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Assemblée nationale: Affi rompt le silence et démonte le budget 2018 et dénonce un braquage institutionnel.

Le président du Fpi, Pascal Affi N’guessan, a littéralement déchiré le budget voté le jeudi dernier, par ses pairs députés

Le président du Fpi, Pascal Affi N’guessan, député de Bongouanou sous-préfecture, a produit une déclaration devant les députés le jeudi 21 décembre 2017 dans laquelle il qualifie la loi portant budget 2018 de l’Etat de Côte d’Ivoire de braquage institutionnel des deniers publics par le pouvoir RHDP. Il dénonce un amateurisme du régime Ouattara.

DECLARATION SUR LE VOTE DU PROJET DE LOI PORTANT BUDGET 2018 DE L’ETAT DE COTE D’IVOIRE 21 DECEMBRE 2017

Le rapport de présentation du projet de budget 2018 et celui de la commission des Affaires Economiques et Financières, soumis à notre délibération appellent des observations et commentaires aussi bien en ce qui concerne les hypothèses de base ayant servi à la construction du projet de budget qu’au niveau des ressources et des emplois du budget.

I. DES HYPOTHESES INSUFFISANTES ET PEU CREDIBLES
Habituellement le Gouvernement construit son projet de budget en s’appuyant essentiellement sur l’évolution de l’environnement économique au niveau mondial, sous-régional et national.

Pour 2018, le gouvernement n’a pas dérogé à cette pratique. Ce faisant, il n’a pas tiré les enseignements des tristes évènements de l’année 2017 qui ont totalement bouleversé la gestion budgétaire.

Or il est envisageable que l’année 2018 soit aussi sensible que 2017, compte tenu des trois facteurs suivants :

– Les groupes armés qui ont revendiqué en 2017 n’ont pas tous été pris en compte, notamment les démobilisés qui épisodiquement continuent de manifester ;
– l’année 2018 est une année charnière au plan électoral au cours de laquelle des changements important dans le cadre juridique et institutionnel des élections sont attendus par la classe politique ; avec tous les risques éventuels ;
– les luttes de positionnement dans la perspective de l’élection présidentielle de 2020 sont susceptibles de troubler l’ordre public et d’impacter la bonne gestion du budget 2018.

Le projet de budget qui nous est soumis, n’anticipe sur aucun de ces facteurs socio-politiques. Quelle est la stratégie du gouvernement pour affronter sereinement ces échéances ?

S’agissant des données économiques, le gouvernement prend à son compte les tendances au niveau international et dans la zone UEMOA. Il affirme par ailleurs que l’économie nationale devrait rebondir avec un taux de croissance de 8,3% grâce notamment au dynamisme des secteurs tertiaire et secondaire qui serait induit par la consommation d’une part et l’investissement d’autre part.

C’est une affirmation gratuite qui n’est étayée par aucun élément de politique économique. Dans un pays qui ne compte que 4 millions de travailleurs dans le secteur formel avec un revenu moyen de 105.000 FCFA, sur une population active de 13 millions de personnes, où les chômeurs sont laissés pour compte et les agriculteurs abandonnés aux opérateurs véreux, d’où sort le dynamisme de la consommation qui doperait les recettes fiscales ?

Quant aux investissements, les expériences passées, notamment les gestions 2016 et 2017 ont montré que la nature des projets (infrastructures) et le mode de financement (emprunt extérieurs) ont des impacts limités sur l’économie nationale, donc sur les recettes fiscales, de sorte que la croissance qu’ils induisent est taxée de ‘‘croissance appauvrissante’’.

Au total, les hypothèses qui fondent le projet de budget 2018 nous apparaissent non pertinentes et peu fiables. Des hypothèses erronées ne peuvent que conduire à un budget non sincère.

II. ANALYSE DES RESSOURCES ET DES EMPLOIS DU PROJET DE BUDGET

Le projet de budget 2018 s’équilibre en recettes et en dépenses à 6 756 milliards de FCFA contre 6 448 milliards de FCFA pour le collectif budgétaire 2017, soit une hausse de 309 milliards de FCFA (+4,8%).

Notons que la moyenne de la progression du budget de 2010 à 2016 a été de 10%. Cette variation limitée en 2018 est préoccupante. Elle traduit l’essoufflement du dynamisme budgétaire lié à l’évaporation des effets de rattrapage économique consécutifs à la sortie de crise et à l’absence de ressorts économiques de substitution au niveau national. Naturellement cette faible progression des recettes a une incidence sur le budget des dépenses.

1. Analyse des ressources du budget 2018

Les ressources du budget 2018 sont marquées par :
– l’effondrement des ‘’autres ressources intérieures’’ ;
– la baisse des ressources extérieures ;
– la stagnation des ressources d’emprunt ;
– une hausse des recettes fiscales et des recettes des comptes spéciaux du trésor.

