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Crise au FPI: Blé Goudé réagit depuis la CPI ” Asseyez-vous et discutez”

Crise au FPI: Blé Goudé réagit depuis la CPI

Dans une correspondance intitulée mise au point de Charles Blé Goudé et dont nous avons reçu copie, Charles Blé Goudé a décidé de rompre le silence pour proposer sa solution à la crise qui mine le Fpi.

Au moment où les ivoiriens ont plus que jamais besoin de porte-voix et que le Président Laurent Gbagbo a le plus besoin de cohésion autour de lui, une crise secoue malheureusement le Front Populaire Ivoirien (FPI), principal parti de l’opposition ivoirienne.

A l’évidence, cette crise oppose deux visions antithétiques, deux lignes politiques qui n’arrivent pas à s’accorder sur une stratégie politique commune pour résoudre les problèmes du moment et reconquérir le pouvoir d’Etat.

Les premiers soupçonnent Pascal Affi N’guessan, Président en exercice du FPI et ses soutiens d’avoir pour projet d’assujettir le parti du Président Laurent Gbagbo au régime d’Abidjan ; une accusation que contestent les seconds. Face à la cristallisation de la situation, certains responsables, notamment des Fédéraux, ont estimé judicieux, à travers l’appel dit de Mama, de recourir à la candidature du fondateur du FPI à la tête de leur parti afin de certainement servir de trait-d’union.

L’ancien pensionnaire de la prison de Bouna et ses partisans quant à eux, émettent des réserves et des doutes sur la fiabilité et la pertinence d’une telle proposition comme panacée pour faire face aux préoccupations majeures du parti et des ivoiriens.

C’est un secret de polichinelle d’affirmer qu’au sein de toutes les structures du FPI on parle aujourd’hui de pro-Gbagbo (Gbagbo ou rien) et de pro-Affi (Affidés).

Le congrès, instance suprême chargé de trancher cette question principielle en vue de ramener le calme et la sérénité au sein de la maison rose, se retrouve malheureusement entre les griffes de la justice ivoirienne.

Le FPI a prêté le flanc et le régime d’Abidjan qui n’en attendait pas moins n’a pas du tout boudé son plaisir : il a invalidé la candidature du Président Laurent Gbagbo à la tête de son propre parti. Comme si cela ne suffisait pas, le siège provisoire de ce parti frère, cadre de rencontres et de réflexions pour donner une trajectoire et un souffle nouveau à la lutte et reprendre espoir mais aussi, lieu de retrouvailles pour préparer ledit congrès, a été hélas interdit d’accès aux militants par le pouvoir en place.

Face à cette situation, j’ai déjà eu l’occasion de partager avec vous ma vision. Mais comme si cela n’avait pas été suffisamment clair, en lieu et place du soutien que je suis légitimement en droit d’attendre de ceux avec qui je crois partager des idéaux, l’on me prête encore des propos et des prises de positions par presse interposée.

Sans décence, sans aucune bienséance, ils agissent comme si j’étais en voyage ordinaire, comme si j’étais en vacance, comme s’ils se souciaient peu de ma situation judiciaire à l’issue incertaine. Sans risque de me tromper, je peux dire qu’elle semble leur importer peu.

Qu’à cela ne tienne, compte tenue de la nature et de la profondeur de la crise actuelle au FPI qui est plus que préoccupante, je peux comprendre tous ceux qui, malgré la procédure judiciaire qui me maintient encore dans le fer carcéral, derrière les barreaux de la prison de la CPI, aux côtés du Président Laurent Gbagbo, dans l’attente de mon procès, souhaitent ou exigent que je me détermine absolument dans le débat qui a cours au sein du FPI.

Je sais qu’aucun partenaire crédible, sous aucun prétexte ne peut rester insensible ou indifférent à ce qui peut affaiblir son allié. C’est pourquoi, au-delà d’une simple prise de position que l’on attend de moi, j’ai fait le choix responsable de me déterminer autrement pour aider modestement le FPI à sortir de cette impasse sans précédent de son histoire.

On peut ne pas me comprendre aujourd’hui mais voyez-vous, tout le monde n’est pas forcement appelé à se quereller sur tous les sujets ; il faut bien qu’il puisse exister des personnes qui se donnent pour mission d’aider à éteindre le feu.

En pareille circonstance où les positions sont tranchées et paraissent inconciliables, je sais qu’une telle mission est un choix délicat voire une tâche périlleuse. Je me suis imposé une discipline et des principes qui constituent les critères dont je me sers pour prendre mes décisions et faire mes choix. Adopter une telle attitude n’est ni synonyme de neutralité ni assimilable à une trahison quelconque.

Les imprévus, les surprises du mouvement de la vie et le sort de l’histoire ont voulu que je partage au quotidien les peines et les douleurs carcérales du Président Laurent Gbagbo à la Haye.

C’est donc en toute conscience que j’ai opté pour cette démarche de principe dont rien ne peut m’écarter, pas même la peur d’être déstabilisé ou la crainte de me voir marginalisé vis-à-vis d’un groupe, encore moins les accusations de trahison auxquelles j’ai fini par m’habituer au regard de leur récurrence et de leur légèreté.

