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Répression en Iran : ces visages dans le couloir de la mort

Alors que depuis début décembre, quatre personnes ont déjà été exécutées en Iran en lien avec les manifestations qui secouent le pays depuis la mort de Mahsa Amini le 16 septembre, une vingtaine d’autres risquent de subir le même sort, selon Amnesty International.

Mohsen Shekari, Majid Reza Rahnavard, Mohammad Mehdi Karami, Sayed Mohammad Hosseini : ces quatre Iraniens ont été exécutés entre le 7 décembre et le 8 janvier dans le cadre de leur participation au vaste mouvement de contestation provoqué par la mort, le 16 septembre, de Mahsa Amini, après son arrestation par la police des mœurs.

D’après un décompte effectué par Amnesty International, une vingtaine d’autres individus risquent de subir le même sort, condamnés à la peine capitale après des “simulacres de procès”, qui s’appuient bien souvent sur “des aveux obtenus sous torture et des preuves frauduleuses”, selon les ONG. “Un nombre par ailleurs vraisemblablement sous-estimé alors que des milliers de personnes ont été emprisonnées depuis le début des manifestations”, déplorait mi-décembre Fanny Gallois, responsable du programme Libertés à Amnesty France.

Des artistes, des sportifs, des étudiants ou des pères de famille… France 24 dresse le portrait de plusieurs Iraniens condamnés à mort.

Mohsen Shekari, 23 ans, exécuté le 8 décembre

Mohsen Shekari a été le premier condamné à mort exécuté depuis le début du mouvement de contestation provoqué par la mort de Mahsa Amini. Accusé d’avoir blessé au couteau un membre de la milice des bassidjis, liée aux Gardiens de la révolution, et d’avoir bloqué la circulation sur une avenue de Téhéran lors d’une manifestation le 25 septembre, il a été pendu le 8 décembre dans le plus grand secret, moins de trois mois après son arrestation.

Originaire de Téhéran, le jeune homme était employé dans un café d’un quartier populaire de la ville. Sur les réseaux sociaux, ce passionné de rap apparaissait toujours vêtu de pantalons larges avec des foulards enroulés autour de la tête et des poignets. Dans une vidéo largement relayée après son exécution, on le voit chanter accompagné d’une guitare : “Je n’ai maintenant qu’un seul souhait, c’est de te voir une dernière fois”, déclame-t-il. “Tu es mon étoile solitaire.”

Selon le site d’opposition 1500tasvir, sa famille espérait encore qu’il fasse appel et n’avait pas de nouvelles de lui lorsqu’elle a appris qu’il avait été exécuté. Dans une vidéo diffusée après l’annonce de sa mort, sa mère hurle dans la rue, incapable de marcher, sous le choc.

Majidreza Rahnavard, 23 ans, exécuté le 12 décembre

Après Mohsen Shekari, Majidreza Rahnavard, 23 ans, a été pendu à l’aube le 12 décembre, 23 jours seulement après son arrestation. Il était accusé d’avoir tué à l’arme blanche deux membres des forces de sécurité et d’avoir blessé quatre autres personnes. Dans les heures qui ont suivi son exécution, les médias d’État ont diffusé des images montrant le jeune homme, les mains liées derrière le dos, suspendu à une corde attachée à une grue sur une place de la ville de Machhad, dans le nord-est de l’Iran.

Dans les jours qui avaient précédé son exécution, des vidéos circulant sur les réseaux sociaux le montraient hématomes sur le visage et bras dans le plâtre, avouant ses crimes. Des preuves de torture et d’aveux forcés, affirme Amnesty International.

Selon ses proches, Majidreza Rahnavard travaillait dans un magasin de vêtements et de chaussures pour femmes à Machhad et était un lutteur passionné – un sport vénéré en Iran.

Mohammad Mehdi Karami, 22 ans, exécuté le 7 janvier
Mohammad Mehdi Karami.

Mohammad Mehdi Karami, 22 ans, a été exécuté le 7 janvier. Le jeune homme avait été arrêté début novembre, lui aussi accusé d’avoir tué un membre de la milice des bassidjis lors d’une manifestation dans la ville de Karaj, située à environ une heure de Téhéran. Il a ainsi été condamné à mort un mois après son arrestation par le tribunal révolutionnaire de Karaj, lors d’un procès collectif.

“Mon fils est un champion de karaté. Il a gagné plusieurs médailles lors de compétitions nationales. Il était même quatrième de l’équipe iranienne”, témoigne son père, vendeur de mouchoirs à la sauvette, dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux. Originaire du Kurdistan, la famille avait déménagé à Karaj pour travailler.

