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Tourisme au Sénégal: « On n’a jamais rien bâti sur l’oubli et le silence » Joseph Ndiaye, ancien combattant

Des citations de cette force, il y en a une trentaine affichée sur les murs du bureau du Conservateur à la maison des esclaves.
J’y étais aujourd’hui. Revenue deux ans plus tard sur l’île de Gorée, j’étais déterminée à saisir une aubaine : Entendre Monsieur Éloi Koly. D’un ton solennel, d’une voix lyrique, il présente aux visiteurs l’histoire des noirs gardés puis déportés de cette bâtisse lugubre sur une île pourtant paradisiaque.
Le conservateur est un habitué de l’exercice qu’il mène avec grâce. Je l’écoute les yeux fermés. Sa voix porte. Il est ferme et grave. Pas de vidéos, ni de photos à cet instant précis. Au terme de son récit, l’on peut explorer ces cellules déshumanisantes. Je surseois. Je l’ai fait une fois, et cela m’avait chamboulée. Je veux rester concentrée, lucide pour l’entretien que je conspire. Monsieur Koli est tellement accaparé par les sollicitations de visiteurs. Il est ma cible.
Je finis par capter son attention alors qu’il achève un échange musclé. Il se calme. La salle se vide. Je l’approche prudemment en lui disant : « Je n’ai qu’une seule question. Accepteriez vous d’y répondre s’il vous plaît ? » Il me demande de m’asseoir.
« On nous dit que nos ancêtres ont vendu les siens pour de la pacotille et des miroirs. Est-ce vrai ? »
NON. Sa réponse est instinctive. Il développe ensuite.
Cette fable ne serait qu’un raccourci pour quelque part atténuer ou excuser le tort des esclavagistes européens. Les armes à feu, la poudre à canon, les barres de fer, et l’alcool notamment ont sous tendu les fameux miroirs et autres.
Les rapports entre les explorateurs européens et les africains se sont développés crescendo dans un climat apaisé et d’appatage. La traite négrière ne s’est réellement systématisée qu’à partir de la « découverte » de l’Amerique dont il fallait exploiter le café, le coton, et les mines. Les amérindiens étant peu munis pour ce type de travaux, l’idée est donc venue de déplacer une main d’œuvre d’Afrique qu’ils avaient eu le temps d’étudier entre 1444 et 1492.
Les africains ne vendaient pas les siens. Certains se faisaient piéger par « l’ami blanc » qui les invitait à manger et boire sur le bateau, d’autres ayant reçu des armes à feu et autre biens se sentant puissants s’imposaient au terme de conflits à des peuples locaux dont il vendaient les captifs en échange de biens.
On remarque donc, selon ses dires, qu’aux grandes périodes de traite négrière correspondent de grandes guerre tribales. Le tissu social affaibli, la pénétration de l’envahisseur devient plus aisé.
Je ne sais pas si je dois en déduire que les négriers étaient fourbes ou les africains naïfs. Je ne veux pas nous enfermer dans les clichés que j’exècre. Je suis juste convaincue d’une chose : Le système éducatif a besoin d’être amélioré afin de déconstruire les préjugés inscrits dans nos gênes (notre imaginaire), afin de faire disparaître l’idée que nous sommes inférieurs, pas futés, méchants. Ce systeme éducatif hérité du chasseur, du négrier, du colon doit repositionner davantage des role models africains dans ces chapitres. « Il faut procéder à une réécriture de notre histoire » souligne t-il. Je jubile. Nous sommes sur la même longueur d’onde. Ces dires me rappellent d’ailleurs mon responsable de stage en 2013 (voir post précédent)
Si je veux arriver à faire accepter à mon entourage que le noir n’est pas systématiquement moins intelligent ou curieux que les autres communautés raciales, je ne peux plus seulement me baser sur une argumentation logique, mais sur des éléments historiques, des références comme Monsieur Koli.
J’y reviendrai certainement.
Ceci est un résumé, un flash quoi !
A très vite pour d’autres partages de mon séjour sénégalais.

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