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Côte d’ivoire:Guerre de succession à Ouattara: Soro – Hamed Bakayoko, Ça chauffe/ Deux blessés graves

soro et hamed

Guerre de succession à Ouattara: Soro – Hamed Bakayoko, le ton monte

Deux blessés graves

Le chef du parlement ivoirien, Guillaume Soro, et Hamed Bakayoko, le ministre de l’Intérieur, deux égo qui minent l’entourage du président de la République, Alassane Ouattara (Photo d’archives)

Guillaume Soro et Hamed Bakayoko ne se vouent plus l’amitié qui les liait avant l’accession au pouvoir d’Alassane Ouattara. Même s’ils n’affichent pas publiquement leur inimitié, ces deux proches de l’actuel président ivoirien ne manquent pas d’occasion pour se livrer à une guerre larvée.

Une véritable guerre froide entretenue à mots mi-couverts dont il faut redouter qu’elle explose à l’horizon. Ces dernières semaines, le ton semble monter d’un cran entre les deux individus et leurs clans, qui se regardent en chiens de faïence et s’efforcent, sans y arriver, de ne pas laisser transparaître leurs ressentiments les uns pour les autres.

Tout est parti des manifestations violentes lors des protestations contre la hausse constatée par les ménages sur les coûts des factures d’électricité. Ces manifestations, qui ont débuté le 19 juillet à Yamoussoukro, et ont atteint Daloa et Tiassalé le lendemain 20 juillet 2016, gagneront plus en intensité le vendredi 22 juillet à Bouaké, où elles ont pris une toute autre ampleur au regard des dégâts causés. Le même jour, contrairement aux autres fois, une réunion d’urgence du Rassemblement des Houphouétistes (Rhdp), coalition politique au pouvoir, est convoquée au siège du Pdci-Rda pour prendre position sur la situation.

Au sortir de cette réunion, qui a vu la participation du ministre de l’Energie et du pétrole, Adama Toungara, une déclaration est faite par le secrétaire général par intérim du Rdr, Amadou Soumahoro, par ailleurs président du Directoire du Rhdp. Ce dernier dénonce à la suite des manifestations, « des actes téléguidés par des mains obscures et des individus aux intentions inavouées ». Le lendemain samedi, une autre réunion de crise est organisée avec les jeunes du parti au pouvoir par le secrétaire général adjoint chargé de la mobilisation, Adama Bictogo et le conseiller du président de la République chargé de la Jeunesse, Touré Moussa.

A l’issue de cette réunion qui se déroule à huis clos, le ministre Bictogo dévoilera un pan de ce qui s’est dit dans la ”case”. « La rencontre de ce jour avec le Rjr obéit au fait que nos jeunes, devant la situation actuelle, doivent se mobiliser pour s’opposer à toute forme de violence, même si l’expression de la manifestation est autorisée par la loi. Qu’ils se lèvent pour que toute forme de violence ne puisse pas s’exercer. La réunion de ce jour avait pour objectif de mettre nos jeunes en ordre de bataille ». Un appel à la mobilisation, qui signifie qu’il y avait péril en la demeure. D’ailleurs, le lundi 25 juillet, un Bureau politique du Rdr sera convoqué à nouveau, au cours duquel les mêmes soupçons de « mains occultes » sont évoqués. Guillaume Soro en aurait-il pris la graine ?

Soro et les ”Ponce Pilate”

La réaction du président de l’Assemblée nationale ne se fera pas trop attendre. Lui, dont les renseignements ont dû certainement l’informer de ce qu’il serait indexé sur les événements qui venaient de se produire à Bouaké.

Dans une publication sur sa page facebook, le chef du parlement ivoirien, qui semble observer une trêve médiatique depuis quelque temps, se fait entendre. « Chers frères et sœurs, soyons des hommes et des femmes responsables, comme le Christ nous le recommande par son propre courage et son amour de la vérité. Quand nous nous sommes trompés, demandons pardon, faisons preuve de reconnaissance et réparons les torts que nous avons causés aux autres. La vie de la créature humaine s’allège et se purifie dans l’humilité et le pardon. Car, quand tu accuses lâchement ton frère en le pointant de l’index, n’oublie pas les quatre autres doigts qui se replient vers toi-même… », écrivait Guillaume Soro, dimanche 24 juillet 2016, en prenant prétexte d’un sermon sur la base d’un passage biblique pour dénoncer les ”Ponce Pilate”, synonyme de «lâcheté absolue » et de « traîtrise cynique » et se défendre éventuellement contre toute accusation.

