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Exclusif /Constitution, procès de Gbagbo, crise au Fpi, projets …. Mamadou Koulibaly se confie à coeur ouvert

Koulivaly-Lider

Constitution, procès de Gbagbo, crise au Fpi, projets de LIDER, Brexit: Mamadou Koulibaly parle

M. le Président, que devient la Coalition nationale pour le changement dont vous avez été l’un des membres fondateurs ?

Mamadou Koulibaly : Elle a fini sa mission. Elle devait servir à obtenir les conditions d’une élection présidentielle en 2015. La Cnc a fait ce qu’elle a pu. Sa mission est terminée. Nous sommes passés à autre chose.

Et pourtant une nouvelle Cnc existe, conduite par le Docteur Martial Ahipeaud…

M.K. : Je ne suis pas au courant de ce qui a suivi la présidentielle. La Cnc à laquelle j’appartenais s’est arrêtée. Peut-être que d’autres continuent. Je ne suis pas informé.

M. le Président, vous soutenez, depuis peu, que l’objectif du président Alassane Ouattara, en initiant un référendum, est de se maintenir au pouvoir. D’où tenez-vous cette conviction alors que l’intéressé n’a jamais fait une déclaration dans ce sens et que, bien au contraire, le porte-parole du gouvernement, a affirmé que Ouattara « n’a pas l’intention de toucher» à la limitation du mandat présidentiel ?

M.K. : Premièrement, l’intéressé a signifié aux différents partis politiques, lorsqu’il les a reçus, qu’il comptait non plus faire une révision constitutionnelle, mais plutôt doter la Côte d’Ivoire d’une nouvelle Constitution. Deuxièmement, il ne l’a pas peut-être pas dit explicitement, mais ses conseillers et les hauts cadres de son parti n’arrêtent pas de nous bassiner qu’un troisième mandat est souhaitable. Troisièmement, en 2010, il a demandé qu’on lui accorde un mandat, un seul de 5 ans. Une fois ce mandat obtenu, il a proclamé qu’il lui fallait un second mandat, adroitement négocié par l’appel de Daoukro, cet appel voulait que Ouattara fasse un second mandat et qu’en 2020, il y ait alternance au sein du Rhdp. Ça n’aurait plus été le Rdr mais plutôt le Pdci qui aurait été soutenu pour arriver à la Présidence de la République. Par la suite, Ouattara a soulevé une nouvelle idée selon laquelle, plutôt que de faire l’alternance, il serait judicieux d’aller à la fusion. Chose qui signifierait la disparition des composantes du Rhdp et création d’une nouvelle structure. Dans l’actualité, il est apparu clairement que ni le Rdr ni le Pdci n’ont eu envie ni de changer de nom, ni de fusionner en perdant leur personnalité. Alors, si l’un et l’autre ne veulent pas fusionner, ils sont bien obligés de créer une faitière qui ne serait plus une superposition de partis mais une nouvelle forme organisationnelle. En associant autant d’éléments, à savoir, une nouvelle Constitution, des partisans qui militent ostensiblement pour un troisième mandat et la fusion, j’arrive à la conclusion que Ouattara, en demandant de passer à la troisième République, cherche une seule chose : nous faire croire qu’il a eu deux mandats pour la deuxième République, et qu’avec la troisième République, son mandat de 2020-2025 ne serait que le premier mandat. Je pense que Ouattara n’a aucune envie de raccrocher en 2020 et que, dans une certaine mesure, il exploite la peur d’une partie des Ivoiriens.

Que voulez-vous dire par « exploiter la peur d’une partie des Ivoiriens » ?

