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Le révérend-docteur Yayé Dion fait de grandes révélations sur la chute de Bédié, Guéi, Gbagbo, prisonniers politiques…

dion robert

«Voici pourquoi Bédié, Guéi et Gbagbo sont tombés»

«Houphouët a eu un long règne parce qu’il écoutait les religieux»

Le révérend-docteur Yayé Dion appelle les hommes politiques à l’humilité pour des élections apaisées en octobre 2015

Président fondateur des Eglises protestantes baptiste œuvres et missions internationales (Epbomi), le révérend-docteur Yayé Dion Robert était face à la presse, le samedi 20 juin 2015, pour annoncer les festivités du 40ème anniversaire de sa communauté. Dans les échanges, le criminologue de formation, qui capitalise 40 ans de vie pastorale, s’est prononcé sur des questions de l’actualité nationale sur lesquels il gardait le silence

Il y a des sujets de l’actualité nationale, notamment la réconciliation, les prochaines élections ou les arrestations d’opposants politiques, sur lesquels vous ne vous êtes pas prononcé ces temps-ci. Que cache votre silence ?

Le silence de Dieu est nécessaire. Même dans le silence, j’entends dire que c’est parce que je suis pro-Gbagbo que je ne parle pas. Je ne suis ni pro-Gbagbo, ni pro-Ouattara. Je suis un leader religieux qui dit ce qu’il pense, qui agit conformément à la loi. Le Conseil constitutionnel a proclamé, fin 2010, un vainqueur de l’élection présidentielle. Je me suis aligné et j’ai été à la prestation de serment. La même institution, censée être infaillible en Droit, s’est dédit par la suite. Le candidat qui a été désigné cette fois vainqueur, nous avons été à son investiture à Yamoussoukro. On ne peut pas nous étiqueter d’être d’un camp politique. Les politiciens ne doivent pas rejeter leurs responsabilités dans la crise sur nous les religieux. Ce ne sont pas les hommes de Dieu qui ont plongé le pays dans la crise, mais plutôt nos hommes politiques actuels. Ils refusent de nous écouter. Or, ils sont des laïcs. Ils sont nos brebis. Mais, ils ne nous écoutent pas, et ils mettent à mal la cohésion sociale. Il y a des exemples à profusion.

Pouvez-vous nous en citer ?

En 1999, par exemple, j’avais demandé au général Guéi de ne pas être candidat, de mettre de l’ordre dans ‘’la maison’’ et de se retirer. J’avais eu 30 minutes d’entretien avec lui. Il m’avait, par la suite, fait venir une délégation de parents du village et d’alliés pour me faire plier. Je leur avais dit que ça se terminerait mal s’il s’entêtait à se porter candidat à l’élection présidentielle pour garder le pouvoir d’État. Il ne m’avait pas écouté. La suite, on la connaît tous. Moi, je suis une sentinelle, mais Guéi ne m’a pas écouté. Il en est de même pour le président Bédié, bien avant le général Guéi. Je lui ai demandé de laisser Ouattara se présenter afin d’avoir l’opportunité de le battre dans les urnes. Bédié nous a traité de petits pasteurs à l’époque. Il nous a traité de tous les noms. Que s’est-il passé par la suite ? La force d’un pays, c’est le spirituel. Quand un pouvoir accorde de l’intérêt aux hommes de Dieu, à la spiritualité, la morale se développe dans le pays et les hommes d’affaires y affluent pour investir. La morale est le cœur de toute société. C’est cela que le président Houphouët a compris et a su exploiter pour s’offrir une longue gouvernance apaisée. Il écoutait beaucoup les religieux. Ce n’est pas le cas avec les présidents qui se sont succédé au pouvoir depuis son décès. A Gbagbo, j’ai eu à dire des vérités mais je n’ai pas été toujours écouté. C’est cela le problème. Nous, les religieux, les hommes politiques ne nous écoutent pas et quand le pays bascule dans la violence et le désordre, ils nous demandent de prier. Concernant Ouattara aujourd’hui, je ne suis pas d’accord qu’il maintienne en prison des Ivoiriens. Les arrestations d’opposants jouent contre la réconciliation. Il faut qu’il libère tous les prisonniers politiques.

A quelques mois du scrutin présidentiel, vous comptez célébrer le 40ème anniversaire de votre ministère. Ne pensez-vous pas que les élections à venir pourraient être de nature à empêcher plusieurs partenaires de l’étranger d’y prendre part en raison des appréhensions du contexte pré-électoral chaud ?

C’est vrai, les élections suscitent quelques appréhensions, notamment à l’extérieur. Mais, notre église a l’habitude des grands rendez-vous spirituels dans des moments chauds. Rappelez-vous, nous avons organisé à Bouaké, en pleine rébellion en 2008, un gigantesque Ciamel qui a mobilisé, à travers la Côte d’Ivoire et le monde, plus de 30.000 participants. Il en fut de même à Man en 2009. Dans les zones dites occupées, où il y avait la peur, nous sommes allés prêcher la parole de Dieu qui restaure. Nous avons brisé le cycle de la peur de l’autre, du frère Ivoirien de l’autre côté de la ligne de front qui était taxé de rebelle. Dieu dit que ceux qui l’invoquent, il les exaucera. Il faut prier pour pacifier les cœurs. Nous allons prier justement pour des élections apaisées.

On pourrait se demander ce qui vous fait courir en voulant organiser un grand rassemblement au stade Houphouët-Boigny. Est-ce une manière de montrer la force de votre communauté et dire ainsi qu’il faut compter avec elle concernant les joutes électorales ?

Nous, Epbomi, avons intérêt à invoquer le Seigneur pour des élections pacifiques parce que nous avons plusieurs projets dont la réalisation est assujettie à la tranquillité publique, à la stabilité politique. Nous avons entamé des projets sociaux d’envergure. Pour les achever, il nous faut la paix. La guerre les troubles à relent politique accroissent les nécessiteux, les désœuvrés, les chômeurs. Le budget alloué par notre église à la gestion des personnes vulnérables est de 70 millions F Cfa par an. Celui qui a des projets est plus mobilisé pour la paix que celui qui n’en a pas et qui n’attend rien de la stabilité. Notre pays a eu suffisamment de victimes, d’orphelins de guerre, de veuves, qu’il faut prier pour que les élections de 2015 ne nous conduisent à un autre chaos. Nous ne devons pas relâcher dans la prière. En tout cas, ces 40 ans seront l’occasion de plier genou pour invoquer Dieu afin que les élections d’octobre 2015 soient apaisées. C’est le lieu pour moi d’appeler nos hommes politiques à l’humilité. Le secret de la bonne organisation de ma communauté qui est citée en exemple en termes de stabilité, c’est l’humilité, la soumission au choix divin, l’obéissance, la discipline. C’est dans l’humilité qu’on règle les crises. Je les invite tous à plus de retenue, d’humilité.

Propos recueillis par TRAORE Tié

L’INTER

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