05072024Headline:

Côte d’Ivoire : les ivoiriens sont fatigués ! On est fatigué !

Alors qu’on croyait être sorti des grandes frayeurs de la crise post-électorale de 2010-2011, les protestations bruyantes de militaires ces derniers jours ont révélé la fébrilité de la paix en Côte d’Ivoire.

Par Serge Kouamé

Pas un seul répit depuis deux décennies, notre jeune histoire a été jalonnée par des crises, boycott actif, coup d’État, rébellion armée avec l’épilogue de la crise post-électorale qui a fait 3000 morts. On pourrait se demander si le destin de millions de jeunes ivoiriens est lié à la tragédie. Les mêmes acteurs, ces politiciens gérontophiles, sont toujours à la manœuvre et le péril guette la nation.

Au-delà de l’embellie économique, c’est un pays au bord de la décadence

Bienvenue en Côte d’Ivoire, un pays qui commençait la remontée de la pente avec une allure plus séduisante pour les investisseurs. On chantait déjà ses louanges à deux refrains, pardon sa croissance à deux chiffres. Malheureusement, c’est sans compter avec ses placards qui cachent encore des cadavres.  Une image pour désigner ses tares. Car au-delà de l’embellie économique, c’est un pays au bord de la décadence. Le népotisme y a pris des galons, les marchés publics dédiés de gré à gré, la richesse est devenue l’apanage de seuls privilégiés repartis entre proches du grand frère et de son cadet. Pendant ce temps, la justice peine à (ré)concilier les ivoiriens. Une justice de vengeance où on cajole le criminel et on condamne l’accusé.

La justice ivoirienne a mal de ses animateurs devenus trop politiques pour dire le droit. Que dire de la justice sociale, elle reste bien amorphe d’où la colère des fonctionnaires. La Côte d’Ivoire est assise sur un brasier. Aujourd’hui, certains politiques entretiennent la division, tout en professant en plein jour la réconciliation. L’armée est partagée entre une armée défaite, celle de seconde zone et une autre, issue de l’ex-rébellion, qui ne tarit pas d’éloges. C’est cette armée chouchoutée, habituée au lait et bénéficiant d’une impunité totale qui ne doit son salut qu’aux armes.

La Côte d’Ivoire est donc à la merci d’une bande de maître-chanteurs qui veut, elle aussi, profiter des fruits de la croissance. Ces militaires d’un autre genre, ne se gênent guère pour porter (encore) le glas à la république. Le devoir envers la république s’est mué en goût excessif pour l’argent, 12 millions de F CFA pour chaque mutin. Normal, quand on a humé l’impunité après la casse la BCEAO. Il faut le dire, les fondements de la république sont en berne, l’autorité de l’État est à la renverse. Ce n’est pas une Constitution adoptée dans une suspecte précipitation qui va guérir le passé et instaurer la paix. Que du Bluff !

 

Le président Ouattara doit rétablir la confiance dans la république

La paix se construit par des actions durables, loin des émotions et des sentiments de vengeance. Il appartient au président Ouattara de rétablir la confiance dans la république. La solution doit être globale et non sporadique en fonction des humeurs d’une corporation. Le malaise est réel, c’est pourquoi il est urgent de solder les problèmes liés à la crise post-électorale. Cela passe par une refonte en profondeur d’une armée véritablement républicaine. Une armée débarrassée de ses brebis galeuses pour faire émerger une armée de professionnels loin des contingences politiques.

Aussi, faut-il favoriser une justice véritablement équitable dans la conduite des procès liés à la crise de 2010-2011. L’inculpation de tous les suspects, pas seulement ceux du camp déchu de Laurent Gbagbo, la poursuite des auteurs des massacres de Duekoué et d’Anonkoua Kouté restera un signal fort. L’argent étant le nerf de la guerre, il est attendue une meilleure répartition de la richesse nationale entre régions, groupes communautaires et sociaux afin d’éviter un sentiment d’exclusion.

C’est à ce prix que la paix sera confortée, autrement, ce sera la porte ouverte à tous les aventuriers friands d’argent, de coup d’État et de rébellion.  Or le peuple ivoirien déjà traumatisé par ces années de crises n’aspire qu’à la quiétude.

Ivoire Justice

What Next?

Related Articles