M.K. : J’entends souvent en ville, dans les villages, des personnes dire : «On a supporté Ouattara. Dans son camp, c’est le seul qu’on voit. Vous nous dites qu’il ne faut pas qu’il fasse un 3e mandat. Mais, s’il n’est pas là, que devenons-nous ? Est-ce que les gens ne vont pas recommencer à faire ce qu’ils nous faisaient avant ?».  J’entends ces propos, y compris chez certains militaires. J’aimerais rassurer tous ceux-là qui ont peur de l’après Ouattara. Qu’ils cessent d’avoir peur. Un Etat, c’est d’abord la continuité. Je peux ne pas être d’accord avec des décisions que Ouattara a pu prendre mais ce sont des décisions de l’Etat de Côte d’Ivoire. Ce n’est pas parce que vous avez été des hommes à Ouattara qu’il doit rester jusqu’à votre retraite pour vous rassurer. En 2020, Ouattara aura fini ses deux mandats. Le prochain président respectera ses engagements. J’entends aussi dire que les investisseurs, les bailleurs de fonds, et une soi-disant communauté internationale fermeraient les yeux sur le errements du régime de Ouattara, au prétexte fallacieux qu’il est le seul capable de défendre leurs intérêts dans notre pays. Je voudrais rappeler que ce n’est pas à un chef d’Etat de défendre leurs intérêts mais à l’Etat et à ses bonnes institutions et sa bonne gouvernance de les protéger. Ces institutions fortes sont de bien meilleures garanties qu’un homme avec des mandats limités dans le temps. Là où je suis intraitable, c’est sur tout ce qui est capitalisme de connivence. Détourner l’argent et les marchés de l’Etat, créer des quotas ici et là est indéfendable. Pour le reste, l’Etat est une continuité qui respectera ses engagements.

Que dites-vous de la proposition du ministre Cissé Bacongo, de lever le verrou de la limitation des mandats présidentiels ? Il explique, entre autres raisons, qu’en l’absence de cadres «charismatiques, compétents» pouvant assurer la relève, le peuple peut se trouver contraint d’élire un Président de la République par défaut.

M.K. : C’est une manière de dire explicitement au Rhdp: «Lorsque nous regardons en notre sein, en l’absence de Ouattara, aucun d’entre nous ne peut être un candidat acceptable par nous-mêmes. Donc, modifions la Constitution pour que Ouattara puisse être candidat.» Traduit différemment, c’est ce que cela voudrait dire. La levée de la limitation de mandats veut dire qu’on peut se présenter à l’élection présidentielle autant de fois qu’on voudra. L’auteur de la proposition est donc pour un troisième mandat de Ouattara et après avoir formulé cette proposition, il a été nommé conseiller spécial du président de la République pour la réforme constitutionnelle, et en tant que tel, il inspire le travail du comité des experts désignés par son patron pour la rédaction de la nouvelle constitution. N’est-ce pas clair ?

Mais que pensez-vous sur le fond, à savoir qu’il n’est pas indispensable de limiter la durée des mandats présidentiels ?

M.K. : Je me méfie des hommes. J’ai confiance dans les institutions, les conventions. Un homme peut être bon ou mauvais, selon les moments. Mais si les institutions sont solides, cela peut éviter certaines dérives autocratiques. Les Américains n’avaient pas inscrit, dans leur Constitution, la limitation des mandats. Tous faisaient comme les pères fondateurs depuis 1789. Un de leurs présidents a joué à faire un troisième mandat en 1940. Alors, ils ont décidé d’inscrire, en 1947, dans la Constitution, par un amendement, que deux mandats étaient suffisants. Je ne dis pas de faire comme les Américains. Mais je pense que dans un parti politique, il n’y a pas un militant, peu importe son charisme, qui soit né pour commander à vie les autres, aussi bien dans le parti qu’au niveau de l’Etat. Ouattara est président de la République. Il n’a pas trouvé, dans sa famille politique, un seul cadre suffisamment compétent et charismatique pour présider le parti. Il a été obligé de présider et l’Etat et son parti, en violation de la Constitution qu’il avait prêté serment de défendre. Ni le conseil constitutionnel, ni les grands constitutionalistes de ce pays n’ont émis de reproches. Nous pensons jouer aux dames contre Ouattara, alors que lui joue aux échecs. La limitation de mandats doit être inscrite dans la Constitution, en attendant qu’on change de système, pour instaurer le régime parlementaire avec mode de scrutin majoritaire à un tour. Je pense qu’il faut l’inscrire.

Concrètement, vous appellerez à voter « non » à un texte qui ouvre la voie à un troisième mandat pour Alassane Ouattara ?