L’effondrement des recettes non fiscales qui sont projetées à 116 milliards de FCFA contre 156 milliards en 2017, soit une baisse de 41 milliards (-26%) est dû selon le gouvernement à une baisse des revenus des privatisations et des rétrocessions C2D. Est-ce parce que nous avons de moins en moins de choses à vendre ou ce qui reste est-il invendable ou avons-nous renoncé au programme de privatisation ? Le gouvernement ne donne aucune réponse à ces questions.

Les ressources extérieures baissent globalement de 6,39% passant de 1 373 milliards FCFA en 2017 à 1 285 milliards. Dans cette enveloppe, les appuis budgétaires baissent de 18% (-78 milliards FCFA), les concours de la Banque mondiale baissent de 45 milliards FCFA, nous n’avons aucun financement ni de la Banque Africaine de Développement, ni de l’Agence Française de Coopération. Même les financements projets baissent légèrement. Quand on sait que le recours aux financements extérieurs a été un axe majeur de la politique de monsieur Alassane Ouattara, on est en droit de se poser des questions : Avons-nous été abandonnés par la communauté financière internationale ? Que dit le gouvernement par rapport à cette situation ?

Le tassement, voire le recul des financements extérieurs est tel que la relative évolution des recettes fiscales qui sont projetées à 3 406 milliards de FCFA contre 3 071 milliards de FCFA en 2017 (soit +11%), est insuffisant pour booster l’ensemble des ressources de l’Etat. Si la tendance se confirme, de sombres perspectives se profilent à l’horizon.

2. Analyse des dépenses

Evidement, compte tenu de la faible croissance des ressources, la dépense publique ne peut se déployer, d’autant que le service de la dette publique progresse, de +8% en ce qui concerne la dette intérieure, et de +10% pour la dette extérieure.

La question de l’endettement extérieur est désormais un sujet de préoccupation, voire d’inquiétude dans les milieux financiers, y compris au niveau des bailleurs de fonds internationaux. C’est que, au 31 décembre 2017, le stock de la dette s’établit à 8846,7 milliards de F CFA, soit 106% du stock de la dette au moment du point d’achèvement de l’Initiative PPTE. Nous avons plus que reconstitué la dette en cinq ans.

Cette situation est d’autant inquiétante que la croissance économique s’atténue et que les ressources internes ne progressent pas suffisamment. Comment le gouvernement compte-t-il inverser ces différentes tendances négatives ?

3. La ventilation du budget

La ventilation du budget entre les 13 institutions de la République et les 32 ministères fait ressortir les éléments suivants :

– Baisse de 3,62 % du budget des institutions qui passe de 251,5 milliards de francs CFA à 244,8 milliards de Francs CFA. Malgré cette baisse le budget reste exorbitant ; en particulier, le budget de la Présidence de la République est excessif : 95 milliards de francs CFA dont 15 milliards de francs CFA au titre des investissements. Quels investissements pour une institution qui n’a aucune vocation opérationnelle.
Le budget des Ministères à vocation économique représente 55 % du budget, contre 57 % en 2017. Malgré son importance, les allocations aux ministères sont tellement hasardeuses qu’elles ne permettent pas de cerner la logique de la politique économique du gouvernement :

– Les dotations au ministère du Pétrole et de l’Energie baissent, celles au profit de l’Agriculture augmentent ;
– Celles au ministère du Plan et du Développement baissent, les dotations aux Infrastructures progressent pendant que les crédits au ministère de l’Industrie et des Mines et au ministère du Tourisme reculent. Quelle logique préside ces dotations budgétaires ? Comment peut-on tabler sur le dynamisme des secteurs secondaire et tertiaire et dans le même temps réduire les crédits affectés à l’industrie, aux mines, au pétrole, à l’énergie et au tourisme ? Manifestement, il y a un problème de cohérence entre les ambitions proclamées et les moyens alloués.

L’ensemble des collectivités locales ont droit à un budget de 65 milliards de francs CFA, moins que le budget de la Présidence de la République, pour prendre en charge les 26 millions d’Ivoiriens dans leurs besoins essentiels, soit 2 500 FCFA par personne et par an. Pourquoi ? Une véritable insulte à la nation.

CONCLUSION

Au total, non seulement ce projet de budget établi sur des bases aléatoires n’est pas sincère, mais en plus il manque d’ambition et consacre la mainmise des Institutions budgétivores sur les finances publiques. La politique économique manque de moyens et le développement local est sacrifié. Pour toutes ces raisons, j’ai voté contre le projet de budget 2018.

L’Honorable Pascal AFFI N’Guessan
Député des Sous-Préfectures et Commune d’Andé, d’Assié-Koumassi et de N’Guessankro, et de la Sous-préfecture de Bongouanou

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