Surtout que le temps allié à toujours fini par faire éclater la vérité des faits pour confondre mes détracteurs et accusateurs qui semblent se plaire à vouloir bâtir leur carrière politique sur la sépulture de ma vie, malgré ma loyauté, mon engagement et ma fidélité à notre combat commun ; toute chose que je continue d’assumer dignement. L’honnêteté et ma culture politique commandent de ne pas encourager un tel conflit.

A tous les partenaires du FPI, si vous aimez vraiment Laurent Gbagbo, au lieu d’attiser le feu, faites tout pour le retour au calme et à la cohésion dans le parti dont il est le fondateur et qui se trouve être l’épine dorsale de notre lutte commune.

Chacun doit se garder de tout propos, attitudes pouvant davantage participer à l’effondrement de l’édifice bâti au prix de milles sacrifices par le Président Laurent Gbagbo et ses compagnons de lutte.

Les pro-Gbagbo payent déjà assez fort le prix des luttes de clans, source d’autodestruction. Tirer sans passion les leçons de notre situation actuelle, faire preuve de générosité politique, serait ma prescription au mal qui ronge en ce moment la maison du Président Laurent Gbagbo, symbole de la lutte pour une Afrique qui compte.

Notre rôle, notre responsabilité, c’est d’encourager les responsables du FPI à emprunter la voie de la réconciliation interne.

Si nous sommes incapables de ramener la paix en notre sein, serions-nous crédibles pour parler de paix et de réconciliation entre tous les ivoiriens ? Autrement dit, à défaut d’être la lune pour éclairer toute la terre soyons au moins une lampe tempête pour éclairer notre maison.

Contrairement à ceux qui affirment péremptoire qu’une solution négociée est difficile voire impossible, je reste convaincu que cela est encore possible car, c’est justement parce que cette solution est difficile qu’elle aura de la valeur.

Agir ainsi ne serait pas faire preuve de faiblesse ; bien au contraire ce serait éviter d’en rajouter à la douleur et au fardeau déjà trop pesant que portent les épaules du Président Laurent Gbagbo.

Leader tenace, il l’est mais, ne l’oublions jamais, Laurent Gbagbo est aussi comme nous, un être humain qui peut aussi souffrir de tout ce désordre qui, en définitive l’expose au sarcasme de ses adversaires et de tous ceux qui souhaitent sa mort politique et physique. A y penser de ma cellule, je vous l’avoue sans honte, j’ai souvent mal ; mon âme en souffre terriblement, moi qui partage son quotidien avec lui ici.

L’histoire récente de notre pays m’a beaucoup instruit. Je n’ai pas encore oublié qu’un simple refus de parole à feu Djeni Kobenan, lors du congrès du PDCI-RDA, en Juin 1994 a conduit à l’éclatement du parti du Président Houphouet Boigny.

J’ai encore à l’esprit que la déchirure du Front Républicain a conduit à la division de la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte-d’Ivoire (FESCI), principal mouvement étudiant. La rébellion armée en a été aussi l’une des conséquences, avec son cortège de violences et de meurtres qui ont endeuillé la Côte-d’Ivoire.

La crise actuelle au FPI a déjà divisée la Jeunesse de ce parti (JFPI) en au moins deux clans.

Au regard de ce qui précède, je m’en voudrais de m’associer à l’exacerbation d’une crise dont la jeunesse paiera encore le lourd tribut.

Le passé n’est certainement pas le meilleur avenir mais la mémoire peut participer à anticiper les conflits. Comme un noyé qui a besoin de toucher le fond pour remonter à la surface, les responsables du FPI sont-ils incapables de puiser au fond d’eux-mêmes pour sortir de cette impasse ? Le FPI, j’en suis convaincu, a les ressources humaines, les intelligences, les moyens intellectuels et les stratégies nécessaires pour surmonter rapidement cette triste parenthèse.

Au risque de faire le jeu de l’adversaire, je pense qu’il est encore temps, grand temps de faire preuve de dépassement, s’asseoir autour d’une table pour trouver une solution qui puisse sauver le navire FPI qui, s’il chavire risque de couler avec les espoirs de nombreux ivoiriens.

Le FPI a enseigné aux ivoiriens la voie du dialogue ; son fondateur Laurent Gbagbo n’est-il pas le père du « asseyons-nous et discutons ? » Alors je vous en prie, au nom des victimes de la crise ivoirienne, au nom des déplacés, des réfugiés, exilés et prisonniers politiques, au nom de tous ceux qui, du fait de la crise se retrouvent sans emploi, au nom de tous ceux qui souffrent dans leur chair et dans l’esprit, asseyez-vous et discutez ! Asseyez-vous et discutez !

CHARLES BLÉ GOUDÉ
Ancien Ministre de la Jeunesse et de la Formation Professionnelle
Consultant en Communication Politique
Président Fondateur du COJEP, détenu à La Haye

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