M.K. : Je déconseille à Ouattara d’aller dans le sens d’une nouvelle Constitution pour la Côte d’Ivoire. La Constitution qui est en vigueur avait été rédigée pour lui barrer l’accès à la présidence de la République. Ce n’est pas moi qui le dis. Je ne fais que reprendre ce qui a été dit par le passé. Cette Constitution ne l’a pourtant pas empêché d’être président de la République, de faire un premier mandat et d’en commencer un second. Mais à quel prix ? Dans quatre ans, il aura fini ses deux mandats. Les nouvelles générations trouveront la formule et verront si la Constitution mérite d’être modifiée. Ouattara n’a pas besoin de le faire.

Sur l’article 35, le Pdci est pour la formulation retenue à Marcoussis, qui dit ceci : « Le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois. Le candidat doit jouir de ses droits civils et politiques et être âgé de trente-cinq ans au moins. Il doit être exclusivement de nationalité ivoirienne, né de père ou de mère Ivoirien d’origine ». Quel est votre point de vue ?

M.K. : S’il s’agit d’une révision constitutionnelle qui vise à conformer le texte à ce qui a été signé à Linas Marcoussis, je conseillerais à Ouattara de s’en tenir à la formulation retenue à Marcoussis. Il n’ajoute rien. Il ne retire rien. Et il ne passe pas à une 3ème république pour cela.

Donc, vous êtes d’accord avec le Pdci sur ce point ?

M.K. : Je suis d’accord avec le Pdci sur ce point. Mais en même temps, je dis : cette révision, c’est bien pour régler les questions liées à l’article 35 qui écartait, semble-t-il, Ouattara. Mais il est aujourd’hui président. Passons à un régime parlementaire ! Donnons-nous un gouvernement restreint, responsable devant le Parlement. Un député est premier ministre et gère l’Etat. Les autres députés le surveillent. On collecte l’impôt. On investit là où il faut. Regardez ! Aujourd’hui, le président décide de faire un viaduc entre les tours administratives et l’hôtel Ivoire ou le petit palais. En régime parlementaire, ce projet serait passé à l’Assemblée nationale. Le député de Koumassi, celui d’Abobo ou de Yopougon, aurait pu rétorquer : «Nous avons un sérieux problème de routes dans notre commune ou encore, nos centres de santé manquent de matériel. Nous ne voyons pas l’urgence d’un viaduc entre le Plateau et Cocody». Le gouvernement aurait révisé le projet et réaffecté les fonds, soit dans un hôpital, soit dans une route, soit dans l’équipement d’une université. Avec le régime parlementaire, il y a un contrôle effectif de l’action gouvernementale.

On connaît globalement les positions de LIDER, notamment, l’instauration d’un régime parlementaire, la suppression de certaines institutions comme le Conseil économique et social. Avez-vous versé ces propositions à l’exécutif lors de la rencontre qui s’est tenue au palais présidentiel ?

M.K. : Mme Monique Gbekia, la déléguée générale du parti, présente à cette rencontre, avait un document rédigé qui retraçait nos propositions. Le document expliquait, d’une part, au chef de l’Etat, que son projet de révision constitutionnelle ou de nouvelle Constitution, est inopportun et que d’ailleurs, la procédure qu’il utilise est inacceptable. D’autre part, le régime présidentiel dans lequel il veut continuer à nous inscrire avec un Sénat, une vice-présidence etc., est budgétivore. Au contraire, il faut supprimer certaines institutions. Et le dernier point a consisté à préconiser un régime parlementaire. En dehors de ces éléments, toutes les autres propositions que Ouattara pourrait ramener seront rejetées par LIDER qui appellera les populations à le suivre dans ce sens.

Le comité d’experts mis en place par le chef de l’Etat vous convient-il, dans sa configuration ?

M.K. : Je n’ai rien à reprocher au comité d’experts. Mais ce sont les termes de référence de la mission que j’aurais voulu voir. Quand un président met des experts en mission, la première chose qu’on publie, ce sont les termes de référence. Un document qui explique aux populations : pourquoi le président veut faire une révision constitutionnelle, qu’est-ce qu’il compte y introduire, à quoi veut-il aboutir, quels sont ses objectifs ? Mais le président n’a pas diffusé de termes de références. Il appelle des experts, leur demande de travailler. A côté, il réunit les animateurs de la vie sociopolitique, collecte leurs desiderata, en fait la synthèse qu’il remet au conseil des ministres, lequel va l’adopter puis la reverser au comité d’experts. C’est une procédure un peu bizarre, je trouve. Ce n’est pas une procédure normale pour doter un pays d’une nouvelle Constitution – encore que je ne trouve pas cela opportun. D’autres procédures existent.