Sayed Mohammad Hosseini, 39 ans, exécuté le 7 janvier

Sayed Mohammad Hosseini, 39 ans, a été exécuté le 7 janvier en même temps que Mohammad Mehdi Karami et pour les mêmes accusations. Très peu d’informations personnelles sont disponibles sur lui, ses proches ayant refusé de s’exprimer auprès des médias. Selon son avocat, il se rendait au cimetière où sont enterrés ses parents quand il a été interpellé. “Le couteau que j’avais sur moi était destiné à planter des fleurs et des plantes autour de leurs tombes”, lui aurait expliqué Sayed Mohammad Hosseini.

Dans un message posté sur Twitter, son avocat a par ailleurs dénoncé des actes de torture à l’encontre de son client lors de son incarcération. “Il a été gravement torturé, battu. Il a reçu des coups de pied à la tête et est tombé inconscient. Il a été frappé avec une barre de fer sur la plante des pieds et a reçu des chocs électriques sur différentes parties de son corps”, écrit-il.

Mohammad Boroughani, 19 ans, condamné à mort

Mohammad Boroughani a été arrêté à Pakdacht, une ville industrielle au sud-est de Téhéran. Qualifié par les autorités iraniennes de “leader des émeutes” dans cette ville, il est lui aussi accusé d’avoir blessé au couteau un agent de l’État, d’avoir brandi une machette et d’avoir mis le feu au bâtiment du gouverneur.

“Je suis sorti dans la rue à cause d’une story Instagram que mon ami a postée. Je ne connais rien à la politique”, se serait-il justifié lors de son procès, selon l’agence de presse iranienne Tasnim. Peu d’informations circulent sur lui. Selon les médias iraniens, son père gagnait sa vie en ramassant des débris de métal pour les vendre. Le jeune homme, quant à lui, travaillait dans une entreprise de sous-traitance depuis deux ans.

Sa condamnation à mort a été confirmée le 2 janvier, laissant craindre que son exécution soit imminente. Le 8 janvier, pour empêcher son exécution, une foule d’Iraniens s’est cependant réunie devant la prison de Rajaï Chahr, à Karaj, où il est maintenu en détention.

Mohammad Ghobadlou, 22 ans, condamné à mort

Mohammad Ghobadlou a été arrêté à Téhéran le 22 septembre, accusé d’avoir renversé des policiers avec une voiture, faisant un mort et plusieurs blessés. Détenu avec Mohammad Boroughani, il a lui aussi écopé de la peine capitale.

Avant le début des manifestations, le jeune homme travaillait dans un salon de coiffure de la capitale. Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux le 1er novembre, sa mère explique que son fils est par ailleurs bipolaire et que, privé de visites en prison, il n’a plus accès à ses médicaments depuis des semaines.

Fin décembre, un groupe de psychiatres a, de son côté, publié une lettre ouverte adressée aux autorités judiciaires, incitant celles-ci à examiner de plus près la santé mentale du détenu et à analyser l’impact que cela a pu avoir sur son jugement lors des manifestations. Son avocat a par ailleurs déposé devant la Cour suprême une demande de révision judiciaire de son cas. Sa condamnation à mort a cependant été confirmée par les autorités judiciaires le 24 décembre.

Hamid Ghare-Hassanlou, 53 ans, condamné à mort

Le médecin radiologue Hamid Ghare-Hassanlou a été condamné à mort le 7 décembre, à Karaj. Sa femme, Farzaneh, a écopé de 25 ans de détention à la prison d’Ahvaz, dans le sud de l’Iran.

Selon Amnesty International, le couple avait assisté début novembre à une cérémonie pour le quarantième jour de la mort de Hadis Najafi, tuée lors d’une manifestation. En rentrant chez eux, Hamid Ghare-Hassanlou et son épouse se seraient retrouvés bloqués près d’un endroit où un milicien venait d’être tué. Toujours d’après l’ONG, les autorités judiciaires ont torturé le médecin pour obtenir de fausses confessions et obligé sa femme, sous la torture, à témoigner contre lui.

Hamid Ghare-Hassanlou est connu pour avoir longtemps travaillé dans des zones défavorisées. En parallèle de son travail de radiologue, il soignait des patients bénévolement dans une clinique publique et aidait à la construction d’écoles, selon des publications en ligne relayées par la communauté médicale iranienne à l’étranger. Celle-ci s’est fortement mobilisée pour empêcher son exécution et exiger la libération du couple.

