Ouverture du colloque du Cojep

« Il faut donner à l’adversaire ce qu’on a de cher »

Pour Charles Blé Goudé, le président du Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (Cojep), la paix coûte cher.

Dans un message qu’il a adressé aux Ivoiriens et au pouvoir en place en Côte d’Ivoire depuis sa prison de Sheveningen, à La Haye, lu par Sita Coulibaly, à l’ouverture du colloque international que son mouvement organise, du 18 au 19 juin 2015, à Asthoria Palace, à Yopougon, Blé Goudé a invité le régime Ouattara à travailler effectivement dans le sens de la paix et de la réconciliation. En évitant, notamment, de s’en prendre à l’opposition. « N’oubliez jamais que faire la paix, ce n’est pas faire du folklore. Faire la paix, ce n’est pas faire du m’as-tu vu. Faire la paix, ce n’est pas prendre des décisions cosmétiques et trompe-l’œil pour charmer la communauté internationale. Faire la paix, ce n’est pas démanteler et museler l’opposition. Faire la paix, ce n’est pas vouloir éradiquer la violence par la violence. Le faire est un échec », a asséné Charlé Blé Goudé. Et de poursuivre : « Faire la paix, ce n’est pas non plus se renier et abandonner ses convictions. Il est possible que nous fassions la paix dans le respect de nos divergences et nos contradictions. Ce sont nos différences qui font la beauté de la vie ».

Le président statutaire du Cojep a invité ses militants, qui réfléchissent sur le thème ”Construire la paix dans l’esprit et le cœur des hommes”, à toujours promouvoir le pardon, loin des invectives. « Malgré mon enfermement ici à la Cpi (Cour pénale internationale), je continuerai de vous encourager à la réflexion et non à vous nourrir à la sève de l’intolérance, des excès et des passions », a-t-il soutenu, en présence d’Aïchatou Mindaoudou, la patronne de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci).

Face au Professeurs Séri Bailly, Dédi Séri, Malick N’Diaye de l’université Cheick Anta Diop du Sénégal, mais aussi du Dr Michel Gbagbo, du député de Port-Bouët, Kouadio Konan Bertin dit KKB, de Mgr Paul-Siméon Ahouana, la vice-présidente du Cojep, Sita Coulibaly a transmis le message de Blé Goudé. À l’en croire, la meilleure façon de conjurer un mal, c’est d’en prendre conscience. Aussi a-t-il affirmé que « faire la politique, c’est construire l’avenir, c’est promouvoir des valeurs, c’est rassurer le peuple au nom duquel on prétend parler, c’est savoir tendre la main à l’adversaire, lui tendre la main au moment même où ce dernier semble affaibli ou vaincu, car, un ennemi affaibli ou vaincu à qui le vainqueur tend la main peut devenir un allié. Cependant, un ennemi affaibli ou vaincu que l’adversaire s’entête à piétiner et à humilier, peut un jour revenir sous une forme ou une autre ».

« Que l’on pratique la paix dans les faits et non dans les slogans hypocrites pour tromper et charmer les organisations internationales », a martelé le dernier ministre de la Jeunesse de Laurent Gbagbo. Il a appelé le Cojep à s’inscrire sur la voie de la paix parce que, selon lui, « la paix coûte parfois de rencontrer et de parler avec des personnes avec lesquelles l’on n’en a aucune envie. La paix peut coûter de faire des choses que l’on n’aime pas ; de concéder à l’adversaire ce qui nous est cher. La Paix coûte souvent même d’essuyer les injures et la colère de ses propres partisans ». Pour lui, il faut poser les problèmes qui fâchent.

Cette initiative a été saluée par Aïchatou Mindaoudou, la patronne de l’Onuci. « Toute action, toute initiative qui va dans ce sens requiert la présence des Nations unies. Je suis venue ici pour soutenir cette volonté d’aller vers la consolidation de la paix en Côte d’Ivoire », a-t-elle déclaré, souhaitant que « tous ses (Blé Goudé) militants écoutent cet appel à aller à la paix, à la tolérance et à la fraternité ». Quant au député KKB, il a réitéré son soutien à son « ami et frère ». Il a salué aussi « la profondeur et la grandeur du message » de Blé Goudé. Le président du Front populaire-unis (Fp-u), Zadi Djédjé, qui était présent à cette rencontre, s’est dit heureux. « Charles Blé Goudé est un homme de paix, il a toujours prôné la paix dans ce pays. Même étant en prison, loin de son pays, il décide d’organiser ce colloque. C’est à saluer, à féliciter. Le pouvoir en place doit comprendre qu’il a eu tort d’envoyer Blé Goudé à La Haye », a-t-il dit, invitant le Cojep à ne jamais écouter « les ennemis de la paix ».

Un universitaire sénégalais interpelle Ouattara et Soro

Le professeur de Sociologie à l’université Cheick Anta Diop du Sénégal, Malick N’Diaye, n’a pas porté de gants pour dénoncer les politiques ivoiriens qu’il accuse d’être à la base de la crise ivoirienne. Pour lui, les Ivoiriens devraient renouer avec leur esprit de partage, de pardon et de solidarité.

Dans le discours inaugural qu’il a prononcé à l’ouverture du colloque du Cojep sur la paix, l’universitaire a interpellé le président ivoirien, Alassane Ouattara, et son dauphin constitutionnel, Soro Guillaume, sur leur rôle pour ramener la paix en Côte d’Ivoire et réconcilier les Ivoiriens. Pour lui, cela passe inévitablement par un contact, pour le premier, avec Laurent Gbagbo, et pour le second, avec Charles Blé Goudé, tous les deux détenus à la prison de Sheveningen, à La Haye. « Il faut un sursaut chez tous les Ivoiriens. Il ne faut plus qu’on parle de pro-Gbagbo ou de pro-Ouattara. Soyez des pro-Ivoiriens. Il faut reconstituer les solidarités entre Ivoiriens », a-t-il exhorté. Avant de supplier : « Soro, va chercher Blé Goudé à La Haye ! Alassane Ouattara, va parler à Laurent Gbagbo ! » Pour lui, la paix et la réconciliation se trouvent dans ces initiatives. En effet, il a accusé la Côte d’Ivoire d’avoir mis en danger toute la sous-région en faisant la guerre. « La solution de la crise ivoirienne se trouve chez les Ivoiriens eux-mêmes. Que la Côte d’Ivoire confesse ses péchés, ses fautes, depuis les plus mignons. Il faut poser les questions qui fâchent », a déclaré Pr. N’Diaye.