A quelles procédures pensez-vous ?

M.K. : Il y a la formule de l’assemblée constituante qui permet aux acteurs de s’accorder sur ce qu’ils veulent. Il y a aussi le cas où un modèle de Constitution est proposé par un gouvernement et mis en circulation pour que les uns et les autres fassent des amendements. Puis vient la synthèse. La formule la plus simple, c’est l’assemblée constituante. On n’est pas dans ce cas de figure. La Côte d’Ivoire n’est pas en guerre. Une Constitution, ce n’est pas un périodique. On ne la renouvelle pas comme on renouvelle les journaux, tous les matins dans les kiosques. C’est un document qui fonde un Etat, qui explique les missions de l’Etat, son organisation, les limites de cet Etat, ce que les populations doivent en attendre.

M. le Président, la révision de la liste électorale a été lancée ce samedi 25 juin. Pour vous qui aviez estimé que de nombreux Ivoiriens, en âge de voter, avaient été laissés sur la touche, cette opération est forcément une bonne nouvelle. N’est-ce pas ?

M.K. : Une bonne nouvelle. Mais pas totalement ! Bonne nouvelle, parce que la Commission électorale se met enfin à travailler. La Constitution prévoit que la liste électorale soit mise à jour en permanence. En principe, on devrait prendre des dispositions pour que, dans toutes les sous-préfectures, dans toutes les communes du pays, chaque fois qu’un jeune Ivoirien atteint l’âge de voter, il se fasse enregistrer sur la liste électorale. Cette procédure n’est pas suivie. La Constitution prévoit que cela se fasse «annuellement». La Commission électorale a décidé d’entendre « annuellement » comme un mois dans l’année. Mais non ! «Annuellement», voudrait dire que chaque année, tous les jours, on doit pouvoir faire le point des inscrits. Mais l’opération ne saurait se faire en un mois. Un mois, c’est trop peu ! Je n’ai pas vu de campagne publicitaire sur l’ensemble du pays comme on en a l’habitude avec de grands panneaux annonçant le recensement électoral aux populations. Je n’ai pas vu de campagne intensive, assidue à la télévision ou à la radio, menée par la Commission électorale et s’adressant aux populations dans les différentes langues du pays. L’opération de recensement électoral n’est pas une affaire des partis politiques. Il ne s’agit pas de faire enrôler les militants d’un parti politique mais les populations ivoiriennes en âge de voter. D’ailleurs, nous autres, en tant que parti, avons attendu la liste des centres d’enrôlement. C’est seulement, le vendredi 24 juin, soit la veille du lancement de l’opération, que dans le journal gouvernemental, un document indiquant la liste des centres a été inséré. Pourtant, on a demandé, à plusieurs reprises, à avoir cette liste.

Vous craignez que les résultats, en termes d’inscrits, ne soient pas ceux escomptés ?

M.K. : Je crains fort que les 3 à 4 millions, voire plus, de gens concernés ne puissent se faire enrôler et qu’un mois ne suffise pas dans l’organisation actuelle. Je doute fort que la Commission électorale se soit fondée sur le recensement général de la population pour savoir combien de personnes pourraient être concernées : qu’est-ce qui permet de mettre dix bureaux dans certaines zones et trois dans d’autres ? S’ils avaient regardé les résultats du recensement général de la population, ils auraient calé le nombre d’agents recenseurs sur la population concernée.

Evoquons, à présent, l’actualité au sein de votre formation. Comment se porte LIDER, cinq après son lancement ?

M.K. : LIDER croît normalement. Comme un parti qui n’a pas grands moyens et qui mise sur un nouvel esprit militant, qui mise sur la formation de ses militants, puisque nous n’avons pas cherché un réservoir de militants disponibles juste pour nous sur des bases ethniques, tribales ou religieuses. Nous devons former ces militants. A LIDER, on est arrivés à la conclusion que pour bien gérer les affaires publiques, il faut déjà savoir comment se gère un parti politique. C’est à l’intérieur du parti politique qu’on apprend à connaître l’Etat et ses institutions. Cela nous évite d’être défaillants une fois qu’on a en charge la gestion de l’Etat.