Le 3 janvier, les autorités judiciaires ont annoncé qu’elles avaient annulé le verdict rendu à l’encontre du cardiologue, invoquant des lacunes dans l’enquête. L’affaire a cependant été renvoyée devant la justice et les mêmes accusations pèsent toujours contre lui.

Hossein Mohammadi, 26 ans, condamné à mort

Hossein Mohammadi a été arrêté le 5 novembre à Karaj, accusé d’avoir tué un membre des bassidjis. Acteur de théâtre, poète et chanteur, il a joué dans plusieurs courts métrages et pièces de théâtre en Iran.

Dans une nouvelle marque de son soutien aux manifestants, l’actrice française Juliette Binoche – qui s’était déjà illustrée en se coupant publiquement une mèche de cheveux et en affichant sur Instagram #FemmeVieLiberté, le slogan du mouvement de contestation – a d’ailleurs posté une vidéo de lui et écrit : “Non aux exécutions en Iran. Non à la peine de mort.”

Comme Hamid Ghare-Hassanlou, les autorités judiciaires ont annulé sa condamnation à mort début janvier, invoquant des lacunes dans l’enquête. L’affaire a cependant elle aussi été renvoyée pour un nouveau procès. Il risque donc toujours d’être exécuté.

Sahand Nourmohammad-Zadeh, 26 ans, condamné à mort

Sahand Nourmohammad-Zadeh a été arrêté le 23 septembre à Téhéran pour avoir brûlé une poubelle et des pneus et avoir détruit des barrières de sécurité d’autoroute lors d’une manifestation. Dans une conversation avec sa famille relayée par la BBC en persan, l’homme de 26 ans assure cependant n’avoir fait “que donner un coup de pied dans une poubelle” et avoir déplacé “des barrières déjà abîmées”.

Haltérophile, il a, selon des publications sur les réseaux sociaux, remporté de nombreuses médailles dans des compétitions nationales. Avant le début des manifestations, il travaillait, en parallèle de sa carrière de sportif, dans la bijouterie d’un centre commercial de la capitale. Une centaine de ses collègues ont d’ailleurs signé une pétition clamant son innocence.

Dans une vidéo, ses deux grand-mères appellent la justice iranienne à sa libération et à abandonner les charges qui pèsent contre lui. “Nous sommes deux vieilles femmes désespérées qui vous supplient de le pardonner”, exprime l’une d’elles.

Saman Seydi, 24 ans, condamné à mort

Saman Seydi, aussi connu sous le nom de scène Yasin, est un chanteur-compositeur d’origine kurde. Il a été arrêté le 2 octobre à Téhéran, accusé d’être en possession d’une arme à feu et d’avoir tiré trois fois en l’air lors d’une manifestation.

Le jeune homme, qui vivait jusqu’alors avec ses parents et ses deux sœurs, publiait régulièrement des vidéos présentant ses chansons sur sa page Instagram. Les textes, majoritairement en kurde, revenaient souvent sur l’injustice sociale qui touche cette minorité en Iran. Dès le début des manifestations, il a écrit plusieurs plusieurs chansons en soutien au mouvement de contestation. “Mon fils est un artiste, mon fils n’est pas un émeutier”, a martelé sa mère dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux.

Manouchehr Mehman Navaz, 45 ans, condamné à mort

Manouchehr Mehman Navaz, arrêté le 25 septembre dans la banlieue de Téhéran, est accusé d’avoir mis le feu à un bâtiment gouvernemental et à plusieurs voitures ainsi que d’avoir attaqué le poste d’un garde de sécurité avec des cocktails Molotov. Les autorités judiciaires ont demandé qu’il soit pendu en public au même endroit que l’incendie.

Très peu d’informations sont disponibles sur lui. Il est marié et a deux filles adolescentes, selon l’ONG Iran Human Rights basée en Norvège et répertoriant les condamnations à mort en Iran.

Selon Amnesty International, d’autres individus, pour lesquels les informations sont manquantes, sont actuellement dans le couloir de la mort. Parmi eux, Saleh Mirhashemi Baltaghi, un champion et entraîneur de karaté de 36 ans, reconnu coupable d’avoir participé à une attaque dans la ville d’Ispahan pendant une manifestation mi-novembre, selon Mizan Online. Mais aussi “Abolfazl Mehri, Hossein Hajilou, Saeed Shirazi, Hajar Hamidi, Akbar Ghafari, Mohsen Rezazadeh Gharagholou, Toomaj Salehi, Amir Nasr Azadani, Ebrahim Rigi, Farzad et Farhad Tahazadeh, Karwan Shahiparvaneh, Reza Eslamdoost et Shahram Marouf”, liste l’ONG.

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