A qui adresse-t-il ces mots ? Le président de l’Assemblée nationale laisse le(s) concerné(s) le deviner. Mardi 26 juillet 2016, profitant de la tribune de la clôture de la première session ordinaire de l’Assemblée nationale, le N°2 ivoirien remet le couvert, et de façon plus pointilleuse cette fois-ci. Réagissant aux remous sociaux, qui venaient de secouer le pays, il les condamne sans a priori et appel le gouvernement à la vigilance pour faire droit à la loi. Il va plus loin et dénonce la division que ces événements créent dans l’entourage du chef de l’Etat. « Dans les moments de troubles et autres soubresauts, la division demeure l’ennemi le plus redoutable à craindre. La division ne nous rendrait que plus affaiblis face à l’ennemi. C’est pourquoi j’en appelle à la sérénité de tous pour aborder, dans l’union, les difficultés au-devant de nous. Ne nous laissons pas aller à la panique, ne nous divisons pas non plus ». Puis Guillaume Soro d’ajouter, un tantinet accusateur :« Réfléchissons-y, en lieu et place de la rumeur corrosive et dévastatrice, rassemblons-nous, remobilisons-nous tous comme un seul homme pour défendre et préserver la paix si chèrement acquise. Mes chers collègues députés, évitons les procès en sorcellerie. Cela ne servirait à rien; nous devons travailler plutôt à l’union au resserrement des rangs, à l’apaisement et à la cohésion entre toutes les filles et tous les fils de ce pays(…) ». Des propos qui sont loin de concerner son auditoire à l’Hémicycle, où il tenait ce discours solennel.

Hamed Bakayoko à Bouaké

On ne parlerait pas d’une réponse du berger à la bergère, mais l’on n’en est pas loin. Vendredi dernier, profitant d’une cérémonie dite du pardon à laquelle il a pris part sur la place publique à Bouaké, le ministre de l’Intérieur fera une sortie plus qu’éloquente quant à l’ambiance qui prévaut dans le carré du chef de l’Etat.

Le premier flic ivoirien, sous un air quelque peu excédé, a dévoilé sur la place publique ce qui relève des secrets de sa profession. « Ce qui s’est passé à Bouaké n’est pas le fait du hasard, parce Bouaké est l’une des villes où au moment des casses, on n’avait pas encore distribué les deuxièmes factures. Donc tu casses pourquoi ? Tu casses la Cie et tu ne t’arrêtes pas là, tu t’attaques aux symboles de l’Etat, qui n’ont rien à voir avec la Cie. Mais, tout ça, c’est des enjeux politiques et des manipulations politiciennes. Or les vieux nous ont dit que dans la politique, il ne faut jamais se presser, donc tu vas monter, descendre, ce que Dieu veut pour toi, il va te le donner ; ce qui n’est pas pour toi, il ne te le donnera pas. Ado, Dieu a voulu qu’il soit président, il est là et il est indéboulonnable. Celui qui va s’amuser avec Ado verra qu’il n’est pas tombé du ciel. On se connaît. Un peu de respect ».

Hamed Bakayoko va plus loin et se montre même menaçant : «Cette fois-ci, on va aller jusqu’au bout. On va faire les enquêtes. Nous avons commencé les auditions, les langues se délient. Les moyens techniques irréfutables prouvent des choses. Donc il n’y aura pas d’impunité. Là aussi, quand tu fais quelque chose, si on t’attrape, tu assumes. Il ne faut pas te cacher pour dire : ”Ce n’est pas moi, je jure”. Non, il y a des éléments», a lâché sur un ton de fermeté le ministre de l’Intérieur et de la sécurité.

Réaction à Guillaume Soro, qui décline tout doigt porté vers lui ? Difficile de le dire de façon péremptoire, même si tous ceux qui décryptent ce discours ont les regards systématiquement tournés vers le chef du parlement ivoirien. Une sorte de passe d’arme par tribunes interposées qui montre bien qu’au-delà des chaudes poignées de mains et des sourires dont ils gratifient le public par moment, la guéguerre Soro – Hamed Bakayoko semble bien une réalité. Même si les deux acteurs paraissent bien entretenir cette tension en sourdine par le discours de la diversion.

Félix D.BONY

L’INTER

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