Vous serez présent aux élections législatives ?

M.K. : Oui, nous y serons. Seuls, dans certains cas. En partenariat, ou en coalition, dans d’autres cas.

En 2011, vous avez échoué à renouveler votre mandat de député à Koumassi. Comptez-vous briguer un poste de député en 2016 ? 

M.K. : Non ! J’ai été député, président de l’Assemblée nationale. Je laisse la main à d’autres. Comme disent les anglophones : been there, done that ! Je ne pense pas que les fonctions politiques devraient nous accrocher au point de devenir une profession. Je me réserve pour la présidentielle de 2020.

Vous serez donc candidat à l’élection présidentielle en 2020 ?

M.K. : Bien sûr. Je ne serai peut-être plus le président de LIDER. Mais j’en serai le candidat.

M. le Président, qu’est-ce qui vous a poussé à signer la pétition pour « la libération de Laurent Gbagbo » surtout que vous n’avez pas été tendre avec lui, à sa perte du pouvoir ?

M.K. : D’abord, Laurent Gbagbo est un ami, un frère, un camarade. Ensuite, ce n’est pas parce qu’il a perdu le pouvoir qu’il doit être en prison. Ce sont deux choses distinctes. Que Gbagbo ait perdu le pouvoir, c’est une chose. On peut en discuter. Ce qui est en jeu, c’est cette injustice flagrante dont il est l’objet. On dit qu’il est le commandant de forces ayant commis des atrocités. Mais, en Côte d’Ivoire, il n’y avait pas que les forces proches de Gbagbo. Il y avait les forces proches de Ouattara, celles proches de Soro. Ces trois groupes, ces dix dernières années, se sont affrontés à différents moments. Pourquoi, c’est seulement à Laurent Gbagbo qu’on demande des comptes ? En 2011, lorsque je posais la question, on me répondait : «Très bientôt, on va demander des comptes aux autres !». Nous sommes en 2016. Personne, dans l’autre camp, n’a été appelé à rendre compte. Je me dis : si c’est ainsi que la justice fonctionne, autant ne pas maintenir Gbagbo en prison. Il faut le libérer. D’où cette pétition que j’ai signée et dont j’étais d’ailleurs membre du comité de pilotage.

Pensez-vous honnêtement que cette pétition puisse influer sur le cours du procès ?

M.K. : C’est une méthode différente. Le procès a sa logique. La politique a, elle aussi, sa logique. Je n’interfère pas dans les procédures judiciaires qui se jouent en ce moment, aussi bien à La Haye qu’à Abidjan. J’agis en homme politique en me disant qu’il y a une injustice flagrante et inacceptable sur le plan éthique. Si j’étais magistrat, j’aurais fait autre chose. Mais, je suis politique.

Votre choix de signer la pétition pour «la libération de Laurent Gbagbo» scelle-t-il votre rapprochement d’avec l’aile Sangaré du Fpi ?

M.K. : Je suis parti du Fpi, mais chaque fois qu’il y a eu des combats à mener, nous avons été en contact. J’ai des contacts aussi bien avec Affi N’guessan qu’avec Abou Drahamane Sangaré. Mais il est vrai que jusqu’à présent, sur le plan opérationnel, j’ai plutôt travaillé avec l’équipe de Sangaré. L’idéal serait que Sangaré, Affi, Koulibaly se retrouvent autour d’une idée de la Côte d’Ivoire, d’une perception du pays, d’une idée du changement. Cela appelle un effort de part et d’autre. Moi, j’ai dépassé le choc de 2011. Je discute avec tout le monde. Même si nous n’ambitionnons pas de reconstituer le FPI originel, ce n’est pas de cela qu’il s’agit, je souhaite que nous puissions être inventifs pour retrouver un cadre qui nous permette, chacun étant ce qu’il est, de continuer le combat. On ne peut pas arrêter, maintenant, comme ça, ce combat qui donne un sens à notre vie politique.

Vous parlez de « cadre ». Il pourrait s’agir d’un Rhdp version opposition ?

