui concerne les conditions dans lesquelles les témoins défilent à la barre. A la Cpi, on note un souci de protection de ces femmes et hommes qui viennent éclairer les juges en relatant ce qu’ils ont vu ou entendu durant la crise post-électorale. Au point que des précautions sont prises pour assurer à certains d’entre eux le plus strict anonymat. A cet effet, on fait en sorte de les mettre à l’abri des regards des personnes présentes dans la salle d’audience et leurs visages sont floutés à la télévision pendant la retransmission. Tirant les leçons des premiers ratés qui ont conduit au dévoilement de l’identité de certains témoins, la Cpi a même corsé les mesures pour mieux garantir aux témoins l’anonymat. Ainsi sont multipliés des huis clos au cours desquels sont traitées des questions sensibles, susceptibles de conduire à la révélation, par inadvertance, de l’identité des témoins. Par ailleurs, de son départ d’Abidjan à son retour en passant par son séjour à La Haye, le témoin est astreint à un dispositif sécuritaire visant à le protéger. Contrairement à ce qu’il est donné de voir à la Cpi, les témoins du procès de Simone Gbagbo, qui se tient à Abidjan, ne bénéficient pas de la même protection. Ici, tous les témoignages se font à visage découvert. Toutes choses qui exposent certains de ces témoins à d’éventuelles représailles plus tard.

De La Haye à Abidjan : ce qui change

Deuxième élément qui fait dire qu’il y a un fossé entre la conduite du procès à la Cpi et celui qui a cours à la Cour d’assises à Abidjan, c’est l’abondance de documents audiovisuels projetés pour soutenir les accusations portées contre Gbagbo et Blé Goudé ou pour prouver leur innocence. Sans compter des pièces écrites, brandies pour étayer chaque argument avancé pour accabler les accusés ou tenter de les disculper. A La Haye, il y a chez les parties au procès un réel souci d’appuyer, systématiquement, leurs dires d’éléments probants, d’où ces projections de documents audiovisuels notamment. Ce que ne constatent pas les observateurs du procès de Simone Gbagbo à Abidjan. Jusque-là, aucune projection de documents audiovisuels n’a été faite par l’accusation. Dès les premiers jours, aucune pièce à conviction n’a été apportée par l’accusation pour étayer les accusations portées contre Simone. Aussi celle-ci n’avait-elle de cesser de dénoncer l’absence de preuves. « Où sont les corps ? Où est le rapport d’autopsie ? Où est le certificat de décès ? Apportez-moi la preuve que c’est moi qui ai donné l’ordre, que j’étais présente à ces réunions, que j’ai armé les jeunes patriotes », répétait-elle invariablement. C’est que depuis l’ouverture du procès jusqu’à son interrogatoire, ni documents écrits ni pièces audiovisuelles n’avaient été produits pour la confondre. Ce n’est que les jours suivants que des courriers, censés l’accabler, ont été sortis par l’accusation. Tout le contraire de ce qu’il est donné de voir à la Cpi où, dès l’entame du procès, l’équipe de la procureure, Fatou Bensouda, a donné une idée des preuves sur lesquelles elle entend s’appuyer pour démontrer la culpabilité des accusés Gbagbo et Blé Goudé. Enfin, on observe une différence notable dans l’attitude des accusés selon que l’on est à La Haye ou à Abidjan. A la Cpi, Laurent Gbagbo et même Blé Goudé font plutôt profil bas. Quand la parole a été donnée à Laurent Gbagbo à l’ouverture de son procès, le 28 janvier 2015, il est apparu calme et s’est borné à plaider non coupable. Même constat avec Blé Goudé. Bien que celui-ci se soit montré véhément et beau parleur quand il a eu droit à la parole, l’ex-leader des jeunes patriotes n’a pas donné l’impression de prendre de haut les juges, de les traiter par-dessus les jambes. L’ex-chef de l’Etat et son poulain ont même parfois été rappelés à l’ordre quand il leur arrivait d’esquisser un sourire durant l’audience. Cette attitude d’agneau affichée par Gbagbo à la Cpi contraste avec le tempérament de lionne dont son épouse, Simone, fait montre devant la Cour d’assises à Abidjan. A la différence de son époux, l’ex-Première dame se montre intraitable. Pugnace, elle traite ses accusateurs avec arrogance voire une certaine outrecuidance. Sans doute cela tient-il au fait que le tribunal devant lequel elle comparaît lui semble moins intimidant que ne l’est le prétoire de la Cpi. N’est-ce pas, en effet, le prestige dont jouit cette juridiction internationale et le décor austère de sa salle d’audience qui imposent à Gbagbo et Blé Goudé de faire profil bas, là où Simone se laisse aller à toutes sortes de déclarations, donnant parfois le sentiment d’avoir peu d’égard pour ceux qui la jugent ?

Au total, les deux procès de l’ex-couple présidentiel sont différents en bien des points, ce qui fait dire à certains que les choses semblent bien plus sérieuses à La Haye qu’à Abidjan.

Assane NIADA

linfodrome.com

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