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Deconfinement en France : pour certains maires, un retour à l’école le 11 mai, “cela n’a pas de sens”

Plusieurs centaines de maires, farouchement opposés à la réouverture de leurs écoles le 11 mai, ont d’ores et déjà annoncé que les portes des classes resteront fermées la semaine prochaine. Ils dénoncent une reprise prématurée, sinon irresponsable.
Toutes les écoles ne rouvriront pas la semaine du 11 mai. L’association des maires d’Île-de-France a “solennellement” demandé dimanche 3 mai au président de la République de reporter la date de réouverture, faisant écho à plusieurs syndicats de l’enseignement primaire qui dénoncent l’impréparation et la précipitation du gouvernement.

“La préparation du déconfinement se fait dans un calendrier à marche forcée, alors que nous n’avons pas encore toutes les informations pour préparer la population, et que les directives sont mouvantes”, ont fait valoir les 329 maires signataires de la lettre ouverte au président, publiée sur le site de La Tribune.

Une missive qui n’est pas du goût de l’exécutif. “Cinq mois de décrochage scolaire, pour des dizaines de milliers de jeunes, c’est probablement une bombe à retardement”, a insisté lundi le Premier ministre, en présentant la stratégie de déconfinement du gouvernement devant les sénateurs.

À Stains, des enseignants et personnels majoritairement opposés à la reprise

“On ne peut pas jouer avec la santé de nos élèves ni celle du personnel”, explique à France 24 Azzedine Taibi, maire de Stains (Seine-Saint-Denis), signataire de la lettre ouverte. “Sous prétexte de sortir les élèves du confinement, on les contraint à rester confinés dans leur salle de classe pour prendre les repas, on les astreint à une foule d’obligations sanitaires, ça n’a pas de sens”, poursuit-il.

Car le protocole sanitaire préconisé par le gouvernement est extrêmement complexe à mettre en place, à en croire l’édile. “Je ne sais pas quel maire peut véritablement l’appliquer ? Et quand bien même il y parviendrait, l’encadrement perdrait plus de temps à mettre en place les mesures sanitaires qu’à enseigner”, fustige-t-il.

D’ailleurs,”une nette majorité de professeurs des écoles demeurent eux aussi opposés à la reprise des cours” dans les semaines qui arrivent, indique Azzedine Taibi. Même constat dans le secteur de la petite enfance : sur les 120 assistantes maternelles que comprend la ville, 60 % d’entre elles sont très réticentes à reprendre le travail.

Quant aux parents d’élève, ils ne sont guère plus rassurés. Un questionnaire envoyé la semaine dernière à plus de 2 000 familles stanoises, a montré – sur les 800 réponses reçues -, que 75 % des parents ne souhaitaient pas renvoyer leur enfant à l’école. “J’ai bien conscience que ces résultats ne reflètent pas la situation sur le plan national mais témoignent d’une réalité locale. Le département de la Seine-Saint-Denis a payé un lourd tribut au coronavirus. Beaucoup de familles ont été endeuillées. De nombreux habitants ont peur. Ici, on ne peut pas reprendre comme ailleurs”.

Quid des responsabilités juridiques?

Les maires qui refusent de rouvrir leurs écoles ne cachent non plus leurs propres inquiétudes. “En cas de contamination d’un membre du personnel ou d’un élève, il y a un véritable vide juridique et pénal. Il semble que la responsabilité des maires soit engagée. Et je ne veux pas pâtir de la mauvaise gestion de l’État”.

Pour toutes ces raisons, le maire de Seine-Saint-Denis a déjà prévenu que les écoles ne rouvriront donc pas la semaine du 11 mai, ni les suivantes. Il préfère envisager la rentrée de septembre et “prendre le temps de former correctement le personnel aux mesures sanitaires”. En attendant, le maire veut favoriser les “alternatives”. “La semaine dernière, nous avons distribué 200 tablettes numériques et comptons en donner autant la semaine prochaine pour développer l’école à distance et réduire la fracture numérique. Nous encourageons également les enseignants à reprendre contact avec les décrocheurs. Nous comptons également sur les associations locales, les étudiants, pour occuper le temps périscolaire”.

“La course à l’échalote”

Une réflexion partagée par certains syndicats de parents d’élèves qui préfèrent se ranger derrière l’avis du Conseil scientifique. Le 25 avril, le collège de sociologues, virologues et autres infectiologues a effectivement publié un avis, intitulé “Sortie progressive de confinement prérequis et mesures phares”, dans lequel il préconise une réouverture des écoles en septembre.

“Évidemment, nous souhaitons une reprise de l’école le plus tôt possible, assure à France 24 Rodrigo Arena, co-président de la FCPE. Mais cette reprise ne doit pas être la course à l’échalote. Il faut dès à présent réinventer un nouveau modèle qui permette d’accueillir et de mettre en contact des élèves qui rencontrent des difficultés sociales avec des assistantes sociales. Puis, travailler dans un second temps sur un dispositif d’accueil sérieux pour le reste des élèves en septembre.”

“Reprendre le combat”

Toutes ces réticences ne surprennent pas le gouvernement. “On a prévu beaucoup de souplesse locale pour que chaque école puisse régler son flux d’élèves en fonction des réalités locales”, avait annoncé dès le 1er mai, Jean-Michel Blanquer, dans un entretien accordé au Figaro.

Pas question pour l’exécutif de contraindre qui que ce soit. “On va regarder au cas par cas, avec les préfets, avec les maires… Nous ne voulons brusquer personne”, indique-t-on encore dans l’entourage du président. Mais convaincre. Emmanuel Macron se rend d’ailleurs mardi dans une école de Poissy (Yvelines) dont le maire a choisi de rouvrir ses écoles. Avec le chef de l’État, l’édile est convaincu qu’un retour peut se faire en respectant le protocole sanitaire, comme il a déjà pu l’expérimenter avec les enfants de soignants. “Il n’y a pas de bons et de mauvais élèves”, a déclaré lundi Karl Olive sur BFMTV évoquant le choix des maires. Mais “il faut y aller par palier”, “reprendre confiance” et “reprendre le combat”.

France 24

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