M.K. : Je n’ai pas une idée précise. Un ami m’a demandé : «Pourquoi ne pas créer l’Union des gbagboistes pour la réconciliation ?». Je lui ai répondu : «Tous ceux qui se battent avec nous, aujourd’hui, ne sont pas forcément gbagboistes». Alors, je n’ai pas une idée précise. Mais je suis convaincu d’une chose. Toutes les années que nous avons eu à passer ensemble, à nous battre pour la Côte d’Ivoire, ne peuvent pas être perdues après le traumatisme de 2011. Je pense que nous sommes capables d’amortir ce traumatisme. Et de repartir sous un autre format avec en vision le même objectif pour notre pays. Je parle avec les uns et les autres. J’aimerais bien, si j’étais magicien, faire en sorte que toutes ces incompréhensions se taisent et que, chacun étant ce qu’il est, nous reprenions cette camaraderie pour la Côte d’Ivoire.

Avez-vous déjà engagé des actions afin de réconcilier les deux camps ?

M.K. : Oui, mais sans succès, pour le moment.

Vous aviez, à l’époque, demandé à voir Laurent Gbagbo à La Haye. Vous n’avez pas eu de suite…

M.K. : Les agendas n’ont peut-être pas coïncidé.

On ne saurait terminer sans évoquer l’actualité internationale ponctuée par la sortie du Royaume Uni de l’Union européenne. Quelles peuvent être, selon vous, les conséquences du Brexit sur les pays africains ?

M.K. : Je fais observer, dans un premier temps, que même si les Britanniques ont voté pour le Brexit, le processus de sortie pourrait prendre encore plusieurs mois. Dans un second temps, en termes de conséquences sur nos pays, les accords que l’Union européenne a signés, jusqu’ici, avec les pays africains, seront impactés. Ces accords seront renégociés. Le Royaume-Uni étant sorti de l’Union, la signature de l’UE n’engage plus Londres. Des négociations bilatérales s’imposeront. D’une part, entre les pays Africains et l’UE, d’autre part, entre les pays Africains et le Royaume-Uni.

Cela posé, les pays africains peuvent tirer des leçons du Brexit. Ils doivent se rendre compte qu’un peuple peut signer des accords de coopération et, lorsque lesdits accords ne l’arrangent plus, décider d’en sortir sans que le ciel ne lui tombe dessus. Je constate que le type de régime en vigueur au Royaume-Uni, à savoir, le régime parlementaire, est un facteur déterminant dans les évènements qui s’y sont déroulés. On a vu qu’il y a eu des pressions aussi bien de Hollande, de Juncker que d’une certaine presse sur les Britanniques. Mais c’est une pression qui ne s’exerce pas sur David Cameron.

Autre leçon : le Royaume-Uni est sorti de l’UE. Mais les relations financières et monétaires entre les deux parties vont continuer. Les Africains ne sont pas obligés de copier le modèle d’intégration de l’UE tel qu’on le voit dans l’Uemoa, avec une Commission, un Parlement, une Cour de Justice. Nous n’avons pas besoin de suivre le même chemin. Si chacun de nos pays devenait démocratique, et si nous choisissions de disperser le pouvoir au sein des peuples, au lieu de faire le schéma européen, on peut décider que tous nos pays créent une fédération : Ouattara est président de Côte d’Ivoire, Buhari, président du Nigeria… Ils se comportent comme les gouverneurs de Californie ou du Nevada. On crée un gouvernement fédéral au dessus avec un Parlement fédéral, un Sénat fédéral qui va représenter les Etats. On se donne une monnaie fédérale, un budget fédéral. Chacun gère son Etat. Les populations ont le statut de citoyens africains, circulent sans qu’il n’y ait de frontières auxquelles on demande les passeports ou la ré-immatriculation des voitures. On peut avoir un autre schéma d’intégration.

Dernière leçon : nos questions monétaires peuvent être rediscutées. Si le Cfa ne nous satisfait pas, on peut le remettre en cause. On peut se plaindre devant la Cour internationale de Justice. Dire que les accords sont léonins et ne nous arrangent pas. On va renégocier, nous arrimer à un panier de monnaies dont l’euro, le dollar, le yen, le yuan. On peut bien fonctionner sans avoir peur qu’on vienne nous bombarder. Redevenons des Hommes libres et responsables, redevenons simplement de Hommes de notre époque.

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