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Côte d’Ivoire : les jeux de loto : un business hasard, passionnant et rentable

Les jeux de hasard font partie du quotidien de certains en Côte d’Ivoire. Ils génèrent plusieurs milliards à l’Etat et représentent un business pour plusieurs jeunes. Et parmi ces jeux, il y a le loto. Si certains participent à ce jeu de la Loterie Nationale de Côte d’Ivoire (LONACI) par plaisir ou à la recherche d’un tremplin, d’autres en font un métier qui constitue une source de revenus.

Le jeu du loto dans le quotidien des jeunes ivoiriens.
Considéré comme un jeu de hasard, le loto de la LONACI se joue sur quatre périodes au cours de la journée à partir de combinaison de plusieurs chiffres allant de 1 à 90. À Abidjan, les personnes de toutes couches sociales jouent au loto. Du citoyen aux revenus moyens jusqu’au cadre de la fonction publique, les gens se bousculent devant les guichets ou espaces de jeu pour jouer au loto. Il suffit d’avoir au moins 25 FCFA pour jouer et espérer gagner. Les résultats viennent par vagues c’est-à-dire 10 h, 13 h, 16 h, et 18 h. À Angré 8ème tranche, un quartier huppé situé dans la commune de Cocody se trouve Yayé âgé de 25 ans et gérant d’un point de vente de ticket loto. Juste à côté d’un restaurant et d’une école privée, les gens s’impatientent pour parier ou voire les résultats de leurs mises. Selon le jeune Kaba, mécanicien âgé de 27 ans, cela fait deux semaines qu’il joue à ce jeu et c’est juste par curiosité même s’il commence à l’aimer : « Je parie parfois 500 ou 1000 FCFA par jour dans le loto, soit environ 5000 FCFA par semaine. Je n’ai pas de salaire mensuel, souvent le métier est lucratif, souvent rien du tout, mais on y croit et on s’accroît et c’est d’ailleurs pourquoi on joue. ». Selon Yayé, cette activité réunies toutes les couches sociales : « Nous recevons tout type de parieurs, il suffit que vous ayez 18 ans et plus pour pouvoir jouer. Il y a des ouvriers qui viennent jouer comme des cadres qui garent leur véhicule pour jouer souvent 100 voire 200 mille Fcfa », indique le gérant de l’espace de jeu. Un business qui rapporte beaucoup aux gérants d’espaces de jeux qui font d’office des parieurs : « Nous pouvons faire une recette journalière d’au moins 100 mille FCFA et nous avons 13% sur cette recette. Donc si vous avez gagné 100 mille dans la journée vous recevez 13 mille Fcfa. Alors que souvent nous pouvons avoir jusqu’à 600 mille FCFA par jour quand ça marche. », A-t-il expliqué. Contrairement à lui, Alpha lui est un habitué car cela fait 5 ans qu’il joue au loto : « J’aime bien ce jeu car il me permet de réfléchir. Dans le début je perdais beaucoup, mais depuis un moment je ne fais que gagner. Le mois passé j’ai parié 5000 FCFA pour deux combinaisons et j’ai gagné 350 mille Fcfa. Mais je ne vis pas de cet argent. Je suis fonctionnaire et je joue juste comme un tremplin ».

Le loto : 70 % du CA de la Lonaci
Créé depuis 2012, ce jeu made in LONACI faisait concurrence à un jeu de hasard similaire appelé ‘’loto ghanéen ” qui drainait du monde il y a quelques années. C’est au vu de ce constat que la LONACI a décidé en octobre 2018 de tisser des partenariats pour redynamiser et révolutionner ce jeu. Aujourd’hui, selon le service marketing de la LONACI, le loto constitue 70% des chiffres d’affaires de l’entreprise soit environ 80 milliards de FCFA pour près de 5000 points de vente.

Une activité qui nourrit son homme joueur et… » Magiciens des chiffres” !
À Anyama, commune de plus de 100 mille habitants situés au nord de la capitale ivoirienne, les jeunes se retrouvent tous les jours au guichet de jeu pour miser au loto avec l’espoir de gagner beaucoup plus d’argent. C’est le cas de Boureima Ouédraogo qui ne vit que du loto. Selon lui, parier peut-être un métier si l’on a beaucoup de chance : « Je joue au loto depuis 5 ans. J’ai gagné 500 mille une année et j’ai donc décidé d’investir dans l’élevage de poulet et de pintade. Aujourd’hui, je vis bien et je continue de jouer. », Confie Boureima Ouédraogo qui fait partie des meilleurs clients de Christian Boly, gérant d’un point de jeu de loto. Il indique qu’en moyenne ce sont plus de 40 jeunes qui viennent jouer à son guichet. Ce qui lui permet de faire de bonnes affaires par jour : « J’ai commencé à faire cette activité depuis bientôt 1 an grâce à mon grand frère qui m’a aidé à payer la machine. Je me fais suffisamment d’argent car par jour je peux faire une recette qui varie entre 150 et 400 mille par jour. C’est une activité pas compliquée parce que je suis toujours assis sous la bâche, je ne fais que m’occuper de mes clients même s’il y a de nombreuses difficultés dont les nombreuses agressions dont j’ai été une fois victime ici au quartier Sylla. », Explique Christian Boly.

Le loto étant un jeu de hasard, il entraîne son éventail de tentatives de truquages. Pour cela, des jeunes s’érigent en devin pour prétendre avoir les chiffres gagnants. La rédaction a contacté un jeune qui se dit devin et prévoit les numéros gagnants. Il s’agit de Keita Souleymane, appelé affectueusement ‘’Djinan’’ par ses amis. Il prétend avoir fait gagner plusieurs joueurs au loto grâce à sa magie : « Je ne travaille pas avec des génies. À force d’observer les combinaisons et les différents numéros gagnants, j’arrive à découvrir à travers des calculs dont moi seul ai les secrets à faire gagner certains joueurs qui sollicitent mon aide. Souvent, mes calculs ne tombent pas, mais rarement et les gens pensent que je suis un arnaqueur. Sinon j’en connais qui utilisent des génies, mais cette pratique est très dangereuse. », Explique le ‘’magicien des chiffres “. Sur place et comme par surprise, nous rencontrons un jeune homme qui utilise la magie noire pour gagner lorsqu’il joue : « Je ne partage pas ma magie avec quelqu’un, mais il me suffit de couper mon ticket et je fais ce que j’ai à faire pour gagner. Je n’ai jamais perdu, mais je fais beaucoup de sacrifice. J’arrive à subvenir à mes besoins et j’ai même une voiture grâce au loto. », Raconte cet homme mystique, qui n’a pas voulu décliner son identité. Cependant, ce n’est pas forcément vrai car ils sont pour la plupart des arnaqueurs selon un client qui s’est voulu discret : « J’ai failli me faire adouber par un homme qui prétendait avoir les vrais chiffres. Il a essayé de me convaincre et quand j’ai voulu lui faire confiance, heureusement pour moi un jeune homme l’avait remarqué. Il a aussitôt démenti ses mensonges puis il a pris la fuite. Souvent, ils sont complices avec les gérants eux-mêmes. Donc moi je suis désormais méfiant. », A-t-il dénoncé.

Les nombreuses difficultés liées au jeu du loto
Comme tout métier, il y a des difficultés que rencontrent les opérateurs qui leur font perdre souvent de l’argent et de la crédibilité : « l’une de nos grandes difficultés reste le problème du réseau car il est thermique et sans cela on ne peut tirer les tickets de pari. Et cela nous fait perdre de l’argent et parfois lorsque le client se rend compte que la machine se plante beaucoup, il va jouer ailleurs. Souvent le résultat s’annule. À cela s’ajoute le revenu de 13% qui est peu aux vus efforts que nous faisons. », A-t-il déploré. Même procédure pour l’acquisition de la machine de billetterie qui demande de remplir les conditions. Selon le service d’information de la LONACI, il suffit de constituer un dossier comprenant une demande adressée à la direction de la LONACI, la photocopie de la pièce d’identité, la situation géographique et une somme de 200 mille Fcfa si la demande est validée. Une somme que dément Yayé : « C’est ce qu’on dit, sinon souvent il faut débourser jusqu’à 400 mille Fcfa pour s’approprier une machine puisque la demande est supérieure à l’offre. Donc plus tu donnes plus tu es privilégié. », A-t-il dénoncé. Après l’acquisition de la machine, le détenteur la conserve jusqu’à une durée indéterminée. S’il veut la restituer, il se rend à la LONACI pour remplir une procédure et il est remboursé. En cas de panne, la machine est réparée par la LONACI.

Du gérant au client, en passant par les « magiciens” le loto a créé son propre univers et tout le monde en tire une satisfaction économique.

Prince Khalil, AbidjanTV

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